Dans son document publié lundi après-midi, intitulé Rétablir l’ordre et le contrôle, elle clame que « [le Royaume-Uni est] devenu la destination privilégiée en Europe, clairement visible pour tous les passeurs et migrants clandestins potentiels à travers le monde ». Une affirmation fausse : si 109 343 personnes ont demandé l’asile au Royaume-Uni lors des douze mois jusqu’à la fin mars 2025, le double de demandes a été déposé en Allemagne, 50 % de plus en Espagne, 45 % de plus en France et 38 % de plus en Italie, selon les statistiques de l’office européen de statistiques Eurostat.
Un statut de réfugié plus précaire
Qu’importe, la ministre a assuré lundi soir devant la Chambre des communes que « tant que nous n’aurons pas rétabli l’ordre et le contrôle, ceux qui cherchent à nous diviser continuerons à devenir plus fort ». Au premier rang de ses préoccupations : la gestion des réfugiés arrivés sur son sol. Tous devront à l’avenir renouveler leur statut de réfugié tous les deux ans et demi, contre cinq ans aujourd’hui, et ne pourront pas accéder à la résidence permanente britannique pendant vingt ans, contre cinq ans actuellement. Si leur pays est à nouveau considéré « sûr », leur statut de réfugié sera annulé et ils devront y retourner.
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Ce sera également le cas des 255 000 Ukrainiens installés au Royaume-Uni depuis le début de l’invasion de leur pays par la Russie. Ils devront rejoindre l’Ukraine à la fin du conflit ou une fois leur autorisation expirée, c’est-à-dire pour le moment au plus tard trois ans et demi après leur arrivée.
Un accueil moins généreux
Une fois arrivés sur le sol britannique, les futurs réfugiés ne bénéficieront plus automatiquement du soutien de l’État ou « du droit automatique à la réunion familiale ». Fini le logement et les aides financières automatiques. « Nous supprimerons l’obligation légale actuelle de fournir une aide aux demandeurs d’asile qui, sans cela, se retrouveraient sans ressources », précise le document, pour revenir à la situation pré-2005, lorsque l’adoption de cette obligation visait à s’adapter à la loi européenne. Les aides seront accordées en priorité à ceux qui contribueront à l’économie et aux communautés, c’est-à-dire à ceux qui travailleront légalement. Par ailleurs, « l’aide sera également subordonnée au respect de la législation britannique par les demandeurs d’asile. À l’heure actuelle, la criminalité n’empêche pas un demandeur d’asile de bénéficier de l’aide de l’État. C’est inacceptable. »
Ces changements nécessiteront de nouvelles interprétations juridiques d’articles de la Convention européenne des droits de l’homme. L’article 3, qui protège les personnes contre la torture et les traitements inhumains, sera réinterprété pour « soutenir la déportation des criminels dangereux ». L’article 8, qui garantit le droit à une vie de famille, sera réinterprété « en faveur des attentes des Britanniques ». « Nous commencerons donc à renvoyer des familles », a prévenu la ministre. Le système d’appel sera également revu pour empêcher que des réfugiés ne demeurent pendant des années après la décision de renvoi initiale.
En revanche, pour montrer sa volonté de demeurer honorable, elle a assuré l’ouverture de nouvelles voies légales pour accueillir les réfugiés étudiants et actifs. Ceux qui entreront légalement dans le pays bénéficieront « d’une voie plus rapide et plus aisée d’obtenir la citoyenneté permanente ».
Vieilles recettes, nouvel échec ?
Ses arguments n’ont pas vraiment convaincu nombre de ses députés et les spécialistes du secteur. Sunder Katwala, le directeur de British Future, un centre de réflexion spécialisé sur l’immigration, estime que cette réforme reprend de nombreuses mesures déjà expérimentées par les conservateurs à partir de 2022 pour tenter de rendre le Royaume-Uni moins attrayant aux migrants, sans tenter de « répondre aux raisons de leur échec ». Il prend exemple sur deux motivations majeures : « L’utilisation de la langue anglaise » et « l’existence déjà bien établie de routes de contrebande ».
À l’inverse, Nigel Farage, le chef du parti populiste et anti-immigration Reform UK, s’est dit surpris que Shabana Mahmood « ressemble de plus en plus à une partisane de Reform »… Une sortie évidemment destinée à jeter de l’huile sur le feu et attisera sans aucun doute la colère de la gauche du parti travailliste.