Ils appliquent la Loi, prononcent des sanctions, font respecter l’État de droit. En retour, ils s’exposent aux insultes, aux intimidations. Aux menaces de mort. Après les procès Le Pen et Sarkozy, il y a tellement de haine, de tensions, on cherche une tête de turc, on veut un responsable. Ces violences sont en hausse constante et n’impactent pas seulement les procès qui touchent les politiques mais aussi les affaires de droit commun.

« Gauchiasse ! Salope ! Elle doit aller en prison à vie à défaut de la peine de mort capitale !  » Des insultes visant Nathalie Gavarino, la présidente du tribunal correctionnel qui a condamné Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison ferme avec exécution provisoire. Selon le parquet de Paris, vingt-quatre allégations outrageantes ou menaçantes ont été tenues envers les magistrats ayant siégé à ce procès. Madame Gavarino a été placée sous protection policière, tout comme sa collègue qui a condamné Madame Le Pen le 31 mars à quatre ans de prison, dont deux ferme et à cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire pour détournement de fonds publics. Un ciblage ravivé par les accusations de politisation de la Justice, entretenues par Nicolas Sarkozy et son entourage et avant lui par Madame Le Pen. Certains ont même osé l’expression de coup d’Etat judiciaire, Madame Le Pen dénonçant « une décision politique et un déni de démocratie… »

Un justiciable peut protester de son innocence en critiquant une décision de Justice, il en va autrement de ces attaques visant à jeter le discrédit sur l’institution judiciaire. « Les juges rouges », une accusation vieille comme le monde. Les magistrats ont toujours été suspectés d’en vouloir aux politiques lesquels mettent parfois de l’huile sur le feu. Lors d’une manifestation de policiers avec le Syndicat Alliance, certains policiers scandaient : « la justice est notre ennemie ». Certains magistrats ne voudraient plus donner leurs noms et demandent à être anonymisés, à l’instar des policiers. Ces agressions physiques et verbales à l’encontre des magistrats ne font qu’augmenter : 622 agents de toute la filière judiciaire en ont été la cible en 2024 contre 458 en 2021. Selon le garde des Sceaux, cent cinquante magistrats sont menacés directement et une dizaine sont placés sous protection policière. Leurs noms sont révélés, affichés, épinglés, leur vie privée exhibée.

Aujourd’hui, la violence a changé de forme. Elle est plus diffuse et touche beaucoup plus de juridictions. Ce ne sont plus seulement les juges d’instruction qui sont exposés, mais également les juges aux affaires familiales ou des enfants, des procureurs… C’est le reflet d’une société qui se radicalise et défie la Justice. Certains narcotrafiquants, depuis la cellule de la prison, commanditent des assassinats contre des magistrats. Ce climat de violence qui vient de justiciables isolés, de réseaux criminels organisés ou de mobilisations politiques, est le reflet d’une confiance perdue dans les institutions. Il faut dès lors mieux protéger les magistrats et poursuivre avec sévérité ceux qui les menacent. Il faut aussi renforcer les dispositifs anti-intrusion, les portiques, les caméras de surveillance. Sur le plan pénal, des sanctions aggravées sont prévues par la Loi.

Le nouveau directeur du tribunal judiciaire de Paris, Peimane Ghaleh Marzban, pointe aussi la nécessité de restaurer le déficit de confiance vis-à-vis de la justice « en évoluant dans la communication. » Il envisage d’instituer des « porte-parole de la juridiction, des pédagogues de la décision. » Un moyen d’éviter que des magistrats soient menacés parce qu’ils n’auraient commis qu’une seule faute : Appliquer la règle de droit !