Cette semaine, nous recevons Bartjan Wegter, coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme. 10 ans après les attentats qui ont frappé la France, il détaille les mesures mises en place par l’UE pour contrer le terrorisme et alerte sur un risque d’attaque toujours élevé.

La France a récemment commémoré les 10 ans des attentats du 13 novembre 2015 lors desquels 132 morts ont perdu la vie. Bartjan Wegter, coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme, un poste créé en 2004 après les attentats de Madrid, qualifie ces hommages de «très émouvants». «C’était impressionnant d’entendre les témoignages et de voir les survivants de ces attentats horribles qui ont choqué la France», s’émeut-il. 

«Il faut rester vigilant»

Après ces attentats, Bartjan Wegter parle «d’un tournant historique dans la lutte contre le terrorisme dans l’Union européenne (UE)» : «Nous nous sommes rendus compte qu’il fallait mieux s’organiser au niveau européen, qu’il fallait penser au-delà du niveau national.»

Il explique que les auteurs de ces attaques ont «profité de la libre circulation en Europe» afin de commettre ces attentats. «Nous avons renforcé nos frontières extérieures et nous avons établi des bases de données interopérables. […] Nous avons aussi renforcé la coopération de la police et de la justice grâce à Europol et Eurojust, deux agences impliquées dans le domaine. Nous avons fait en sorte de renforcer leur rôle. […] Nous avons créé une task force sous le nom de fraternité franco-belge afin de mener les enquêtes nécessaires dans le contexte de ces attentats. […] L’Europe s’est mieux organisée de façon stratégique pour appréhender le futur et prendre en considération les menaces à venir.» 

S’il évoque des progrès réalisés en matière de contre-terrorisme, Bartjan Wegter explique qu’il «faut rester vigilant» : «Je dirais que nous sommes mieux placés aujourd’hui qu’il y a dix ans. […] Beaucoup d’attentats ont été déjoués. […] Mais la menace numéro un en Europe reste toujours le jihadisme

«Daech recrute désormais en Europe, parmi les plus jeunes»

En Europe, un suspect de terrorisme sur trois est un mineur ou un jeune adulte. Selon Bartjan Wegter, cela s’explique par le fait que cette population soit «particulièrement vulnérable». «Ils sont victimes de désinformation et notamment de la propagande de Daech qui a été très ciblée et très efficace dans de multiples langues et qui visait justement les mineurs. Ils utilisent par exemple des plateformes de gaming pour atteindre les jeunes», détaille-t-il. 

«Une diminution des efforts de modération en ligne»

Pour lutter contre la radicalisation en ligne et les méfaits des réseaux sociaux sur les jeunes, la France réfléchit à l’interdiction de leur usage avant quinze ans. Des menaces provenant des réseaux sociaux que Bartjan Wegter observe également : «Il y a plusieurs mouvements qui influencent tout ce qui se passe en ligne et qui influencent nos jeunes et risquent de les radicaliser. Il y a l’ultra droite, l’ultra gauche.» Il note un risque particulier pour les «jeunes garçons» qui peuvent être «attirés par l’ultra violence.»

Selon lui, les grandes entreprises de la tech détenant ces réseaux sociaux doivent jouer un rôle : «Nous voyons une diminution des efforts de modération de la part de la plupart de ces compagnies. […] Derrière tout cela, il y a les algorithmes qui amplifient le genre de contenu qui pose problème et qui risque de radicaliser nos jeunes.»

S’il se félicite de la possibilité pour les utilisateurs d’utiliser des messageries cryptées afin de protéger leur vie privée, il déplore une difficulté pour les enquêteurs d’accéder à ces données : «Il faut avoir un débat clair et honnête qui reconnaît le besoin de permettre à nos enquêteurs de mener à bien leurs enquêtes, toujours dans le respect de la loi, comme ils l’ont toujours fait depuis des années, par exemple quand il y avait des paquets suspects ou des lettres à ouvrir. […] C’est la même chose pour tout ce qui est digital car nous constatons que plus de 80% des enquêtes sont maintenant dans le domaine digital. Il faut permettre à nos enquêteurs de faire leur travail. Pour cela, il faut une coopération de l’industrie et des plateformes.»

«Ce qui se passe en Afrique va toucher notre sécurité intérieure»

Dans la région du Sahel en Afrique de l’Ouest, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim), lié à al-Qaïda, gagne du terrain. Bartjan Wegter explique que l’UE collabore avec de nombreux pays africains au sujet de cette menace terroriste : «Les pays en Afrique occidentale ont besoin de notre soutien et de notre expérience pour lutter contre le terrorisme. […] C’est une région qui nous préoccupe. […] Tout ce qui se passe hors de nos frontières risque, à un certain moment, de toucher notre sécurité intérieure.»