Elle se présentait elle-même comme « Lady Photographer » et bien qu’elle soit aujourd’hui considérée par certains comme « la première femme photographe de Palestine et du Moyen-Orient », vous n’avez sans doute jamais entendu parler de Karimeh Abbud. À Marseille, la maison d’édition Images plurielles (associé à Barzakh, à Alger) rend aujourd’hui hommage à cette artiste oubliée, dans une belle monographie trilingue (français, arabe, anglais), Karimeh Abbud, images de Palestine. Elle fera aussi l’objet d’une exposition, le 4 décembre à 18h à la librairie Maupetit (142, La Canebière).
Quête
« J’aime les regards d’auteurs croisant l’Histoire », explique Abed Abidat, éditeur et photographe marseillais. Celui posé dans les années 1915-1940 par cette fille de pasteur, née à Bethléem en 1893, et à la tête de son propre studio – fait rarissime à l’époque pour une femme – ne pouvait que l’intéresser. « Elle documente un monde d’avant la Nakba« , l’expulsion et l’exode des populations arabes de Palestine en 1948, précise-t-il. Il y a quatre ans, c’est une enseignante parisienne qui lui parle la première de Karimeh Abbud et de la quête entreprise depuis 2006 par Ahmad Marwat, un chercheur en histoire palestinien qui a créé un fonds mémoriel à l’histoire de cette terre.
« Au départ, il y a la découverte, dans une vieille maison de Qatamon, un quartier de Jérusalem, d’un ensemble de cartes postales, retrace Abed Abidat. Celles-ci portent au dos un tampon : Karimeh Abbud, lady photographer. » Des portraits de femmes, d’enfants, essentiellement. Pour Ahmad Marwat, des années d’enquête difficile commencent. Qui est cette femme, décédée en 1940 ? Toutes n’ont pas trouvé de réponse : « Ainsi, nous ne connaissons pas encore le nom de la personne qui l’a initiée à la photographie, admet ce chercheur. Mais de nombreux Arméniens travaillaient dans le domaine de la photographie dans cette région du monde. »
Ce qu’on sait néanmoins, c’est que la jeune femme est la fille d’un pasteur, Saïd Abbud, prédicateur de l’église luthérienne de la Nativité à Bethléem et à Jérusalem. Karimeh commence à exercer son art en saisissant sa famille puis la bonne société locale. « Ses photos ont contribué à une présence sociale qui a joué un rôle tant dans la société civile que dans les villages », soutient Ahmad Marwat. « Les voyages qu’elle effectue lui permettront d’être l’observatrice privilégiée » de la Palestine, appuie l’historienne Sandrine Mansour, qui préface le livre.
« Karimeh Abbud, images de Palestine », édition Images plurielles et Barzakh, 248 pages, 39 euros.