Dix ans après la frénésie spéculative du début des années 2010, le marché de la photographie a retrouvé son équilibre. Fini la course aux records : place à une maturité nouvelle, nourrie par un public élargi et des collectionneurs plus curieux que jamais. Selon Artprice, 85 % des œuvres photographiques vendues l’an passé ont été adjugées à moins de 1 000 dollars. Un chiffre qui dit tout : la photographie reste l’un des supports les plus accessible du marché de l’art – dont elle représente 10 %, selon les maisons de ventes –, un terrain de jeu pour l’œil autant que pour le portefeuille.
« La photo touche le plus grand nombre, à la fois par son accessibilité plastique et parce qu’elle offre une gamme de prix très large », souligne Florence Bourgeois, directrice de Paris Photo. Et de rappeler que l’événement, de retour cette année sous la verrière du Grand Palais, attire toujours plus d’exposants – 222 venus de 33 pays, dont 179 galeries et 43 éditeurs, avec 60 nouvelles participations. « Nous recevons environ 200 institutions, dont les trois quarts viennent de l’étranger, ajoute-telle. Paris Photo reste un moment essentiel, à la fois pour découvrir, échanger et vendre. »
Un succès qui s’explique aussi par le renouvellement du médium lui-même. Les grandes signatures – Richard Prince, Andreas Gursky, Cindy Sherman – continuent d’occuper le haut du marché, mais la curiosité se déplace vers d’autres territoires. De jeunes artistes revisitent des procédés anciens, du cyanotype au photogramme, quand d’autres explorent le numérique ou l’intelligence artificielle.
« La photographie est plurielle, et c’est précisément ce que nous voulons montrer : un panorama aussi large que possible, de l’historique au contemporain », insiste Florence Bourgeois. Cette vitalité s’appuie sur un tissu de galeries toujours plus cosmopolite. Le secteur Curiosa, dévolu à la découverte, accueille cette année des professionnels venus de Turquie, d’Inde ou d’Égypte. Foire marchande par définition mais aussi foisonnant musée, l’événement a attiré 80 000 visiteurs l’an passé.
Voici cinq stands à ne pas manquer pour saisir l’esprit de cette édition :
⭐ Les balafres de Sophie Ristelhueber. À l’entrée principale du Grand Palais, Poggi présente une installation monumentale de Sophie Ristelhueber, la photographe lauréate 2025 du prix Hasselblad, le « Nobel » de la photo. Sur un mur de 36 mètres de long et plus de 3 mètres de haut, ses paysages dévastés et ses ruines vidées des hommes témoignent des sursauts du monde et accrochent le visiteur dès son arrivée.
⭐ La collectionneuse. Il est rare qu’une foire expose une collection privée. Paris Photo consacre cette année un espace à celle d’Estrellita B. Brodsky, historienne de l’art et passionnée par la photographie de l’Amérique du Sud. On y retrouve 60 œuvres d’artistes tels que Paz -Errázuriz et Fernell Franco ainsi que des figures plus jeunes comme Regina José Galindo, Tania Franco Klein et Pablo López Luz.
⭐ Un jardin-cyborg. Au cœur du récent secteur consacré à la photographie et à l’image dans l’ère numérique, Julieta Tarraubella dévoile sa série The Secret Life of Flowers, une installation audiovisuelle prenant la forme d’un « jardin-cyborg ». Grâce à des écrans en mosaïque où se déroulent des images en time-lapse (clichés capturés à intervalles réguliers et diffusés en accéléré), le cycle de vie des fleurs devient un environnement sculptural au milieu duquel on déambule.
⭐ Le monde étrange de Torbjorn Rodland. Ambiance polar scandinave avec cette photo d’enfant tout mignon tenant contre son visage un couteau de cuisine japonais démesuré. Quand l’étrange et le dérangeant s’invitent dans le quotidien, quand les clichés sont saturés de symbolisme, de lyrisme et d’érotisme, c’est que vous êtes bien dans l’univers du Norvégien Torbjorn Rodland.
⭐ Joel Meyerowitz bien entouré. La douce image de Roseville Cottages, avec son ciel entre bleu tendre et rose de soleil couchant qui se reflète sur les maisons aux teintes pastel, est en fronton du stand Polka. Un cliché de Joel Meyerowitz issu de sa célèbre série Cape Light sur le paysage américain qui rappelle Edward Hopper. On peut aussi y voir Steve McCurry, Sebastião Salgado, William Klein ou encore la géniale Éloïse Labarbe-Lafon et son épopée amoureuse américaine.
5 stands à voir
⭐ Sophie Ristelhueber – Sur le stand Poggi (France) A24
⭐ Collection Estrellita B. Brodsky – Dans la galerie sud-est au rez-de-chaussée du Grand Palais
⭐ Julieta Tarraubella – Sur le stand Rolf Art (Argentine), F02
⭐ Torbjorn Rodland – Sur le stand Eva Presnhuber (Suisse), B54
⭐ Joel Meyerowitz – Sur le stand de la galerie Polka (France) B10, et à la galerie, cour de Venise, 12, rue Saint-Gilles (Paris 3e)
ℹ️ Paris Photo Jusqu’au 16 novembre à 19 heures 3, avenue du Général-Eisenhower (Paris 8e).