Dès 2019, une étude génétique menée par Gerald Reiner et Heiko Willems concluait que, dans aucune population de cerfs élaphes de Hesse, la diversité génétique n’était suffisante pour adapter l’espèce Cervus elaphus aux futurs changements environnementaux.
La survie à long terme du cerf élaphe en tant qu’espèce animale sauvage saine est donc en jeu.
Ce qui, il y a quelques années, sonnait comme un cri d’alarme lancé par des chercheurs isolés est aujourd’hui une dure réalité en forêt. En Hesse, plusieurs faons élaphes présentant une mâchoire inférieure fortement raccourcie ont déjà été recensés, une malformation généralement due à la consanguinité. Au moins six cas ont été officiellement signalés.
En juin 2023, un faon gravement malade a été découvert dans l’habitat du cerf élaphe de Burgwald-Kellerwald. L’animal pouvait à peine marcher et n’avait pratiquement plus de sabots. Un examen mené par le Groupe de travail sur la biologie de la faune sauvage de l’Université de Giessen a révélé qu’il avait hérité de gènes défectueux de parents étroitement apparentés ; le degré élevé de consanguinité était directement à l’origine des malformations et des souffrances intenses.
Ces cas extrêmes ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Les véritables conséquences de la dépression de consanguinité affectent la fertilité, la vitalité, l’adaptabilité et le système immunitaire des animaux, et restent généralement invisibles à l’état sauvage.
districts de cerfs rouges : populations insulaires légalement mandatées
Les causes sont connues depuis des années. La Hesse est l’un des Länder allemands où les cerfs élaphes ne sont autorisés à vivre que dans des zones désignées comme telles. En dehors de ces zones, leur abattage est obligatoire. Avec cette politique, ce ne sont plus seulement les infrastructures de transport, mais surtout la législation elle-même qui fragmente l’habitat du cerf élaphe.
Les chercheurs estiment que les échanges génétiques entre la vingtaine de zones de gestion du cerf élaphe en Hesse ont quasiment cessé ; en particulier, les cerfs migrateurs atteignent rarement de nouveaux territoires. Les routes, les zones urbanisées et l’éradication obligatoire des cerfs élaphes en dehors des zones désignées entravent les migrations naturelles et favorisent la formation de petites populations isolées.
Cet isolement artificiel contredit frontalement toute considération sérieuse de biodiversité et de bien-être animal. Lorsque l’État conduit délibérément les animaux sauvages vers des impasses génétiques, les malformations, les souffrances et le déclin progressif des populations ne sont pas des accidents, mais bien la conséquence calculée d’une politique de chasse défaillante.
Bade-Wurtemberg : Quatre pour cent de l’habitat d’un animal héraldique
Mais la Hesse n’est pas la seule région à être touchée par le déclin du cerf élaphe. Dans le Bade-Wurtemberg, le plus grand mammifère terrestre indigène n’est toujours autorisé à vivre que dans cinq zones légalement désignées, représentant moins de quatre pour cent du territoire régional. Sur les 96 % restants, un ordre d’extermination de facto est en vigueur depuis 1958 : tout cerf élaphe doit être abattu.
Des études génétiques menées par l’Institut de recherche forestière (FVA) de Fribourg montrent également que la diversité génétique au sein des différents habitats du cerf élaphe est désormais trop faible pour garantir la pérennité des populations. Le FVA préconise explicitement des mesures visant à améliorer les échanges génétiques entre les sous-populations isolées.
Le gouvernement de l’État maintient néanmoins le système de zones de gestion du cerf élaphe. Il entend lutter contre l’appauvrissement génétique principalement par une gestion à l’intérieur des limites existantes, plutôt que d’octroyer au cerf élaphe davantage d’habitats naturels et de corridors de migration.
Le ministre de l’Agriculture, Peter Hauk, a annoncé en mars 2025 la suspension de l’abattage obligatoire des jeunes cerfs en dehors des habitats désignés. Désormais, les jeunes cerfs migrateurs ne seront plus systématiquement abattus. Les associations de chasse et les défenseurs de l’environnement y voient une première étape attendue depuis longtemps. Toutefois, il est clair que tant que 96 % du territoire de l’État restera une zone interdite au cerf, le problème de l’appauvrissement génétique ne sera pas résolu.
Début d’un processus d’extinction
La Fondation allemande pour la faune sauvage alerte désormais ouvertement sur le fait que l’isolement génétique des populations de cerfs élaphes marque déjà le début d’un processus d’extinction. C’est précisément pour cette raison qu’elle a choisi le cerf élaphe comme animal de l’année 2026, afin de sensibiliser le public à une espèce souvent perçue comme commune, mais qui est en réalité marginalisée et génétiquement appauvrie.
Cela place le cerf élaphe au cœur d’un débat symbolique : il incarne une politique de gestion de la faune sauvage qui privilégie les intérêts de la chasse, les objectifs forestiers et les infrastructures de transport au détriment des besoins des animaux sauvages migrateurs. Ceux qui confinent le cerf élaphe à quelques pour cent du territoire national et qui ripostent par la force à chaque déplacement au-delà détruisent non seulement le patrimoine génétique de l’espèce, mais discréditent également toute prétention à la conservation et au bien-être animal.
Qu’est-ce qui doit changer ?
La solution est connue depuis des années et est réclamée par les scientifiques, les organisations de protection animale et même une partie de la communauté des chasseurs :
- Abolition des districts rigides de gestion du cerf élaphe et fin de l’ordre d’extermination en dehors de ces zones
- Protection des cerfs migrateurs au lieu de les abattre, notamment dans les couloirs de migration entre les « îles » actuelles.
- Reconnecter les habitats grâce à des ponts verts, des corridors fauniques et de vastes zones de tranquillité.
- Des modèles de chasse axés sur le bien-être animal, l’écologie et la biodiversité, et non sur le nombre de proies prélevées par les chasseurs amateurs.
La perte de diversité génétique est irréversible. Chaque année supplémentaire de cerf élaphe élevé dans des conditions de populations isolées et de quotas de chasse aggrave encore la dépression de consanguinité. La politique décide donc, de manière très concrète, si le « roi des forêts » d’Europe centrale a un avenir en tant qu’espèce sauvage, libre et en bonne santé, ou s’il finit par n’être plus qu’une population résiduelle dégénérée dans des enclos de chasse.
Ces politiques de chasse erronées nuisent à la santé du cerf élaphe. Elles bafouent également ce qu’une société civilisée doit aux espèces migratrices comme le cerf élaphe : le respect de leur indépendance, de leur besoin de se déplacer et de leur rôle dans les écosystèmes quasi naturels.
Il est grand temps de s’attaquer non seulement au problème du cerf élaphe, mais aussi à la politique de la chasse récréative.