Condamné pour avoir préparé une attaque au couteau, Sahayb Abu a obtenu en justice la reconnaissance du caractère illégal de son isolement. Une décision embarrassante pour Londres, qui pourrait devoir l’indemniser.
Un terroriste incarcéré outre-Manche pourrait recevoir des dommages et intérêts après qu’un juge a estimé que son placement à l’isolement, plus de 22 heures par jour, avait violé ses droits fondamentaux. Sahayb Abu, 37 ans, purge une peine minimale de 19 ans de prison pour avoir préparé une attaque au couteau en pleine pandémie. Depuis plus d’un an, il enchaîne les transferts et les mesures d’isolement renforcé au sein de plusieurs établissements de haute sécurité.
Sahayb Abu avait été initialement placé dans un «centre de séparation», dispositif réservé aux détenus considérés comme les plus à risque de radicaliser leurs codétenus. Selon les autorités pénitentiaires, il diffusait en détention une idéologie islamiste extrémiste. Mais sa situation s’est détériorée en avril 2023, lorsqu’un autre codétenu terroriste, Hashem Abedi, frère du kamikaze de l’attentat de Manchester Arena, a agressé plusieurs surveillants à la prison de Frankland, dans le nord de l’Angleterre. Les services pénitentiaires ont alors ordonné la relocalisation immédiate d’Abu et d’autres prisonniers jugés sensibles, assortie d’un régime d’isolement strict.
Transféré successivement dans plusieurs prisons de haute sécurité, Sahayb Abu a été enfermé plus de 22 heures par jour, avec un accès limité aux activités, à la prière collective ou aux autres détenus, rapporte Reuters.
Un trouble de stress post-traumatique
Ses avocats affirment au Telegraph que cet isolement prolongé a fait basculer son état psychique : crises de panique, automutilations, sentiment de persécution. L’homme, déjà suivi pour des troubles psychiques, dit s’être senti «constamment effrayé» et réduit à penser que «sa vie n’avait plus de sens». En août, il a saisi la justice, citant notamment les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui protègent contre les traitements inhumains ainsi que le droit au respect de la vie privée.
Mardi, la Haute Cour lui a donné raison. Dans un jugement rapporté par le quotidien britannique, le juge Clive Sheldon a estimé que le maintien en isolement d’Abu «ne pouvait être justifié sur le fond». Il a relevé que l’intéressé souffre aujourd’hui d’un trouble de stress post-traumatique «causé, au moins en partie, par l’isolement», et que le ministère de la Justice avait omis d’obtenir une évaluation psychiatrique pourtant «essentielle», alors même que les risques liés à l’isolement étaient connus.
Le juge a précisé qu’un prisonnier «ordinaire» n’aurait peut-être pas vu ses droits bafoués par le régime, mais qu’Abu «n’était pas un tel détenu». La justice britannique doit désormais déterminer si une indemnisation s’impose.