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« L’objectif est de gagner Paris-Roubaix »
Bonjour Cyril. Déjà, on va prendre de vos nouvelles, comment ça va et quelles sont les news de votre côté ?
La dernière fois, on était dans les prémisses des discussions que je pouvais avoir pour arriver sur ce poste de manager général du Véloclub de Roubaix et de l’équipe Van Riesel Roubaix. Et voilà, les choses se sont concrétisées, tout a évolué dans le bon sens, donc depuis le 1er mars 2025, je suis sur ce poste de manager général du Véloclub de Roubaix et de l’équipe Van Riesel Roubaix et j’en apprends tous les jours, ça faisait 20 ans que j’avais quitté le monde du cyclisme professionnel. Je suis juste hyper ravi de vivre ce moment, ce nouveau projet dans une carrière, c’est très chouette, enrichissant, puisque le Véloclub de Roubaix reste une association et au sein de cette association, il y a aussi une équipe cycliste professionnelle, donc c’est juste extra.
Justement, cette première année en tant que patron de ce Véloclub de Roubaix et de l’équipe Van Rysel-Roubaix, en termes sportifs, est-ce que c’était une année réussie ?
Non, il faut être transparent, on a su débriefer avec Daniel Berbrakel, qui était manager général, on s’est réparti les rôles cette saison, puisque moi je suis arrivé, je découvre un métier, je découvre un nouvel environnement, donc on a travaillé ce qu’on va appeler dans un mode de passation. On n’a pas eu une année avec les résultats sportifs que l’on pouvait espérer, on est sorti d’une année 2024 qui était extraordinaire, avec les résultats de Samuel Leroux, une belle présence de l’équipe sur les différents objectifs, cette année ça n’a pas forcément souri.
On a quand même eu pas mal de pépins, qui sont des pépins auxquels on ne s’attendait pas. On salue toujours l’attitude très offensive de l’équipe avec Kevin Avoine, avec bien évidemment Maxime Jarnet et surtout Kenny Molly qui a marqué de son empreinte une fois de plus aux avant-postes, je crois que même qu’il finit dans les cinq premiers des coureurs ayant réalisé le plus de kilomètres en échappé, alors ça ne peut pas être un objectif en soi, mais il faut relater que c’est de la visibilité et ça se prend. Bien évidemment on attend toujours plus, mais ça nous permet d’appréhender là où on a pensé avoir des faiblesses l’année passée, pour construire au mieux l’effectif 2026.
« On a la chance d’avoir un cyclisme qui a changé »
Et justement, là vous faites une passe décisive, qu’est-ce qu’on attend de l’année 2026 du côté de Van Rysel-Roubaix ?
On attend déjà commencer à donner forme à ce projet puisqu’on a un projet qui est parti jusqu’en 2029. Maintenant avec notre partenaire Van Riesel, on structure des choses et bien évidemment avec ce nouveau recrutement, on a renforcé la partie qui doit nous permettre d’être présents dans les arrivées massives, qui est quand même une grande majorité de arrivées chez les pros. On va garder cette identité offensive, on va marteler cette identité flandrienne, homme du nord, dans nos recrutements. On n’est pas allé chercher de grimpeurs, alors on sera certes peut-être en difficulté sur certaines épreuves, mais on veut être en mesure de briller dans toutes les épreuves flandriennes et nordistes auxquelles on va prendre part.
Comme toutes les équipes, on a des objectifs, on veut gagner des courses, on veut briller sur les Coupes de France parce que ça va être notre objectif, on veut briller sur les courses du nord et en l’occurrence les quatre jours de Dunkerque qui restent l’objectif majeur de la saison. Et puis l’objectif c’est de pouvoir passer en ContiPro la saison prochaine, vous me direz Cyril, ça ne dépend pas que des résultats, vous avez bien raison, ça dépend aussi et surtout du budget, donc ça c’est mon boulot, c’est le boulot qu’on va s’atteler à faire du côté du staff et du côté de toute la partie marketing.
Justement par quoi ça passe d’un point de vue administratif puisque les gens qui regardent le vélo ne le savent pas forcément, quels sont un peu les prérequis pour accéder à cette deuxième division mondiale ?
Je dirais que le prérequis numéro 1 c’est d’écrire un projet, on ne monte pas pour le plaisir de monter, on doit monter pour atteindre un objectif. Nous on s’est donné un objectif à 4 ans et pour atteindre cet objectif à 4 ans, il faut absolument qu’on aille dans ce projet ContiPro parce que ça va nous ouvrir les droits à l’atteinte de notre objectif qui va être de participer au Paris-Roubaix d’ici 4 ans avec bien évidemment l’objectif, quand on prend le départ d’une course, ça doit rester notre seul objectif, c’est de le gagner. Vous me direz : gagner Paris-Roubaix ce n’est pas simple. Non c’est loin d’être simple, mais si on ne se met pas d’objectifs, on a encore plus de chances de ne pas réussir.
Puisqu’on est sur un projet à 4 ans, il faut toujours voir au-delà des 4 ans et se dire qu’on construit ce projet pour qu’il continue de durer et un des objectifs second serait que 50% de notre structure, on puisse la nourrir avec des jeunes qui sont issus des Hauts-de-France et d’autres qui sont issus du projet académique. Je dis ça, ça veut dire quoi projet académique ? Ça veut dire que demain, on pourrait très bien avoir un jeune qui est issu d’une autre région, mais qui pour des raisons de projet, qui aime les classiques, rejoigne un jour un club des Hauts-de-France.
Bon, maintenant, on va un peu dézoomer de votre équipe Van Rysel-Roubaix, parler un peu du cyclisme mondial. On sait que vous avez été coureur, que vous êtes consultant pour nos confrères de la RTBF. Vous avez aussi une vision globale du cyclisme. Un petit récap sur la saison 2025, qui a été archi-dominée par Tadej Pogacar, et même plus en général par l’équipe Emirates ?
Je dirais, si on regarde le côté positif, et c’est comme ça qu’il faut déjà le voir, c’est qu’on a la chance aussi d’avoir un cyclisme qui a changé. C’est-à-dire qu’on a un cyclisme offensif. Moi, je me réjouis de voir ça, mais on a eu quelques années auparavant, pour avoir commenté quelques Tour de France et autres, d’un cyclisme qui était, je ne vais pas dire défensif, mais où on travaillait, on emmenait les leaders, on essayait de tout cadenasser pour avoir une course qui était à peu près contrôlée. Là, elle l’est, mais on a quand même la chance d’avoir des Mathieu Van Der Poel, des Bernal, des Pogacar, des Pidcock et autres qui sont des dynamiteurs de peloton et qui n’hésitent pas à prendre des initiatives. On a aussi la chance de vivre l’émergence, en tous les cas maintenant l’éclosion au plus haut niveau, d’un champion intergénérationnel. C’est-à-dire qu’on a des champions qui ont marqué leur époque, des coureurs qui ont été très forts, mais là on est quand même en train de vivre, avec ce Pogacar, un mec qui est en train de se dire : « Ok, est-ce que je postule aux meilleurs cyclistes de l’histoire ? »
« Sur les Mondiaux, il y avait une autre course devant »
Justement, on a eu Thomas Voeckler il y a quelques jours qui nous disait que Pogacar c’est exceptionnel, c’est magnifique ce qu’il fait, mais d’un autre côté c’est ennuyant, parce que les courses sont pliés à 80 km de l’arrivée. Est-ce que vous rejoignez un peu son analyse ?
Je rejoins à 100% l’analyse de Thomas sur ce point-là, parce que ce qui est dommage c’est qu’on vit des grands moments, mais rappelez-vous, des épopées où Merckx partait tout seul à 100 km, il y en a eu un paquet aussi. Forcément, quand on regarde les championnats du monde, quand on regarde les championnats d’Europe, des fois ça tue un peu la course. C’est vrai que devant, il y avait une autre course avec ce mec qui était devant, qui se baladait tout seul devant, et qui a un petit peu dominé. Donc ça, c’est vraiment dommageable, mais on a un mec qui domine, on ne va pas on plus se dire que ce n’est pas bien. Je pense qu’il faut trouver le bon côté des choses.
On a beaucoup évoqué ce sujet dans les dernières semaines, en général, la santé du cyclisme mondial qui interroge. On a deux équipes, l’équipe Arkea B&B Hôtels qui disparaît. On a l’équipe Lotto et l’équipe Intermarché qui, il n’y a encore rien d’officiel, devraient fusionner. Donc, ça fait deux équipes de top niveau qui disparaissent, donc 60 coureurs sur le carreau, le staff et compagnie. Est-ce que vous êtes un peu inquiet pour la santé du cyclisme mondial en général, quand on voit qu’il y a deux grosses équipes qui disparaissent ?
Moi, je suis inquiet pour la santé du cyclisme chez les amateurs et chez les jeunes. Je ne suis pas inquiet du cyclisme chez les pros. Le budget d’UAE, il n’est jamais à challenger. Moi, tous les clubs, et le travail qu’a pu faire Denis Berbachel pendant des années, c’est de boucler des budgets. Et en fait, c’est problématique pour les petites équipes comme nous. Boucler des budgets, c’est compliqué. On est en train de restructurer le cyclisme chez les juniors. On est en train de dupliquer ce qu’on a fait il y a quelques années, et qui a mis à défaut et mis en difficulté le cyclisme amateur des Nationaux, le National 1, par exemple. On est en train de se dire, « ok, on va voir si ça marche mieux si on le fait chez les juniors ». Mais en fait, en faisant la même action qu’il y a quelques années chez les amateurs et qui a mis le cyclisme amateur des fois en difficulté, j’imagine bien que si on le descend chez les juniors, on va mettre en difficulté ce projet.
Ce n’est pas parce que tu ne passes pas pro à 19 ans dans une World Tour que ta carrière est terminée. Tu peux très bien passer par une Conti, (16:29) tu peux passer par une Conti pro, puis à 25 ans être encore plus mature et passer dans une nouvelle World Tour. Une carrière, ce n’est pas à 19 ans qu’elle se fait. Et moi, j’entends trop de jeunes qui aujourd’hui se disent que s’ils ne sont pas dans une Conti, c’est terminé. Mais dans leur esprit, c’est la réalité parce que le cyclisme, on est en train de le structurer comme ça.
On a aussi un débat qui fait beaucoup de bruit ces derniers jours. On a parlé de droits TV dans le vélo que les organisateurs, notamment les grands organisateurs, ne faisaient pas profiter aux équipes, aux coureurs. On a aussi parlé de faire payer quelques endroits de la course. On a parlé notamment de l’Alpe d’Huez payant pour le public. Ça a fait beaucoup de bruit. ASO a un peu dit que les courses payantes on pouvait oublier, en tout cas pas sur le Tour de France. Les droits télé, j’ai l’impression que c’est un peu l’omerta, que personne ne veut en parler. Quel est votre avis là-dessus ?
Moi, ce que j’aimerais c’est que l’argent, si demain vous dites qu’il y a des droits télé, il y a x millions d’euros qui sont reversés à UAE, ça ne changera pas leur projet. Donc en fait, il faut trouver aussi comment cet argent-là, certes, il arrive peut-être dans les équipes, mais surtout comment il arrive à redescendre dans les échelons inférieurs qui ont des besoins réels. Mais je me dis, est-ce que si ils doivent être reversés, c’est bien de le reverser aux équipes ? Ou est-ce que c’est bien de le reverser aux équipes pour que les équipes les reversent dans ce qui va permettre de faire vivre le cyclisme, le cyclisme amateur et ainsi de suite ? C’est une réflexion.
Donc, en fait, nous, on doit être aux côtés des organisateurs, on ne doit pas les mettre sous pression, on doit se dire que c’est grâce aussi aux organisateurs qu’on vit. Mais je pense que c’est un sujet qui est très très complexe. Mais si cet argent-là pouvait revenir vers les plus petites structures et vers le cyclisme amateur, ça pourrait être forcément une bonne chose.