« Ma main pleine de bagues dans ta face pleine de haine », clame la pancarte de Marie et Pauline, deux jeunes participantes à la marche de la visibilité lesbienne, samedi, place Kléber à Strasbourg. Dans la face de qui ? « Surtout des hommes ! », s’esclaffent-elles. « Ma mère est compréhensive, mais l’amour lesbien n’est pas bien accepté dans la société. On en fait les frais par des remarques dans l’espace public. Nous sommes doublement stigmatisées : en tant que femmes et lesbiennes », affirment-elles.

Les participants sont majoritairement des jeunes gens de tout poil, lookés, maquillés ou pas : femmes, hommes, queer, trans… Avec sa barbe noire fournie, ses multiples piercings discrets sur tout le visage et sa longue jupe grise, Mateo trouve important de se rendre visible afin que « tout le monde puisse s’habiller comme il veut sans être jugé ». Qu’il porte du vernis, du maquillage ou une robe, cela lui attire des remarques peu amènes d’autres hommes.

Secret entre les jambes

« Ce que j’ai entre les jambes ne vous regarde pas », clame une pancarte. Les discours des organisateurs (les collectifs Ascendant Butch, FAGs, FemiGouin’Fest et OST Strasbourg) sont bien plus véhéments, dans une veine assumée « trans-PD-gouines-queer » : opposition à « l’hétéro-patriarcat capitaliste et raciste, au système antifasciste et anticolonialiste », dénonciation des violences à l’encontre des lesbiennes en demande d’asile, des mutilations sur les personnes intersexes et de la psychiatrisation des parcours de transition, soutien à toutes les lesbiennes (trans, voilées, sans papiers), appel à manifester en faveur des prisonniers politiques et à s’organiser contre la « tendance réactionnaire de la société ».

Venue pour soutenir ses amies, Marie, de Strasbourg, est plus apaisée : « Je n’ai pas besoin de me sentir visible pour exister. Mais je comprends ce besoin de ne pas rester confinées dans le lesbianisme pur, de se réapproprier l’espace public en tant que femmes. »

Apaisé lui aussi, et même festif : les manifestants à peine partis pour leur déambulation jusqu’à la place de l’Université, un groupe de musique invité par l’Église de la Pentecôte, à Neudorf, a fait danser un bout de la place Kléber aux rythmes de « Seigneur Jésus, comment ne pas te louer ? ».