Les profs étrillent les propositions citoyennes sur les temps de l’enfant

LOIC VENANCE / AFP

Les profs étrillent les propositions citoyennes sur les temps de l’enfant

EN BREF La Convention citoyenne propose des changements dans le temps scolaire, mais les enseignants restent sceptiques quant à leur mise en œuvre.
Les idées de cours à 9 heures et de semaine de cinq jours suscitent des débats sur leur faisabilité et leur impact sur les disciplines.
Certains critiquent aussi le coût et la pertinence des propositions, les jugeant déconnectées des réalités éducatives.

« Contradictoire », « impossible », « déconnecté » : qu’il s’agisse de la semaine de cinq jours d’école ou de l’idée de mettre les « apprentissages théoriques » le matin, les propositions de la Convention citoyenne sur les temps de l’enfant laissent le monde enseignant sceptique, au moins.

Après six mois de travaux, cette Convention, qui réunissait quelque 130 citoyens au Conseil économique, social et environnemental (Cese), a adopté dimanche 20 propositions. Ils répondaient à une question posée par l’ex-Premier ministre François Bayrou : « Comment mieux structurer les différents temps de la vie quotidienne des enfants afin qu’ils soient plus favorables à leurs apprentissages, à leur développement et à leur santé ? »

Parmi leurs mesures, plusieurs concernent le temps scolaire : cinq jours d’école par semaine dès l’élémentaire, des cours démarrant à 9 heures au collège et lycée, une réduction des zones de vacances de 3 à 2 pour les vacances d’hiver et de printemps, des cours à 45 minutes dans le secondaire (au lieu d’une heure)… Ou encore « des apprentissages théoriques placés le matin, et des apprentissages pratiques placés l’après-midi » (avec aussi l’introduction d’« ateliers de la vie pratique » comme bricolage, cuisine…).

« Je suis un peu sceptique », résume Benjamin Marol, professeur d’histoire dans un collège de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. « Je trouve ça contradictoire, parce que si on réduit les journées de cours, on ne peut pas y faire rentrer davantage de choses », ajoute cet enseignant, qui juge ces propositions « impossibles à mettre en œuvre », même s’il approuve l’idée de faire commencer les collégiens à 9 heures. Car « tous les chronobiologistes vous le disent, et moi, je le constate, l’heure préférée des enseignants, c’est de 8 heures à 9 heures parce que les élèves dorment », s’amuse-t-il.

« Sacrifier des disciplines »

Pour la CFDT Éducation, l’idée de mettre les « enseignements pratiques » l’après-midi est un « point rouge ». « Pour moi, ça revient à sacrifier des disciplines », estime Sabrina, professeure de musique en collège à Marseille, syndiquée CFDT. « Ça me fait doucement sourire d’entendre qu’on n’aurait pas besoin d’attention et de concentration en musique », ajoute-t-elle.

Pour le Snes-FSU, principal syndicat du second degré (collège et lycées), cette proposition « ouvre la porte à une sortie potentielle des arts plastiques, de l’éducation musicale et de l’EPS (Éducation physique et sportive NDLR) du cadre national des enseignements ».

Parmi les autres mesures phare de la Convention citoyenne, l’idée de « passer la semaine à cinq jours » à l’école, pour mieux étaler les apprentissages, laisse aussi les enseignants dubitatifs. Si certains y sont favorables, ils s’interrogent sur la faisabilité d’une telle mesure. Le sujet est sensible : une réforme de 2013-2014 avait déjà tenté de relever la semaine de quatre jours à quatre jours et demi, mais avait été abandonnée dès 2017 dans la plupart des écoles. Aujourd’hui, 90 % des communes fonctionnent sur quatre jours.

« Problème sociétal »

Nathalie (prénom modifié), enseignante en CM1-CM2, se dit « très favorable » à la semaine de cinq jours. « En primaire, c’est comme ça partout dans le monde », plaide-t-elle. Mais « dans le contexte actuel, avec le manque de considération pour les professeurs des écoles, la baisse du pouvoir d’achat, je ne vois pas comment ce sera possible », ajoute-t-elle. « Autour de moi, les profs ne sont pas prêts à faire cet effort-là ».

En outre, lors de la précédente réforme, « beaucoup de gamins restaient à l’école tard le soir, parce que les parents ne pouvaient pas les garder », souligne Rémi Dupeyrat, enseignant en CM2 à Orléans et syndiqué au SE-Unsa, également « plutôt pour » la semaine de cinq jours. Mais pour lui, il « y a un problème sociétal » plus large autour de cette question.

Une telle réorganisation, quand elle a été tentée, « n’a convaincu aucun des acteurs de l’éducation », juge de son côté la FSU-Snuipp, principal syndicat du primaire, pour qui « l’urgence est redonner des moyens à l’école ».

Pour le Snalc (collèges et lycées), le constat est sévère : les 4 millions d’euros qu’a coûté la Convention citoyenne ont été « jetés par la fenêtre ». « L’ensemble du rapport est complètement déconnecté de ses conditions de réalisation et du fonctionnement réel de notre pays », déplore-t-il.