Alors que les cas d’agressions contre les élus se multiplient partout en France – 2 501 faits avaient été recensés en 2024 – et que les pouvoirs publics renforcent les mesures pour les protéger, un nouvel exemple vient allonger la liste des victimes. Le samedi 25 octobre en fin de journée, Thibaut Drouet, conseiller municipal délégué à la jeunesse et à la vie étudiante de la ville de Rouen (Seine-Maritime), a ainsi violemment été pris à partie.

« Cela faisait suite à une remarque que j’avais faite à un automobiliste mal stationné sur un trottoir, explique l’élu. J’ai voulu appeler la police municipale. Le conducteur est arrivé et m’a demandé si j’étais policier. Je lui ai dit que j’étais un élu et un citoyen ». L’agresseur l’a alors frappé à plusieurs reprises, lui lançant « T’es mort ! », avant qu’un passant ne s’interpose.

« Il faudrait plus de policiers »

Thibaut Drouet a immédiatement porté plainte. « Le lendemain, les policiers m’ont demandé de venir reconnaître la personne sur une fiche. Il était en garde à vue. On m’a ensuite appelé pour me signaler qu’il avait reconnu une partie des faits partiellement mais pas les menaces de mort ».

Déjà victime de plusieurs incivilités, le conseiller municipal est persuadé que son statut n’a eu aucune incidence que les faits. « Ce n’est pas forcément un manque de respect envers l’élu, mais envers l’humain de façon globale. Pour la majorité des gens, quand vous parlez de conseiller municipal, ils ne savent pas en quoi ça consiste… ».

Alors, le Rouennais réclame « une impunité sur les incivilités par des amendes. Le porte-monnaie fait toujours réfléchir. Seulement, pour cela il faudrait plus de policiers. Il en manque une centaine sur le territoire rouennais. Je ne demande pas des peines de prison systématiques, mais des réponses adéquates. Pour mon agresseur, je ne veux pas qu’il croupisse dans une cellule, mais que cela l’amène à réfléchir et refroidissent les autres. C’est important ».

Thibaut Drouet appelle aussi ceux qui voudraient s’engager dans la vie municipale « à ne pas hésiter pour autant ». « C’est très intéressant, motivant. On voit sa ville évoluer. Il faut seulement savoir qu’il y a un revers de la médaille et parfois c’est dur à accepter ».

« Les sanctions doivent être rapides et exemplaires »

Après les faits, il a reçu de nombreux messages de soutien de sa majorité, dont le maire Nicolas Mayer Rossignol, mais aussi des opposants. D’autres élus ont réagi dont Laurent Bonnaterre, conseiller régional et maire de Caudebec-lès-Elbeuf.

« La violence ne touche évidemment et malheureusement pas que les élus, mais ils en sont régulièrement les victimes. Le retour à des règles de respect de l’autorité plus fermes me semble absolument indispensable et les sanctions doivent être rapides et exemplaires. J’apporte évidemment tout mon soutien à ce conseiller municipal rouennais. Le dépôt de plainte doit être systématique dans ces circonstances et doit évidemment être accompagné par un renforcement des moyens de la justice ».

Il y a aussi ceux, victimes eux aussi, à qui cette actualité a ravivé de douloureux souvenirs. C’est le cas de Pascal Houbron, maire de Bihorel et conseiller régional, agressé chez lui en 2020 par un de ses administrés qui à l’aide d’un faux pistolet l’avait obligé à sortir nu dans la rue.

Jugé pour « violences aggravées », l’homme a été condamné à une peine de 30 mois d’emprisonnement dont 18 mois avec sursis probatoire pendant deux ans avec interdiction d’entrer en contact avec le maire de Bihorel, de paraître sur ladite commune, de détenir ou porter une arme ainsi qu’à une obligation de soins avec exécution provisoire.

« Nous ne sommes pas assez soutenus »

Face au cas de son collègue, Pascal Houbron se souvient de ces faits traumatisants. « Je vis toujours dans l’angoisse et je considère que mon agresseur n’a pas eu une peine assez importante, confie-t-il. Aujourd’hui, on ne respecte plus l’autorité. Pas plus les élus que les sapeurs-pompiers et les policiers. Nous sommes pourtant les derniers remparts contre l’anarchie. Nous l’avons vu lors des émeutes de 2023. Mais nous ne sommes pas assez soutenus. Il faut une réforme à ce sujet. Si on ne peut pas remplir les prisons, les amendes doivent être lourdes. Alors, je soutiens Thibault Drouet. Il ne doit pas se décourager. Il voit bien que s’il y a des violences, il a un soutien inconditionnel des élus au-delà des considérations politiques. Ce sera un sujet important lors du prochain congrès des maires. Nous sommes tous dans la même barque ».