Près d’un an et demi après sa performance surprise à la cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris 2024, Lady Gaga fait son grand retour à Paris pour quatre dates à l’Accor Arena. Les concerts ont, sans surprise, affiché complet en quelques minutes seulement. La pop-star aurait pu remplir une plus grande salle, mais a fait le choix de produire dans des lieux à taille plus « humaine » (environ 20 000 places à Bercy, tout de même) pour présenter son Mayhem Ball (lancé à Las Vegas, en juillet) tournée accompagnant son septième album, Mayhem, mélange des genres reflétant son identité unique.
En attendant le début du spectacle (sans première partie), sur fond de musique d’opéra, l’écran diffuse des messages de fans venus voir leur idole de loin, et parfois même de l’autre bout du monde. Jusqu’à ce que Mother Monster – surnom qui l’accompagne depuis ses débuts – apparaisse, toujours à l’écran, avec des cheveux noirs, dans une robe rouge, plume à la main, comme pour nous prévenir qu’elle s’apprête à nous raconter son histoire pendant 2h40 mémorables.
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L’opéra signé Lady Gaga
Le décor installé restera le même toute la soirée : une scène d’opéra où les loges serviront principalement aux musiciens, et où les actes s’enchaîneront en évoquant les mêmes thèmes et en procurant la même émotion qu’une pièce de théâtre. Mort, renaissance et double identité sont les moteurs du Mayhem Ball (mayhem signifie « chaos »), introduit à 20 h 40. Comme beaucoup de pop-stars, dont Taylor Swift et ses eras, mais ici sans classement par album, Lady Gaga annonce l’acte I, intitulé « The Art of Personal Chaos ». Il est présenté à l’écran comme le « manifeste de Mayhem« face à son alter ego, sa jumelle à la chevelure blond platine, caractéristique de son look de 2008.
Avant que la reine n’arrive en son royaume, l’avancée de la scène allant jusqu’au milieu de la fosse se remplit de rouge, tel le sang de Bloody Mary, titre de l’album Born This Way (2011) qui lance le show. En 2025, difficile de faire une entrée plus remarquée sur scène : l’Américaine arrive, comme lors de son premier concert de Mayhem, donné au festival de Coachella, en avril, dans une robe géante rouge en velours, dans laquelle elle trône au quatrième étage d’une cage où se cachent ses danseurs.
Même enfermée dans cette robe à corset dont l’histoire de la pop se souviendra, Gaga partage ses premiers pas de danse sur Abracadabra avant d’enchaîner avec le tube Judas, clôturé avec les premières flammes de la soirée. À un rythme impressionnant, sans une seconde de battement, les titres s’enchaînent, naviguent entre les albums : Aura (Artpop, 2013), puis Scheiße (Born This Way, 2011), avec plus d’une dizaine de danseurs et danseuses, et, déjà, une nouvelle tenue façon cabaret.
Du rouge, l’éclairage passe au vert pour Garden of Eden, l’un des morceaux hypnotiques de Mayhem. Gaga est cette fois-ci seule au centre de la scène, avant d’attraper une guitare et d’utiliser pour la première fois l’avancée de l’Accor Arena, en jouant toujours de son instrument. Un choix symbolique, rappelant que la pop-star est avant tout une musicienne et que le rock a toujours été une inspiration majeure dans son œuvre (et restera au cœur du concert).
Après 20 minutes de show, un premier « Bonsoir Paris ! Welcome to the opera house » retentit. Puisque les tubes sont la marque de fabrique de Lady Gaga, qui a connu une célébrité mondiale dès la sortie de son premier album The Fame (2008), ils apparaissent tous les deux ou trois morceaux et sont présentés avec un storytelling fort. Pour Poker Face, l’artiste à la chevelure noire fait encore face à son alter ego, personnifiée par une danseuse masquée, mise à terre à la fin du morceau.
Des titres revisités
La Gaga des débuts est morte, mais qui lui succédera ? L’acte II peut commencer. Laissant ses musiciens sur scène, l’artiste revient pour un tableau consacré à son rêve gothique, couchée dans un bac à sable façon cimetière, entre des squelettes. Titre le plus rock de son album Mayhem, Perfect Celebrity, que l’on aurait pu imaginer être joué avec fougue sur scène, est chanté alors qu’elle reste entièrement couchée. Pas question de faire vivre à son public ce qu’ils peut entendre chez lui. Toujours inventive, Mother Monster réussit (souvent) ses paris. Paparazzi est chantée avec un tempo beaucoup plus lent, émouvant même, alors qu’elle porte une robe blanche à traîne, inspirée des pièces d’Alexander McQueen, qui s’illumine aux couleurs de l’arc-en-ciel (la défense et représentation de la communauté queer est essentielle pour elle) pendant qu’elle lâche les béquilles qui l’aident à avancer.
Entre les morceaux, Gaga laisse dans cet acte davantage ses musiciens faire patienter le public pendant qu’elle change de tenue (les boots à paillettes argentées, symboliques de l’album The Fame, font leur retour sur LoveGame), puis appelle ses fans à chanter avec elle sur Alejandro, titre à part de sa discographie, ultra-apprécié et incarné avec nostalgie depuis une loge de son décor d’opéra.
Puissante quand elle enchaîne les chorégraphies maîtrisées, Gaga l’est aussi quand elle avance seule dans une nouvelle robe d’époque (encore !) sur The Beast, puis empoigne sa guitare pour un nouvel instant ultrarock en duo avec son guitariste.
La mort retrouve sa première place dans l’acte III, « The Beautiful Nightmare That Knows Her Name », dont le décor principal est un crâne géant autour duquel elle interprète Killah, duo avec Gesaffelstein (qui n’apparaîtra pas ce soir). Après plus d’une heure de concert, Lady Gaga passe en un clin d’œil d’un bout à l’autre de la scène, maîtrise l’extravagance, danse du haut d’un escalier ou avec son public sur Zombieboy, qui se retrouve d’ailleurs éclairé avec des yeux de zombie. Les époques passent en quelques notes. Applause, l’un des rares titres d’Artpop (2013), ravive, encore, la nostalgie au moment opportun. Just Dance, son premier single sorti au printemps 2008, fait définitivement lever tout le monde dans les gradins.
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Une artiste sincère
Si elle nous laisse déjà sans voix avec sa maîtrise parfaite de la scène, Lady Gaga utilise le quatrième acte (« Every Chessboard Has Two Queens ») pour rappeler la puissance de sa voix et la vulnérabilité de sa musique. L’enchaînement de Shadow of a Man et Summerboy fait encore bien danser, convoque le côté festif du début de sa carrière, pile pour Born This Way, hymne écrit pour les personnes LGBTQ+ à qui elle s’adresse : « C’est pour vous, pour votre fierté, pour votre liberté. »
Une liberté qui est le mantra de son œuvre et qu’elle a prouvée avec l’album Joanne (2016), teinté de soft rock et de country. Million Reasons restera le seul titre du disque chanté ce soir. Connue pour jouer Shallow, titre oscarisé du film A Star is Born, qui a marqué ses débuts au cinéma en 2018, au piano, Gaga revisite là sa performance. Elle n’est plus face à son instrument, mais dans une mise en scène dramatique où un bateau la transporte dans une ambiance mystique et suspendue.
Au piano (enfin !), Gaga poursuit et déclenche la véritable « séquence émotion » avec Die With a Smile, tube de l’été 2024, en le revisitant avec une interprétation émouvante à la lueur des bracelets lumineux distribués au public à leur entrée dans l’Accor Arena. Une séquence prolongée par Always Remember us This Way (A Star is Born, 2018), climax de sa puissance vocale.
En répétant ce qu’elle dit à chaque concert du Mayhem Ball, Lady Gaga parvient à nous toucher. Elle dit être « la fille la plus chanceuse du monde », parle de ses débuts à New York où elle demandait à tous ses proches de venir le soutenir lors de ses premiers concerts. « C’est un privilège de voir qu’après 20 ans, vous venez toujours écouter ma musique », lance la pop-star avant d’offrir en guise de cadeau une interprétation piano-voix de The Edge of Glory, titre qu’elle conseille d’écouter chaque fois qu’on a « besoin d’[elle] ».
Face à son émotion et à celle de ses fans, Mother Monster interpelle même les journalistes présents dans la salle : « Regardez le public, c’est à cela que ressemblent mes concerts. » Un mélange d’extravagance et de sincérité totale.
L’écran prend feu, annonçant une dernière surprise de taille, un peu avant 23 h. Seul tube manquant à l’appel, Bad Romance est interprété avec la même théâtralité que son arrivée. Clin d’œil au clip sorti il y a 15 ans, Gaga renaît sur une table d’opération, comme elle l’avait annoncé : « Nous sommes des monstres et les monstres ne meurent jamais. »
Au naturel
Le concert aurait pu se terminer ainsi, avec toute l’excentricité que Gaga apporte à la pop depuis 2008. Mais, à 39 ans, la New-Yorkaise tient à rappeler qu’elle est bien plus que cela. Après le générique de fond défilant sur l’écran, la caméra nous embarque pour un épilogue dans les coulisses, où la chanteuse se démaquille, avant d’être filmée déambulant dans les longs couloirs, saluant son équipe, puis arrivant sur la scène, au naturel, en chantant How Bad do you Want Me, l’un des meilleurs titres de Mayhem.
Le visage de Stefani Germanotta, qui prend la peine de se confier depuis des années sur l’envers du décor, de sensibiliser à la santé mentale et à la fibromyalgie, maladie qui a interrompu plusieurs de ses dernières tournées, apparaît au naturel, tel qu’elle l’a finalement toujours été derrière ses personnages. La musicienne a tenu à rappeler ce lundi soir que Mayhem est un album qui vient de « [son] cœur ». Il n’y aura pas de meilleur résumé que cette séquence finale, au cours de laquelle Lady Gaga ne peut s’empêcher de retenir ses larmes en voyant le « fan project » des premiers rangs, où ses Little Monsters brandissent une feuille de papier avec la phrase « We want you for real ».
« Je vous aime tellement », crie-t-elle avant de rejoindre ses musiciens et danseurs, saluant à tour de rôle une salle émue d’avoir assisté à la renaissance gothique d’une star de la pop unique, que l’on ne manquera pas de revenir voir dans 20 ans, comme elle nous l’a demandé.