Fabien retournera dans le métro. « Un matin, j’avais un rendez-vous et j’étais pressé, raconte cet habitant du XVIIe arrondissement de Paris. J’ai pris un vélo Lime, car cela devait me prendre 15 minutes à vélo plutôt que 25 minutes en métro. Mais au moment de me garer sur un arceau près de ma destination, impossible : l’appli me dit que je dois aller ailleurs, alors que des places sont libres. J’ai dû essayer un deuxième emplacement, puis un troisième ! » Résultat, Fabien a perdu près de 10 minutes et a dû payer son trajet quelques euros de plus.

Ce type de mésaventure touche de plus en plus d’usagers de Lime, Dott et Voi, les vélos en libre-service à Paris. Pourtant, leur flotte totale, d’environ 18 000 engins, n’a pas augmenté. Mais depuis le 1er octobre, la Ville de Paris a imposé des règles de stationnement plus contraignantes dans le contrat de 4 ans signé avec les trois opérateurs.

Désormais, lorsqu’il y a entre un et trois arceaux, c’est-à-dire six places pour vélos, le stationnement est interdit pour les engins en libre-service. De quatre à cinq arceaux, un vélo en libre-service par opérateur peut stationner. De six à huit arceaux, c’est deux vélos. De neuf à onze arceaux, trois, etc. Les applis empêchent donc – en théorie – le cycliste de se garer dans ces espaces si le seuil maximal est atteint.

Conséquence de ces nouvelles restrictions, les usagers de vélos partagés ne savent plus où finir leurs courses. « Nous observons effectivement une baisse notable de la disponibilité des emplacements de stationnement pour nos utilisateurs », confirme-t-on chez Lime alors que, dans le même temps, le nouveau contrat des opérateurs prévoit de doubler la redevance reversée à la Ville.

Mathématiquement, les nouvelles règles suppriment 22 % de zones de stationnement, à commencer par tous les « petits » emplacements de trois arceaux. Cumulées, ces zones interdites représentent « plus de 50 % des places » qui étaient disponibles auparavant, comptabilisent Lime et Dott.

« Un problème dans les zones denses »

« Cela touche surtout les zones très denses, rapidement saturées, note Maggie Gerbeaux, directrice des affaires publiques chez Dott. Avant, nous avions environ 1 % des emplacements qui étaient saturés, et qui obligeaient les clients à trouver un autre endroit pour finir leur trajet. Depuis octobre, on est passé à 5 %. Ce sont donc cinq fois plus de clients dans cette situation chaque jour. Notre service clients est très sollicité par des usagers qui ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas se garer alors qu’il y a des arceaux vides devant eux. »

Les applications sont censées informer les clients et leur suggérer des emplacements autorisés. « Même si notre application indique en temps réel les zones de stationnement disponibles, beaucoup d’usagers ignorent encore que certains arceaux, pourtant libres, leur sont désormais interdits », constate Lime. Et parfois, les zones de stationnement indiquées comme disponibles ne le sont pas, comme l’a subi Fabien le jour de sa mésaventure.

Autre problème : les 2500 « zones partagées remisage » (ZPR), créées en 2020 pour les trottinettes et les vélos, ne sont pas dotées d’arceaux. Elles sont donc très souvent occupées par des voitures ou des scooters. Ce qui réduit encore la quantité d’espaces pour mettre fin à une course.

« La Ville n’a pas retiré de possibilité de stationnement pour les vélos en free-floating, répond David Belliard (Les Ecologistes), l’adjoint aux mobilités. Les zones de remisage sont toujours à disposition avec plus de 17 000 places pour 6000 vélos par opérateur. La nouveauté, c’est qu’on ne laisse plus les vélos se garer sur des linéaires entiers d’arceaux pour permettre aux Parisiens d’y garer aussi les leurs. Seuls un tiers des arceaux sont dorénavant utilisables par les vélos en libre-service. »

Des vélos en libre service trop encombrants

Les Parisiens se plaignent souvent, en effet, de ne plus pouvoir garer leur monture sur des parkings envahis par les imposants vélos en libre-service. Leur plainte est remontée jusqu’au Conseil de Paris, en février dernier. « Ces vélos sont lourds et larges. Ils encombrent généralement deux emplacements, alors qu’ils n’ont pas besoin d’emplacements sécurisés », déplorait Maud Gatel, patronne du groupe MoDem et indépendants.

Alors que plus de 12 % des déplacements se font aujourd’hui à vélo dans la capitale, selon une étude de l’Institut Paris région, il existe un peu moins de 120 000 arceaux. Selon un décompte de l’association Paris en Selle, les arrondissements sont très diversement dotés. Paris Centre en dispose de près de 14 000, tandis que les VIIe, VIIIe et VIe sont les moins bien dotés, avec moins de 5000 unités.

Les entreprises et la municipalité doivent se réunir en décembre pour dresser un état des lieux. « Nous suggérons d’augmenter le nombre de places autorisées dans les secteurs les plus saturés », indique Dott. Tous espèrent trouver des solutions d’ici le printemps, quand le nombre de courses grimpe en flèche. David Belliard, lui, reste ferme : « On ne reviendra pas sur ce cadre. Mais si la situation devient trop contraignante, on pourra installer davantage d’arceaux. »