l’essentiel
La fermeture prochaine du Moulin du Dadou plonge ses salariés dans l’incertitude. Des mutations à 800 kilomètres de distance sont proposées, suscitant colère et incompréhension. Les employés, confrontés à un avenir incertain, envisagent déjà leur reconversion.
C’est un cauchemar qu’ils ne pensaient jamais vivre, et pourtant. Un couple de Tarnais, parents de plusieurs enfants et souhaitant rester anonyme, s’est vu proposer par la direction du groupe InVivo des mutations situées à plus de 800 kilomètres l’une de l’autre : Rouen pour l’un, Corbeil-Essonnes pour l’autre. Une situation « ubuesque », dénoncée ce lundi 17 novembre par la députée LFI du Tarn Karen Erodi, venue soutenir les salariés du Moulin du Dadou en grève.
Cette décision illustre la crise profonde qui secoue le site de Saint-Genest-de-Contest depuis que les 26 salariés ont appris, le 9 octobre dernier, la fermeture prochaine de l’activité qui existe depuis 1910. Pour la première fois depuis cette annonce brutale, ils se sont réunis ce lundi autour d’un brasero artisanal, avec le maire de la commune, Jean-Jacques Ayral, afin de faire front, malgré la quasi-certitude que leur avenir professionnel est compromis.
Des salariés amers
Une trentaine d’hommes et de femmes, vêtus de leur habit de travail orange fluo et portant dans leur dos des messages adressés à leur employeur, dénoncent une décision qu’ils jugent incompréhensible. Le Moulin du Dadou, pourtant rentable selon eux, verrait son activité supprimée car « il produirait trop par rapport aux besoins du territoire », une justification qui laisse les salariés amers.

Les salariés du Moulin du Dadou étaient en grève ce lundi 17 novembre pour tenter de sauver leurs emplois.
DDM – EMILIE CAYRE
Nicolas Birindelli, responsable depuis 21 ans des silos à blé dont la capacité atteint 16 000 tonnes, résume le climat actuel : « Les négociations avec la direction se passent très mal, d’où notre grève. 26 emplois vont être supprimés et on nous justifie cela ainsi, laissez-moi rire. » Comme lui, de nombreux salariés (meuniers, boulangers, caristes, cadres logistique ou chef de site) estiment que les propositions de reclassement — sept mois payés à 70 % du salaire et une prime pouvant aller jusqu’à 80 000 euros — ne compensent en rien le déracinement imposé ou la difficulté de reconstruire une vie ailleurs après tant d’années.
Selon eux, les solutions avancées par la direction ignorent totalement la réalité familiale de nombreux employés, conduisant à des couples dispersés dans toute la France, parfois dans des régions éloignées de plusieurs centaines de kilomètres. Les principaux concernés savent déjà qu’ils n’accepteront pas l’offre, quitte à se retrouver au chômage. « On songe déjà à nos reconversions, mais il faudra bien remplir le frigo d’ici là ! »
Un combat perdu d’avance ?
Pour Karen Erodi, les conséquences dépassent largement le cadre des salariés : « Cette fermeture va impacter nos agriculteurs qui produisaient du blé pour le Moulin du Dadou. Je vais alerter le gouvernement dès mon retour à Paris. »

Les salariés ont reçu le soutien de la députée Karen Erodi.
DDM – EMILIE CAYRE
Autour du feu, certains ont déjà accepté l’idée que le site disparaîtra. Nicolas Birindelli et son épouse, qui travaille au laboratoire de production depuis neuf ans, savent qu’ils seront licenciés : « On nous a informés que les lettres arriveraient mi-janvier. Fin juin 2026, le site sera vidé. » Et d’ajouter : « On a le sentiment d’être encore moins que des chiffres pour les patrons. Pourtant, nous n’avons jamais compté nos heures. C’est très dur à vivre. »