« C’est une affaire très grave ». L’atmosphère est particulièrement lourde à la sortie de l’école Clôteaux ce mercredi midi. Alors que quelques parents attendent leurs enfants, des enseignants accrochent une banderole devant les grilles. Situé dans le quartier de Bréquigny, au sud de Rennes, ce petit établissement, qui accueille seulement 80 élèves, traverse une profonde crise suite à un incident survenu le 10 octobre dernier.
Des parents menaçants
Ce jour-là, le directeur, également enseignant en classe de grande section, rapporte avoir été très violemment pris à partie par une famille lors d’un entretien dans son bureau. Selon ses déclarations et d’après le rectorat qui a rencontré les parents, ces derniers auraient exigé que leur fille change de classe pour qu’elle ne soit plus encadrée par un homme. Face au refus du directeur de céder à cette demande, des paroles extrêmement menaçantes auraient été proférées.
Particulièrement marqué par l’incident, le directeur est en arrêt de travail depuis. Il n’a toujours pas repris ses fonctions et ne souhaiterait pas revenir tant que la petite fille reste scolarisée au sein de l’école. Une plainte a été déposée auprès de la police. « On est inquiet pour lui », confie un enseignant, qui reconnaît que le climat est pesant depuis ces événements.
Pour d’autres parents d’élèves croisés devant l’établissement ce mercredi, c’est l’incompréhension. « On le voit tous les matins, le directeur est très proche des parents », confie une maman. « C’est quelqu’un de génial, j’aurais aimé que mon enfant soit avec lui cette année », ajoute une autre. D’après les enseignants interrogés, la famille ne reprochait rien d’autre au directeur. Aucune dispute en amont n’aurait pu expliquer un tel dérapage.
Le directeur académique s’exprime
Contacté par Le Télégramme, le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) d’Ille-et-Vilaine, Marc Teulier, indique prendre la situation « très au sérieux ». « Après l’incident, nous avons saisi une équipe académique « valeurs de la République » qui a rencontré très rapidement la famille pour confirmer les faits. A priori, ils avaient des interrogations sur le fait qu’un homme puisse accompagner des petites filles aux toilettes. » Après cet entretien, la piste de la radicalisation a été écartée. « Pour autant, le directeur a eu raison de refuser leur demande de changement de classe. »
« Ce qui est certain, c’est qu’il est inadmissible qu’on fonctionnaire soit menacé gravement par des parents », poursuit le Dasen. « Je vais saisir le procureur avec un article 40 pour signaler cette situation et faire remonter la plainte afin qu’elle soit traitée au plus vite. Sur le volet judiciaire, je ne pourrai rien faire de plus. En revanche, sur le volet pédagogique, il faut rapidement trouver une sortie de crise. Réglementairement, on ne peut pas changer d’école une élève de cet âge sans l’accord des parents. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas trouver une solution. J’espère rencontrer personnellement les parents au plus vite pour discuter. »
École en grève ce vendredi
Face à cette situation qualifiée d’« inédite », le syndicat Force Ouvrière est monté au créneau. Une audience a eu lieu le mardi 18 novembre avec le Dasen pour tenter de trouver une sortie de crise.
L’école publique, ça n’est pas open bar
« L’école publique, ça n’est pas open bar », déplore Fabrice Lerestif, secrétaire de FO en Ille-et-Vilaine. « J’en fais une affaire de principe. Des parents ne peuvent pas choisir le genre, l’origine ou les idées de tel ou tel agent. Il ne faut surtout pas transiger avec ça. Au-delà des croyances des uns ou des autres, ce genre de comportement n’a pas lieu d’être dans une école publique et laïque. Il faut donner un signal de fermeté ».
En soutien à leur collègue, les personnels éducatifs de l’école Clôteaux ont décidé de faire grève ce vendredi 21 novembre. L’école restera fermée pour la journée. D’autres écoles du secteur pourraient rejoindre le mouvement.