Depuis deux ans, des voisins s’opposent à cet aménagement visant à accueillir neuf familles dans des mobile homes. Les travaux ont commencé lundi, soit dix jours avant une audience au tribunal. Cette manière de faire les interroge.
La pilule a dû mal passer auprès de ces habitants d’Orvault. Dans cette commune située au nord de Nantes, les travaux d’un terrain d’insertion ont débuté lundi 17 novembre. Destiné à accueillir de manière transitoire des familles Roms dans des mobile-homes, ce projet suscite la désapprobation de riverains. Ces derniers ont déposé un recours contre le permis de construire via un référé suspension. L’audience est prévue le 27 novembre.
«Légalement, la municipalité a le droit de lancer le chantier, mais c’est un passage en force», ne décolère pas Mikaël Goachet, propriétaire d’un champ qui jouxte le terrain en train d’être aménagé. Déjà en décembre 2023, le collectif de riverains dénonçait un «un projet vertical, conçu dans le dos des habitants». L’objectif est d’accueillir des familles Roms afin de résorber les bidonvilles de la ville. Neuf mobile-homes vont être construits pour héberger ces populations, en échange d’un faible loyer. Elles pourront y rester jusqu’à deux ans, avant de trouver un logement classique.
«C’est de l’argent public, c’est notre argent»
Selon la mairie, 1,2 million d’investissements ont été nécessaires pour financer ce terrain, auxquels s’ajoutent près de 25.000 euros de frais annuels de fonctionnement. 83% de la somme est prise en charge par la métropole. De leur côté, les riverains évoquent deux millions d’euros, en intégrant des frais de gestion du foncier. «C’est de l’argent public, c’est notre argent», scande Catherine Le Brizaut, propriétaire d’un logement situé à environ 250 mètres du chantier. «On n’est pas contre l’installation de Roms, mais on a toujours été surpris du choix de ce terrain, qui a montré des anomalies. Est-ce qu’il ne fallait pas attendre l’audience du 27 novembre ?», s’interroge-t-elle. Outre les arguments administratifs notifiés dans la requête judiciaire, elle décrit un lieu à l’écart, dangereux en termes de sécurité routière.
«Les familles roms ne veulent pas vivre dans des mobile-homes, elles veulent rester en communauté», renchérit Dominique Tremblin, un autre voisin. Lui a mené son enquête de terrain concernant un projet similaire et raconte avoir récolté des témoignages laissant à désirer sur la cohabitation. Il s’interroge aussi sur le prix, «dans une période où l’on doit faire des efforts et où il n’y a plus de sous». «Si un projet privé équivalent était financé par une banque, aucune banque ne le financerait. Avec l’argent public, tout semble permis», reprend-il, désireux de trouver une solution pour les familles. «On voit des enfants qui vivent dans des conditions déplorables. Ce n’est pas si simple. Il y a ces populations migrantes et les citoyens. C’est un problème humain».
«Je ne sais pas si on voit l’injustice que ça représente auprès de familles orvaltaises qui ont du mal à finir leurs fins de mois», rebondit le conseiller municipal d’opposition (centre-droit) Sébastien Arrouët, ahuri par le coût du projet. Pour lui, «le choix du terrain d’insertion du Haut Cormier, est démesuré. C’est l’inverse du bon sens» tacle-t-il, défendant davantage le concept d’un terrain de transition au Petit Raffuneau, dans le bourg.
Arrivée des familles en avril
«Le terrain du bourg a permis de stabiliser certaines familles», confirme le maire d’Orvault Jean-Sébastien Guitton, affirmant qu’il était quasiment seul à le défendre il y a quelques années. Mais «on a aussi besoin d’un terrain d’insertion pour continuer à résorber les bidonvilles», soutient-il. Tandis que les riverains ont en travers de la gorge une concertation leur ayant été refusée, l’édile écologiste assure les avoir reçus. «Je les ai rencontrés cet été pour leur expliquer pourquoi on allait bien maintenir ce projet. Il est important, parce qu’il contribue à notre stratégie globale de résorption des bidonvilles qui montre son efficacité», défend-il.
Concernant le calendrier, l’élu imagine une fin de travaux début mars, avec une arrivée des familles en avril. «Lundi, on a simplement commencé le terrassement. On sait qu’il y a un recours et on va attendre la décision pour aller plus loin. Mais de notre côté, nous nous sommes assurés que le terrain répond bien aux règles d’urbanisme.». Et de se défendre sur l’aspect financier, géré en grande partie par la métropole.
Dans une agglomération nantaise qui accueille environ 3000 Roms répartis dans 60 bidonvilles, la solution des terrains d’insertion se développe. À Saint-Herblain, un aménagement de la sorte est sorti de terre en juin, malgré la contestation des riverains. «Tout se passe bien. Il n’y a pas problème de délinquance», rapporte avec transparence Luc Vandeputte, jadis fer de lance de la fronde. Mais il s’inquiète de l’insertion future. «On est très pessimistes sur les perspectives de départ de ces familles des logements», termine-t-il, toujours dubitatif sur le coût du terrain chiffré dans son cas à 1,1 million d’euros.
Le terrassement du terrain a commencé lundi à Orvault.
Photo transmise par un riverain