Ce mardi et mercredi, plus de 1 900 personnes sont attendues à Bercy pour la 7e édition d’Ambition Africa, un forum business pour les entreprises françaises et africaines, placé sous le haut patronage du Président de la République, Emmanuel Macron. L’évènement est organisé par Business France. L’agence gouvernementale attend plus de 40 nationalités différentes et plus de 1 400 rendez-vous entre entreprises.

À cette occasion, Philippe Garcia, nommé il y a deux mois à la direction de la zone Afrique du Nord de Business France, revient pour La Tribune sur ses attentes, ses objectifs et sur les secteurs porteurs dans la région qu’il couvre. 

LA TRIBUNE. Vous avez pris fonction il y a deux mois. Quelles sont vos priorités à la tête de la direction Afrique du Nord de Business France ? 

PHILIPPE GARCIA. Nos priorités sur le plan sectoriel restent les mêmes : énergies, transition énergétique, infrastructures, santé, numérique et agroalimentaire. Depuis que j’ai pris mes fonctions, j’ai rencontré énormément d’acteurs économiques, des institutionnels, des banques, des grands patrons, des PME, des incubateurs, etc. Pour mieux m’imprégner de ce qu’il était possible de mieux faire. C’est une zone sur laquelle nous avons quatre pays (l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et Libye) et dans laquelle nous avons des positions très fortes car la France est le premier partenaire économique de la Tunisie, du Maroc et de l’Algérie.

« La Tunisie peut faire partie d’une stratégie élargie de souveraineté économique française »

Si nous le voulions, nous pourrions rester avec ces parts de marché et continuer ainsi. Mais nous pouvons aller plus loin, car il y a une vraie volonté des Marocains et des Tunisiens en particulier. S’agissant de deux pays qui mènent une politique de souveraineté économique assez marquée, ce que nous essayons de promouvoir côté tunisien et côté marocain, c’est aller vers du co-développement. C’est d’autant plus simple que nous considérons que nous sommes dans une zone relativement stable sur le plan de la relation avec la France et que nous nous trouvons à un moment où les entreprises françaises cherchent à trouver leurs partenaires, leurs alliés, leurs amis.

Vous avez déclaré, au cours de votre prise de fonction, que « la souveraineté industrielle de la France passe aussi par la Tunisie ». Pouvez-vous expliquer cette phrase ?

Trop souvent, lorsque l’on parle de la Tunisie en France, l’image économique qui vient, c’est l’olive, le tourisme et le textile. Mais il y a aussi plein d’autres secteurs : la santé, l’automobile, l’aéronautique, l’électronique, l’intelligence artificielle, le numérique, etc. Et mon propos était de considérer que dans le cadre des politiques de sécurité et souveraineté économique que nous menons, nous sommes un peu le bras armé de la souveraineté économique française à travers l’attraction d’investissements étrangers et le développement des exportations françaises.

Alors, considérant la facilité qu’il y a pour une entreprise française à produire en Tunisie sans délocaliser, la Tunisie peut faire partie d’une stratégie élargie de souveraineté économique française. D’autant plus que cela peut nous permettre d’aller conquérir d’autres marchés qui nous sont plus difficilement accessibles, et où nous avons besoin d’une triangulation : c’est le cas en Afrique francophone par exemple.

« En Algérie, aucune entreprise française, à ma connaissance, n’a fermé »

Attendez-vous certains signaux de la part de Tunis sur le climat des affaires, le cadre réglementaire… ?

A priori, pas dans l’immédiat. Ce que nous serions en mesure d’attendre, c’est que la Tunisie, qui n’a pas de marque pays pour l’instant, communique davantage sur ses atouts qui sont bien réels. Dans l’innovation, dans l’intelligence artificielle, dans le numérique, ils ont des talents vraiment exceptionnels. Les flux d’investissements français en 2025 ont encore progressé.

Quelles relations entretenez-vous avec l’Algérie, alors que les deux dernières années ont été dégradées sur le plan politique ? 

En Algérie, Business France a maintenu une présence. Malgré une certaine réduction de notre activité, nous avons vraiment tenu à maintenir un bureau, comme l’ont fait d’ailleurs les entreprises françaises qui ont des filiales. Aucune, à ma connaissance, n’a fermé. Elles sont restées en Algérie malgré la baisse de l’activité et parce que c’est l’Algérie. Parce qu’il y a une proximité historique, affective, peut-être un peu passionnelle parfois. Et donc, nous croyons à un redoux, et c’est dans cette perspective que nous avons maintenu un bureau.

Au Maroc, quels secteurs vous paraissent particulièrement porteurs ?

Parmi les secteurs particulièrement porteurs, il y a effectivement les phosphates. 70 % des réserves mondiales sont au Maroc. Mais il y a d’autres secteurs, comme le sport, sur lequel nous nous lançons. Nous nous positionnons avec la CAN en ce moment, et la Coupe du Monde FIFA 2030, à la fois sur des enjeux d’infrastructures mais aussi sur tous les contrôles, sécurité, billetterie, etc. Il y a le secteur de la mode, de la santé, de la logistique. Et dans le secteur des infrastructures, il y a de plus en plus le ferroviaire. Il y a une vraie politique de décarbonation de l’économie marocaine, comme c’est le cas en Tunisie aussi.

L’Afrique du Nord occupera-t-elle une place importante au forum ?

Oui, elle est importante en termes de participants. Il devrait y avoir environ 200 Nord-Africains, essentiellement des entreprises, des patrons d’entreprises privées du Maroc, de Tunisie, d’Algérie et nous avons également une grande délégation libyenne. Pour nous, le succès du forum se constatera dans les prochaines semaines, par l’ardeur que nous allons mettre à aller revoir les participants qui nous paraissent vouloir jouer un rôle dans le développement ou dans le renforcement du partenariat franco-africain. Nous leur proposerons de nouveaux formats de coopération. Je pense que c’est l’avenir de la relation franco-africaine sur les plans économique, commercial et industriel. Nous sommes très attendus sur ces sujets-là, y compris sur la coopération technique et le transfert de technologie dans une grande majorité des pays africains. Et c’est aussi une manière de se distinguer de la Chine qui fait de l’Afrique un de ses relais prioritaires de développement international. Nous pouvons nous en distinguer par notre approche très partenariale et par l’excellence de nos filières.

Quel conseil donneriez-vous aux entreprises françaises qui se rendent à Bercy ?

Il y a énormément d’investissement 100 % français qui vont se localiser dans ces pays, il y a également énormément d’investissement, 100 % tunisiens ou marocains en France. Ce que nous ambitionnons de faire, c’est que nous puissions montrer que nous sommes capables de promouvoir des champions franco-marocains ou franco-tunisiens, tout comme nous avons su créer des champions européens. 

L’intelligence artificielle va occuper une part importante des conférences. Quel est l’état de la filière en Afrique du Nord ?

Il y a quelques data centers, mais il y a surtout des incubateurs. Et il y a surtout une manière que nous avons aussi de faire travailler ensemble les universités, les grands groupes, les start-up, les centres de recherche et développement au Maroc comme en Tunisie. Et puis il y a une fibre, un profond attachement pour le numérique et l’intelligence artificielle. Je pense que les premiers vrais champions franco-marocains ou franco-tunisiens nous les aurons dans l’IA, car c’est un secteur agile.