Chaîne des Relais Routiers : « Convivialité, bonne cuisine et sens du service ont encore de l’avenir»
Le premier à arborer en France le panonceau bleu et rouge, signalant les restaurants sélectionnés Relais Routiers, est Le Cheval noir à Champagne-au-Mont-d’Or, sur de qui s’appelait à l’époque la N6. Plus de 90 ans plus tard, rencontre avec Laurent de Saulieu, gérant de la Chaîne des Relais routiers et directeur de la publication du journal Les Routiers, qui défend une cuisine généreuse et familiale dans une bonne ambiance.
Le premier à arborer en France le panonceau bleu et rouge, signalant les restaurants sélectionnés Relais Routiers, est Le Cheval noir à Champagne-au-Mont-d’Or, sur de qui s’appelait à l’époque la N6. Plus de 90 ans plus tard, rencontre avec Laurent de Saulieu, gérant de la Chaîne des Relais routiers et directeur de la publication du journal Les Routiers, qui défend une cuisine généreuse et familiale dans une bonne ambiance.
Comment est née la chaîne des Relais Routiers ?
Laurent de Saulieu : « L’histoire commence en 1934 avec la création du journal Les Routiers, qui s’adressait aux chauffeurs de poids lourds. Très vite, les relais routiers sont apparus comme les lieux où l’on pouvait lire ce journal, se restaurer et se reposer. Certaines vieilles enseignes portent encore la mention « Ici, on lit Les Routiers ». Ce lien entre le journal et les restaurants a façonné un réseau unique, fondé sur la convivialité et la solidarité du monde de la route. »
Juridiquement, qu’est-ce qu’un relais routier aujourd’hui ?
« C’est une marque, à laquelle les établissements adhèrent par une licence. Ils conservent une totale indépendance : chacun fait sa cuisine comme il l’entend, sans cahier des charges contraignant. Nous ne sommes pas une franchise à la McDonald’s ! Les restaurateurs paient une redevance annuelle d’environ 300 €, ce qui leur permet d’utiliser le logo, d’être présents dans le guide et de recevoir le journal Les Routiers pour leurs clients. »
Le nombre d’établissements a beaucoup diminué au fil du temps. Pourquoi ?
« Le réseau a compté jusqu’à 3 000 relais dans les années 1960 , avant l’arrivée massive des autoroutes. Les déviations et interdictions de stationner imposées aux camions par les municipalités ont aussi fragilisé les restaurants de bord de route. Aujourd’hui, on en recense un peu plus de 300. Ce recul s’explique par des raisons économiques et sociologiques : le métier de chauffeur change, la clientèle se diversifie, et certains établissements ont quitté le label pour économiser quelques centaines d’euros par an. »
Le monde des routiers traverse aussi une crise profonde…
« Oui, la profession souffre. D’abord à cause de la concurrence européenne : beaucoup de chauffeurs venus de l’Est travaillent en France pour des salaires bien inférieurs, ce qui bouleverse tout l’équilibre du secteur. Ensuite, il y a la question énergétique. Le diesel est décrié, mais aucune technologie ne le remplace efficacement pour les longues distances. L’électrique fonctionne pour les livraisons urbaines, mais pas encore pour les trajets de 800 km par jour. On parle d’hydrogène, mais ce n’est pas pour demain. »
Comment les relais s’adaptent-ils à cette nouvelle réalité ?
« Les relais routiers qui s’en sortent aujourd’hui sont ceux qui ont su élargir leur clientèle : ouvriers, touristes, habitants des environs… tout en gardant l’esprit routier. L’accueil reste la clé : on connaît les chauffeurs par leur prénom, on se souvient de leurs habitudes. C’est ce lien humain, cette chaleur, qui font l’identité du label. Le soir, quand les camions s’arrêtent et que les chauffeurs partagent un apéritif et un repas, on retrouve cette ambiance conviviale. »
On a parfois une image caricaturale du routier « bourru »…
« Pas du tout ! Les routiers sont souvent des gens cultivés, informés, avec de vraies opinions. Ils écoutent la radio toute la journée, s’intéressent à la politique et à l’économie. Ce sont des travailleurs qui ne comptent pas leurs heures, attachés à leur liberté et à une certaine idée du métier. Ils sont solidaires, respectueux, et ils font vivre une culture populaire française, faite de bonne humeur et de simplicité. »
Quel rôle joue encore le label aujourd’hui ?
« Notre mission n’a pas changé : soutenir les chauffeurs et valoriser une restauration authentique, généreuse et abordable. Les relais rendent un vrai service public : offrir aux conducteurs un lieu sûr pour s’arrêter, se restaurer et se reposer, à des horaires souvent compliqués. C’est une forme de refuge sur la route, un espace d’humanité au milieu des contraintes logistiques. »
Et demain ?
« Demain, il faudra composer avec les mutations technologiques et écologiques. Certains relais installent déjà des bornes électriques pour les voitures, et peut-être un jour pour les camions. L’avenir est incertain, mais je crois profondément que la convivialité, la bonne cuisine et le sens du service ont encore de l’avenir. Les relais routiers ont traversé près d’un siècle d’histoire. Ils trouveront leur place dans le monde de demain. »
Propos recueillis par Damien Lepetitgaland