Le département d’État américain a demandé à ses ambassades au Canada et dans d’autres pays occidentaux d’examiner attentivement les conséquences des « migrations de masse », dernière initiative du gouvernement Trump visant à remodeler la géopolitique des alliés historiques des États-Unis.

La semaine dernière, une note adressée aux ambassades enjoignait aux diplomates à Ottawa, en Nouvelle-Zélande, en Australie et dans les pays d’Europe occidentale de rendre compte des implications en matière de droits de la personne et des conséquences sur la sécurité publique des migrations de masse à grande échelle, qualifiées de « menace existentielle pour la civilisation occidentale ».

Dans une publication sur les réseaux sociaux partagée vendredi par le secrétaire d’État américain Marco Rubio, le département a indiqué que ses représentants « exhorteraient les gouvernements à prendre des mesures énergiques et à protéger leurs citoyens contre les menaces posées par les migrations de masse ».

Les représentants devront également signaler « les politiques qui punissent les citoyens s’opposant à la poursuite des migrations de masse et documenter les crimes et les violations des droits de la personne commis par des personnes issues de l’immigration », a précisé le département.

Lundi, un haut responsable du département d’État, s’exprimant sous couvert de l’anonymat, a déclaré que les États-Unis ne cherchaient pas à dicter aux autres pays leur conduite, mais plutôt à les mettre en garde contre l’importation massive de personnes issues de cultures qu’ils qualifient de « radicalement différentes ».

« La faute incombe à vos dirigeants »

Le président américain, Donald Trump, critique depuis longtemps les politiques d’immigration européennes, et le vice-président J.D. Vance a fait sensation avec un discours fustigeant les démocraties européennes sur les questions migratoires et la liberté d’expression lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, plus tôt cette année.

M. Vance s’en est également pris au Canada dans une publication sur les réseaux sociaux vendredi. Il a lié ce qu’il a appelé la « stagnation du niveau de vie » des Canadiens à une « folie de l’immigration ».

« Et avec tout le respect que je dois à mes amis canadiens, dont la politique est obsédée par les États-Unis : votre stagnation du niveau de vie n’a rien à voir avec Donald Trump ni avec le bouc émissaire que Radio-Canada vous désigne, a écrit J.D. Vance. La faute incombe à vos dirigeants, que vous avez vous-mêmes élus. »

Un haut responsable du Département d’État a reconnu lundi que la situation migratoire diffère sensiblement entre des pays comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada et leurs alliés européens.

« Nous constatons toutefois une tendance croissante, au sein des démocraties libérales du monde entier, à adhérer aveuglément au discours mondialisé sur la migration, a-t-il déclaré. L’idée qu’il suffirait d’importer massivement des personnes d’une culture différente — voire radicalement différente — et de supposer que tout se passera bien est absurde, alors que des études de cas ont démontré le contraire. »

Ce responsable a indiqué que les déplacements de population, la pression sur le logement et la perspective d’un système judiciaire à deux vitesses, traitant différemment les migrants, sont particulièrement préoccupants. Il a principalement évoqué les problèmes européens, sans mentionner spécifiquement le Canada.

Le message enjoignait aux ambassades de recueillir des informations pour le rapport américain sur les droits de la personne et à faire savoir que les États-Unis étaient disposés à collaborer sur cette question, a-t-il ajouté.

« Maîtriser » l’immigration

Le Canada s’est toujours enorgueilli de la diversité de sa population. Mais le soutien à une immigration importante s’est effondré ces dernières années, notamment en raison d’un marché du logement tendu et d’un chômage élevé, particulièrement chez les jeunes.

Le premier ministre Mark Carney s’est engagé à « maîtriser » l’immigration. Son gouvernement libéral prévoit de réduire le nombre de travailleurs temporaires pour 2026 et a pratiquement divisé par deux le nombre de visas d’études prévus pour les trois prochaines années.

Le gouvernement fédéral réduit également le nombre de réfugiés, de personnes protégées et de personnes obtenant la résidence permanente pour des raisons humanitaires qu’il admettra en 2026.

La politique migratoire du Canada est importante pour le gouvernement Trump, a déclaré un responsable anonyme, ajoutant : « Nous espérons que nos amis canadiens se montreront tout aussi fermes sur cette question. »

« Au Canada, des gens ont exprimé de très vives inquiétudes concernant l’afflux de migrants, tout comme aux États-Unis, et le président Trump a décidé de répondre à cet appel avec beaucoup de courage et d’audace », a conclu le responsable.

Le système canadien d’asile a été submergé sous le premier gouvernement Trump lorsque des personnes ont commencé à migrer vers le nord, traversant la frontière canado-américaine en exploitant une faille dans l’Entente sur les tiers pays sûrs. Cette faille permettait à ceux qui contournaient les points de passage frontaliers officiels de déposer une demande d’asile.

Cette faille a été comblée sous le gouvernement Biden, ce qui a entraîné une baisse considérable du nombre de personnes traversant la frontière canadienne depuis les États-Unis par des points de passage non officiels.