Par
Lily Dedeye
Publié le
22 nov. 2025 à 17h16
Arda et Anil ne se connaissaient pas en arrivant en France. Ce sont leurs difficultés pour se loger en août 2025 qui les ont rapprochés. En 2024, Arda et Anil, tous deux originaires d’Istanbul et passionnés de littérature française ont l’opportunité avec leur université turque de venir étudier un an à Rouen pour un échange universitaire. « Nous étions super contents. La France c’était un objectif pour nous. Cela fait des années que je lis Sartre, Baudelaire… », raconte Arda. Les démarches étant bien encadrées pour les Erasmus, ils trouvent facilement une chambre grâce au Crous Normandie et viennent étudier sereinement à Rouen pendant un an. Jusqu’au jour où…
« Le Crous a fait de nous des sans abri »
Mais en août dernier, la situation bascule. Les deux amis, acceptés à l’université de Rouen pour continuer des études en France, sont expulsés de leur chambre étudiante. « Nous avions changé de statut. Nous passions d’étudiants Erasmus à étudiants classiques. Donc ils nous ont demandé de quitter les lieux sous dix jours et de repostuler pour une chambre », explique Arda. « On a repostulé mais notre dossier a été refusé. Ils nous ont dit qu’il n’y avait plus de place et qu’il fallait se mettre sur liste d’attente », complète Anil.
Anil et Arda patientent quelque temps sur liste d’attente mais rien ne bouge. Au bout de deux semaines, la date d’expulsion approchant à grand pas, les deux amis entament des démarches pour retrouver un logement. « On a pris contact avec le Crous, on a expliqué la situation, ils nous ont dit qu’il n’y avait pas de place pour le moment et qu’il fallait encore patienter », témoigne Anil. « Mais quand on regardait sur leur site, on voyait bien qu’il y avait des chambres disponibles », s’indigne Arda. « On leur a dit et ils ont rétorqué que ces chambres étaient réservées aux boursiers ou aux Français qui avaient un dossier social étudiant ».
De multiples efforts pour se reloger
Fin août, les deux amis sont contraints de quitter leur logement. Un ami accepte de les héberger temporairement. Mais la situation n’est pas viable sur le long terme. « Vous vous imaginez ? Vous vous réveillez tous les jours sur le canapé de votre ami, vous ouvrez tous les matins votre valise pour vous habiller », décrit Arda. « Rester quelques jours chez quelqu’un, ça va. Mais après plusieurs semaines, vous commencez à sentir que vous dérangez », renchérit Anil.
Les semaines passent. La situation ne se débloque pas pour les étudiants, qui chaque jour redoublent d’efforts pour trouver un moyen de se reloger. « On est allé au Crous peut-être 20, 30 fois en deux mois. La dame de l’accueil n’avait aucune empathie et nous disait de chercher un Airbnb ou une chambre privée. Mais vous pensez vraiment que si j’avais les moyens de prendre un Airbnb je m’embêterais à faire toutes ces démarches ? », souligne Arda. « Et pour les chambres privées ou colocations, il faut un garant. Comme nous sommes étrangers, nous n’en avons pas », explique Anil.
L’aide du maire
Après deux mois de combat, Arda a fini par retrouver un logement. « J’ai harcelé le maire », explique-t-il, mails à l’appui. Il me disait d’arrêter de lui écrire mais à quel moment quand vous êtes sans abri vous allez vous arrêter d’écrire ? Et j’ai bien fait car il a fini par écrire au Crous et ils m’ont trouvé une chambre. »
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Anil, de son côté, est toujours en recherche de logement et cette situation a fortement impacté sa santé mentale et physique. « J’ai perdu 14 kilos, je prends des anti-dépresseurs et je pense que si je ne trouve aucune solution d’ici la fin de l’année, je rentrerais chez moi’, confie-t-il. « Ce semestre a été du gâchis pour nous deux, vous ne pouvez rien apprendre quand vous vous réveillez le matin en vous demandant où vous allez vivre demain », dit Arda.
On racontait notre histoire aux gens, ils disaient qu’ils nous comprenaient. Mais personne ne peut comprendre ce que cela fait d’être sans abri dans un pays étranger.
Arda
Etudiant en sciences du langage à l’université de Rouen
Témoigner pour les autres
Aujourd’hui les deux amis qui s’estimaient si chanceux de venir en France, sont déçus par le pays : « On dit que la France est un pays riche mais elle met des étudiants étrangers à la rue », regrette Anil. « Liberté, égalité, fraternité… je ne vois pas d’égalité là-dedans », finit Arda.
À ce jour, leur situation semble presque résolue mais beaucoup d’étudiants étrangers se retrouvent face à des contraintes similaires. C’est pour eux qu’ils ont souhaité témoigner.
Contacté pour faire le point sur la situation, le Crous n’a pour l’heure pas donné suite à nos sollicitations.
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