La table est recouverte de bouquins prêtés par la librairie nantaise Durance, dont un livret à couverture bleue, Pour une sécurité sociale de la culture, du Réseau salariat. L’objet semble un peu austère, un poil techno. Pourtant, en y regardant de près, la proposition est plutôt excitante. D’autant plus en ces temps d’austérité qui rongent les services publics. Car il s’agit ni plus ni moins, pour faire court, que de reprendre à zéro l’économie de la culture. En lui posant des bases plus solides et plus fiables, au bénéfice des artistes et donc du public.

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L’ouvrage en question est un peu la référence de l’atelier en cours, à l’ancienne école des Beaux-arts de Nantes (Loire-Atlantique), en ce samedi 22 novembre automnal. Dans l’établissement désaffecté, le collectif Futures Cultures, né à l’occasion de la lutte contre les drastiques coupes budgétaires de la Région, en décembre 2024, inaugure ici sa première journée événement.

Lutter, mais pas que

Première étape des États généraux du service public de la culture en Pays de la Loire, lancés pour fédérer professionnels, usagers, citoyens autour de débats, de cercles de travail, de pistes de solutions pour l’avenir du secteur. Pour sortir ses acteurs, comme ses productions, de la précarité. En somme, comme le résument justement deux membres de ce collectif, Victor Tetaz et Zazen Lab : « Pour être plus dans la proposition que sur des positions défensives, comme pendant la bataille contre la Région. »

Durant la matinée, les huit participants donnent de leur temps pour dessiner à grand trait une sécurité sociale de la culture. L’idée étant, si l’on se réfère au Réseau salariat, de sortir ce secteur d’activité « de la sphère d’influence capitaliste pour le placer sous contrôle populaire. La Sécu n’est pas une dépense publique, mais un mode de production alternatif ».

Sortir des temples

« À quel problème êtes-vous confrontés aujourd’hui, qui serait résolu par une Sécu de la culture ? » questionne Nicolas Chenuet, trompettiste et animateur du cercle de réflexion. Les réponses jaillissent comme des cris du cœur, de la bouche de chaque artiste présent, majoritairement des Nantais.

Une participante, dont l’activité consiste à organiser des événements culturels, déplore de ne pas pouvoir le faire suffisamment dans les quartiers populaires, faute de financement. Si un revenu lui était assuré, ça serait plus facile, dit-elle en substance. Idem pour un comédien nantais, qui confie : « Je perds de l’énergie à chercher des fonds, à ne plus savoir comment je m’appelle. Une sécu, ça serait bien plus bénéfique pour le public, notamment celui des quartiers justement, celui avec lequel j’aspire à travailler. »

Qu’est-ce que la culture finalement ? « On bute toujours sur la définition, poursuit le comédien. Art élitiste, culture pour tous ? Aujourd’hui, les artistes sont largement sortis des temples. Moi je joue dans les écoles, les bibliothèques, la rue, partout. Les temples, je les emmerde. » La culture, affaire de tous, besoin pour tous, devrait donc être un service public. Avec une sécu, gérée par des caisses nationales et locales, comme la Sécurité sociale. CQFD. C’est leur conviction et c’est le projet qu’ils tentent, ensemble, de construire.