Un homme a tué un fidèle de la mosquée de La Grand-Combe, près d’Alès, vendredi. Ce samedi 26 avril, Libération a visionné une vidéo que le suspect, toujours en fuite, a filmée lui-même et dans laquelle il insulte «Allah» avant de quitter la scène de crime.
Un fidèle musulman a été tué vendredi à coups de couteau par un homme, présenté alors par le parquet d’Alès comme un autre fidèle, à l’intérieur de la mosquée Khadidja, à La Grand-Combe. «Deux hommes étaient seuls à l’intérieur de la mosquée, occupés à prier, lorsqu’un des deux a porté plusieurs dizaines de coups de couteau à l’autre vers 8 h 30 du matin, avant de le laisser pour mort et de prendre la fuite», a expliqué le procureur de la République d’Alès, Abdelkrim Grini.
La victime aurait reçu «40 ou 50 coups de couteau», selon de premières constatations qui devront être précisées par l’autopsie, a-t-il également souligné. Le corps de la victime a été découvert «vers 11 heures, 11 h 30, lorsque les autres fidèles sont arrivés pour la prière du vendredi à la mosquée», a précisé le procureur d’Alès. Des fidèles ont ensuite appelé les pompiers, ceux-ci se chargeant ensuite de contacter la gendarmerie locale.
Libération a visionné une vidéo que le suspect a filmée après être passé à l’acte. Sur cette séquence de 27 secondes filmée du point de vue de l’auteur, on peut voir un homme au sol, habillé d’une veste de type camouflage militaire, d’un jean bleu et de ce qui ressemble à un qamis blanc, une tenue traditionnelle parfois portée par les hommes pour la prière musulmane.
Ce dernier gît au sol, avec d’importantes traces de sang sur le qamis, le jean, sur les mains et sur le buste. Il est vivant mais respire avec énormément de difficultés. On aperçoit les chaussettes blanches de l’auteur de la vidéo, ainsi qu’un grand couteau qu’il tient dans sa main droite ensanglantée et qu’il montre en évidence à la caméra. «Je l’ai fait», dit-il avant de s’approcher de la victime qui semble gravement blessée au visage et de lancer : «Ton Allah de merde !»
Le suspect fait le tour de la victime avant de crier, toujours le couteau à la main : «Je lui ai planté ses fesses !» A ce moment, il semble se rendre compte de la présence d’une caméra de surveillance dans la pièce. «Rah, je vais être arrêté, c’est sûr. Il y a une caméra.» Il filme l’opposé de la pièce, là où est censée se trouver cette caméra. Essoufflé, il s’écarte de l’homme au sol, se demande s’il y a «un bureau ou pas ?», se retourne encore une fois vers la victime et crie de nouveau : «Ton Allah de merde ! Enculé.»
Il se redirige vers le corps immobile de la victime puis coupe la vidéo.
Confirmant à l’AFP la tenue de ces propos par le meurtrier, le procureur de la république d’Alès a précisé que «toutes les pistes étaient envisagées, dont celle d’un acte à dimension islamophobe», et a confirmé que le parquet national antiterroriste (Pnat) était «en évaluation» de ce dossier pour éventuellement s’en saisir. Contacté, le Pnat n’a pas répondu.
Plusieurs témoins indiquent dans Midi Libre que la victime s’appellerait Aboubakar, serait de nationalité malienne et serait née en 2003. Il habitait dans le quartier de Trescol, non loin de la mosquée Khadidja où a eu lieu l’attaque.
Selon une source proche du dossier, l’auteur des faits a envoyé sa vidéo à une autre personne, qui l’aurait alors diffusée sur un réseau social, avant qu’elle ne soit supprimée. Une autre source indique que l’auteur a été identifié mais n’a toujours été pas arrêté. De nationalité française, il serait d’origine bosniaque. Les premiers habitués de la mosquée à qui ces images ont été montrées n’ont pas reconnu l’assaillant.
Vendredi, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a dit sur X espérer que «l’enquête permettra d’appréhender rapidement l’auteur et de faire la lumière sur cet évènement épouvantable». «Je veux dire mon soutien à la famille de la victime et ma solidarité à la communauté musulmane touchée par cette violence barbare, dans son lieu de culte, le jour de la grande prière.»
Après la découverte de l’existence de la vidéo filmée par le suspect, plusieurs personnalités du Nouveau front populaire (NFP) se sont emparées du sujet. A commencer par Jean-Luc Mélenchon, qui a dénoncé sur X : «L’islamophobie tue. Tous ceux qui y contribuent sont coupables.»
Le leader insoumis répondait à une publication du député NFP du Rhône, Abdelkader Lahmar. «A mesure que l’enquête avance, la piste d’un crime islamophobe se confirme. Ce matin, nous apprenons que l’auteur du crime s’est filmé après son geste, insultant la foi de sa victime, déplore l’élu. Ce drame n’est pas un fait isolé : il est le produit direct d’une islamophobie qui gangrène notre société.» Avant de pointer le rôle que jouent des «médias, éditorialistes, pseudo-intellectuels, responsables politiques». «Tous ceux qui attisent la haine des musulmans ont du sang sur les mains. En dressant une cible sur le dos de nos concitoyens musulmans, ils nourrissent ce climat mortifère.»
D’après les données transmises à CheckNews par le ministère de l’Intérieur, un total de 173 faits antimusulmans ont été recensés en 2024. Le nombre de faits antimusulmans était de 242 en 2023. Dans le détail, sur les 173 actes antimusulmans comptabilisés en 2024, 52 % étaient des atteintes aux biens et 48 % des atteintes aux personnes. Invité à préciser davantage la nature des faits dénoncés, Beauvau n’a pas répondu sur ce point.
Mise à jour à 17 h 26, ajout des chiffres sur les actes antimusulmans en 2023 et 2024