Par
Rédaction Paris
Publié le
20 nov. 2025 à 6h08
La cour administrative d’appel de Paris a débouté le propriétaire d’un immeuble du 10e arrondissement de la capitale qui voulait obliger la Mairie à supprimer le « passage piéton » qui traverse son bâtiment et l’obligation d’y créer « 100 % de logements sociaux ».
La société civile immobilière Foncière Timna est en fait propriétaire depuis le 5 octobre 2006 de cet immeuble de trois étages « sur un niveau de sous-sol » situé au 21, rue d’Enghien, non loin du célèbre musée Grévin. Depuis juin 2006, ce bâtiment « entièrement réhabilité » par la société requérante est grevé d’une « servitude de liaison piétonnière » permettant de « relier la rue d’Enghien à la rue de l’Échiquier ». En 2009, le plan local d’urbanisme (PLU) y a par ailleurs créé un « emplacement réservé » pour la réalisation de « 100 % de logements sociaux ».
Le risque d’une « démolition partielle » de l’immeuble
La société du marchand de biens David Zaghdoun avait demandé en janvier 2022 à la maire (PS) de Paris, Anne Hidalgo, de supprimer ces « réserves » : le maintien de la servitude de passage constituait selon elle une « erreur manifeste d’appréciation » compte tenu de la « configuration des lieux » et des « caractéristiques du bâti ». Une telle liaison aurait précisément nécessité la « démolition partielle » de l’immeuble au 24, rue de l’Échiquier, alors que ce bâtiment « fait l’objet d’une protection patrimoniale ».
Il était également impossible de réaliser un « passage sous porche conservé », car aucun des deux immeubles n’en est pourvu, et les « circonstances de fait » avaient de toute façon « changé » depuis l’instauration de la servitude de passage étant donné que l’immeuble du 21, rue d’Enghien a été « entièrement réhabilité », arguait encore la société.
Un « détournement de pouvoir ? »
Elle soutenait aussi que la création de logements sociaux allait « supprimer toute possibilité de mixité sociale et fonctionnelle » et qu’elle était inenvisageable « au regard de l’exploitation et de la configuration actuelle de cet immeuble », qui a vocation à accueillir des « commerces », des « habitations » et des « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif ». Elle accusait d’ailleurs la Mairie de « détournement de pouvoir » : celle-ci chercherait en fait à « éviter le coût d’une préemption » et à « lui faire supporter la charge financière de la réalisation de logements sociaux ».
La maire de Paris ayant rejeté sa demande, la société propriétaire de l’immeuble avait saisi le tribunal administratif de Paris, mais celui-ci l’avait déboutée le 7 juillet 2024 : elle avait donc fait appel. En réplique, l’édile soutenait qu’il n’y avait « plus lieu de statuer » sur son recours, car le « plan local d’urbanisme bioclimatique [PLUb] » adopté le 29 novembre 2024 a « abrogé » ces dispositions.
Mais le nouveau PLUb impose toujours que, « sur tout terrain où est inscrit un principe de liaison piétonnière à conserver, créer ou modifier, les constructions doivent laisser libre un passage pour permettre la circulation des usagers », constate la cour administrative d’appel de Paris dans un arrêt en date du 23 septembre 2025, qui vient d’être rendu public. L’immeuble est d’ailleurs « toujours grevé d’une telle servitude de passage piétonnière, dont la teneur n’a pas changé ».
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Et « la seule circonstance, alléguée par la Ville, que les nouvelles dispositions […] introduiraient plus de souplesse, sans au demeurant que cela ait la moindre incidence sur le bien immobilier de la requérante, ne constitue pas une modification substantielle » de ces dispositions, ajoutent les magistrats.
Des arguments retoqués un à un par les juges
Reste que si la SCI Foncière Timna « fait valoir que le passage doit se faire tout à la fois par son immeuble et par l’immeuble du 24, rue de l’Échiquier, qui fait l’objet d’une protection patrimoniale […], elle n’établit en aucun moment que la servitude litigieuse devrait conduire à la démolition d’éléments protégés », constatent les magistrats.
La requérante ne prouve pas non plus que le passage piéton pourrait « compromettre la rénovation qu’elle a effectuée dans cet immeuble, ni son usage », alors que le bâtiment « comporte bien un porche ». Et « il ne ressort pas des pièces du dossier que l’utilité du passage piétonnier serait moindre que lors de l’instauration de cette servitude en 2006, alors surtout que la Ville met l’accent sur son souhait de privilégier les mobilités douces », souligne la cour. De plus, contrairement à ce qu’affirmait sa propriétaire, l’immeuble du 21, rue d’Enghien « comporte bien un porche ».
Enfin, « l’exigence de créer, dans un immeuble donné, 100 % de logements sociaux n’est pas contraire » à l’objectif de « mixité », car celle-ci « doit s’apprécier à l’échelle d’un secteur ou d’un quartier ». La société ne montre d’ailleurs pas que la création de logements sociaux serait « inenvisageable au regard de l’exploitation et de la configuration actuelle » de l’immeuble. « Il n’est aucunement établi que l’objectif de mixité sociale et le taux minimum de 25 % de logements sociaux […] seraient désormais atteints dans le 10e arrondissement », ajoutent les juges.
Des frais de justice à reverser à Anne Hidalgo
Et le « détournement de pouvoir » dont elle accuse la maire n’est de toute façon « pas établi », car la société ne montre pas que la Mairie de Paris aurait agi « pour des motifs autres que ceux en vue desquels l’instauration de passages piétonniers et d’emplacements réservés ont été prévus par le Code de l’urbanisme et par le plan local d’urbanisme ».
La cour a donc rejeté sa requête et l’a condamnée à verser 1 500 euros à Anne Hidalgo pour couvrir ses frais de justice.
/RB et CB (PressPepper)
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