Les douleurs musculaires chroniques de Martine ont commencé dès son adolescence et se sont amplifiées dans sa vingtaine, lors de la naissance de sa première fille. Aujourd’hui, à 68 ans, cette Alsacienne apprivoise quotidiennement sa fibromyalgie. Si elle peut désormais poser un mot sur ses douleurs, son parcours médical a été semé d’embûches. Le syndrome de fibromyalgie concerne pourtant entre 1,5 et 2 % de la population, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Dans les années 1980, la fibromyalgie était encore peu connue dans l’univers médical et encore moins diagnostiquée. Martine a enchaîné les rendez-vous chez des médecins, rhumatologues et spécialistes. « Beaucoup me disaient que c’était dans ma tête, que ce n’était rien », se souvient-elle. Une errance médicale et une minimisation de ses douleurs qui vont la faire souffrir. Habitant à quelques kilomètres de la frontière allemande, elle décide de se faire soigner dans le pays voisin. « Là-bas, la prise en charge est différente, ils utilisent beaucoup de méthodes naturelles pour ce genre de douleurs », détaille-t-elle. Pourtant, elles ne disparaissent pas. La fatigue, les insomnies et l’anxiété de ne pas connaître les causes de ces souffrances s’ajoutent aux douleurs musculaires.

Martine enchaîne les examens dans différents établissements, dans différentes villes. La maladie de Lyme est un temps soupçonnée. Mais, alors que les réseaux sociaux n’existent pas encore, elle entre en contact avec des personnes souffrant des mêmes symptômes, qui lui apprennent l’existence de la fibromyalgie. C’est finalement un centre antidouleurs qui pose le diagnostic, en 1995, alors qu’elle a une quarantaine d’années. Trois ans plus tard, elle décide de monter l’association des fibromyalgiques d’Alsace, qu’elle dirige encore aujourd’hui, pour faire connaître et informer sur cette maladie.

« Apprendre à vivre avec la douleur »

La fibromyalgie est une maladie chronique reconnue par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) depuis 2019. La douleur chronique diffuse et prolongée (au-delà de trois mois) en constitue le principal symptôme, mais elle peut être souvent associée à une fatigue intense, des troubles du sommeil, des troubles anxieux, dépressifs ou encore cognitifs et impacter la qualité de vie au quotidien. Il n’existe pas de traitement contre cette maladie, les symptômes fluctuent dans le temps chez une même personne et peuvent être différents d’une personne à l’autre. « On m’a proposé des somnifères, des antidépresseurs, mais rien pour les douleurs physiques », déplore Martine. Les séances de kiné la soulagent un peu, tout comme la chaleur d’un bain et un peu d’exercice physique comme la marche.

L’impact sur sa vie quotidienne est très important, au travail comme dans sa vie personnelle. « Je travaillais avec mon mari, nous avions une petite entreprise. J’étais obligée de rester derrière un bureau et mon mari de s’occuper des déplacements. Pour ma vie sociale aussi, c’est handicapant, il est impossible pour moi de tenir un repas toute une soirée », raconte l’Alsacienne.

Aujourd’hui, elle apprend toujours à vivre avec. Elle a dû se faire opérer du dos l’année dernière. Les douleurs musculaires sont très fluctuantes, mais la fatigue et le manque de force toujours présents. Elle continue d’être suivie même si aucune solution n’existe vraiment et qu’il faut « apprendre à vivre avec la douleur ». Il y a quelques mois, en juillet, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié de nouvelles recommandations sur le diagnostic et la prise en charge de la fibromyalgie, destinées aux médecins et aux patients. « Un soulagement » pour Martine, rassurée d’observer que les recherches et la compréhension de cette maladie avancent petit à petit.

« On souffre en silence »

La fibromyalgie toucherait trois fois plus de femmes que d’hommes. Plusieurs lectrices du groupe EBRA, dont fait partie notre journal, ont témoigné de leur difficulté de diagnostic et une absence de traitement décourageante. Cathy, lectrice de 52 ans dans le Bas-Rhin, souffre de fibromyalgie depuis plus de 10 ans. « C’est une lutte quasi quotidienne pour avoir une vie “normale”. J’essaie de nombreuses thérapies et soins différents : kiné, ostéopathie, cryothérapie, méditation… Dans mon entourage, j’ai l’impression que personne ne réalise ou comprend ma douleur, car je suis restée très dynamique, mais je sens la différence », avoue-t-elle.

Marcelle, lectrice alsacienne de 75 ans, a souffert de la méfiance de certains professionnels de santé. « Fibromyalgie, un nom mis sur mes douleurs il y a déjà plus de 40 ans par une rhumatologue. Pour beaucoup de médecins, cela n’existe pas, c’est dans notre tête. Pourtant, je peux vous dire que chaque pas fait mal comme si mes muscles ne voulaient pas s’étirer. On a mal tout le temps ou presque, mais ça ne se voit pas, on souffre en silence », soupire-t-elle. « J’ai une fibromyalgie et une polyarthrite lente depuis 18 ans, je travaille, je vis avec et nous sommes des personnes totalement incomprises aussi bien médicalement que par les gens en général, nous passons malheureusement pour des douillets », déplore Corinne, 58 ans, en Isère.