Par
Benjamin Forant
Publié le
19 nov. 2025 à 6h34
C’était un changement très attendu par les usagers des lignes 220, 213 ou 312. Ces dernières semaines, l’intégralité du nouveau réseau de bus « Marne et Brie » est passé sous le contrôle de l’entreprise Keolis, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des réseaux d’autobus en Île-de-France.
En effet, le 1er août 2025, les lignes dites de grande couronne sont passées sous gérance Keolis, après des années de régie par Transdev. On parle notamment ici des lignes 1 à 9, qui passent par Chelles, Vaires-sur-Marne, Torcy ou Courtry (Seine-et-Marne).
Le 1er novembre, ce sont les lignes dites de petite couronne qui ont effectué le changement, alors que ces dernières étaient gérées par le réseau de bus RATP. Ce sont les lignes 206, 207, 209, 211, 212, 213, 220, 310, 311, 312, 320 et 321, qui passent par Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), Noisiel, Torcy, Lognes ou Champs-sur-Marne.
Mais depuis ces changements, les critiques pleuvent de la part des élus de l’opposition à la Région et des usagers.
« Une volonté politique »
Céline Malaisé, présidente du groupe « La Gauche communiste écologiste et citoyenne » au conseil régional d’Île-de-France, est très véhémente vis-à-vis du passage de la RATP à Keolis pour les lignes de la petite couronne. Sur ses réseaux sociaux, elle dénonce une suppression de 330 bus sur la seule journée du lundi 10 novembre 2025. « 330 bus ont été officiellement supprimés aujourd’hui par Keolis Grand Paris Vallée de la Marne ! 10 jours après le passage de la RATP à une filiale de droit privé Keolis C’est la démonstration de l’échec de la privatisation des bus mise en place par la droite régionale », peut-on lire sur son compte X.
Sous son post, plusieurs utilisateurs expliquent que cette mise en concurrence est le fruit d’une décision européenne. « Ce n’est pas une obligation légale », conteste l’élue. « Sur le réseau de surface, les directives européennes laissent la possibilité aux autorités organisatrices de la mobilité, donc Île-de-France Mobilités en ce qui nous concerne, de faire le choix de passer par des marchés, des appels d’offres, soit de conserver et de mettre en place une régie régionale des transports.
C’est donc une volonté politique qu’on conteste depuis un moment, car la majorité de la Région n’a pas voulu étudier l’option d’une régie publique.
Céline Malaisé, élue d’opposition à la Région
La seule solution était donc de passer par un appel d’offres. « Dans ce processus, seules les entreprises de droit privé peuvent candidater. La RATP ne pouvait pas candidater directement. »
Et Céline Malaisé était farouchement opposée à cette idée. « Je sais que partout où ça s’est fait ça n’a amené que dégradation des conditions de travail des agents, des conditions de transport des usagers et ça coût énormément d’argent. La privatisation des bus anciennement RATP, découpés en 13 lots, coûte 4,9 milliards à Île-de-France Mobilités. »
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Un lot particulier
La particularité du lot « Marne et Brie » est que c’est le premier à sortir de la gestion RATP. « Dans cette délégation de service public (DSP) numéro 9, la bascule entre l’ancien gestionnaire et Keolis Grand Paris Vallée de la Marne est quelque chose de nouveau. On n’avait jamais eu ce cas. De plus, ce lot est particulier, car c’est la fusion de lignes gérées par la RATP et d’autres lignes gérées par Transdev », continue l’élue d’opposition.
Céline Malaisé explique avoir alerté pendant des mois. « On a dit qu’on allait droit dans le mur. On a dit que c’était le mauvais choix qui avait été fait ».
Le 1er novembre, on a alerté en disant que des choses n’étaient pas encore prêtes sur les informations voyageurs, les coordinations de l’offre ou des questions de sécurité. On est donc très attentifs à ce qui se passe.
Céline Malaisé
Un taux de suppression de moins de 2 %
Après une quinzaine de jours sous le contrôle de Keolis et non de la RATP, est-ce que la situation a changé ?
Selon Céline Malaisé, la qualité s’est dégradée. « Le 10 novembre, il y a eu 330 bus supprimés, et ces parcours sont indispensables pour les habitants de Noisy-le-Grand », rappelle-t-elle. « On sait que sur la grande couronne, ces soucis sont le quotidien. Et ils vont être copiés et collés sur l’ancien périmètre RATP. »
Un nombre qu‘Île-de-France Mobilités souhaite nuancer. « Historiquement, l’offre de transport réalisée la veille d’un jour férié correspondait à celle d’un samedi. Nous avons demandé à l’opérateur pour cette année de mettre en place une offre correspondant à un jour classique. Au vu des délais et des plannings déjà établis, il n’a pas été possible de mobiliser l’ensemble des effectifs.»
Toutefois, 75 % de l’offre a pu être réalisée, soit plus qu’à l’accoutumée, grâce à la mobilisation de l’opérateur et du personnel, et deux fois plus de passagers ont pu être transportés.
Ile-de-France Mobilités
Des usagers agacés
Du côté des usagers, les messages de plaintes sur les réseaux sociaux sont de plus en plus fréquents. Sur X, Ali, 23 ans, explique être vraiment impacté par le changement de la RATP vers Keolis. Habitant de Noisiel, les problèmes de transports le dérangent dans ses études, et surtout dans son rôle de coach de football dans un club du secteur. « Je prends le bus plusieurs fois par semaine, parfois plusieurs fois par jour. Je l’utilise pour me rendre à l’entraînement ou pour aller aux matchs. »
Pour illustrer les problèmes qu’il rencontre, Ali utilise l’exemple du samedi 8 novembre. « Alors que l’heure de rendez-vous pour le match était dépassée, j’ai vu certains des enfants qui jouent dans mon équipe à un arrêt de bus. Ils attendaient le bus de 9h50, qui n’était pas passé. Au final, ils étaient nombreux, de plusieurs catégories, à être en retard à cause de ça. Les petits ont leurs habitudes, ils prennent toujours le même bus, et cette fois-ci, il n’est pas passé. »
Cet exemple n’est qu’un parmi d’autres.
On ressent qu’il y a eu un changement, surtout au niveau des fréquences.
Ali, utilisateur régulier des bus
Ali ne comprend pas également qu’il n’y ait pas d’agents sur le terrain. « Avant, on avait des agents RATP vers qui on pouvait se tourner, notamment dans la gare de Noisiel. Maintenant, on ne voit pas d’agents Keolis pour faire la transition. »
Christian, utilisateur régulier du bus 321, est du même avis. « Le 13 novembre, j’avais des courses à faire et je devais prendre le bus 206, explique-t-il. Il y avait un bus prévu à 13h39, mais lorsque le temps s’est écoulé sur l’écran d’affichage, on a repris 20 minutes d’attente. »
Depuis le changement de gestionnaire, pour lui, il n’y a pas photo sur la qualité du service.
« La qualité des véhicules est largement moins bonne qu’auparavant. On avait des bus au gaz avec la RATP, maintenant ce sont des bus qui ont plus de 15 ans, rouillés de l’intérieur et de l’extérieur. Il n’y a pas d’affichage, il y a un simple petit papier pour montrer le numéro de la ligne et il y a des soucis de valideurs », conclut-il.
Ile-de-France Mobilités se défend : « A ce jour, l’offre non réalisée sur cette DSP reste très faible (moins de 2 %), et l’offre réalisée reste satisfaisante. »
La structure conclut : « Nous avons demandé aux opérateurs des DSP d’agir avec la plus grande transparence afin d’informer les voyageurs de toute annulation de courses. C’est pourquoi ces informations sont désormais plus facilement visibles sur nos applications, ce qui n’était pas toujours le cas auparavant. »
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