Par

Gabriel Kenedi

Publié le

25 nov. 2025 à 19h58

« Il a un rapport sain et pur avec la photographie, presque naïf, celui d’un débutant. C’est le photographe amateur qui a le plus réussi que je connaisse », dit de lui son ami Oli. Il faut dire qu’il le connaît particulièrement bien ! Depuis plusieurs années, Odieux Boby est devenu LE photographe officiel de Bigflo & Oli. Ce n’est donc pas un hasard si Boby vient exposer ses photos au Café Visionnaire, le QG des deux rappeurs situé en plein centre-ville de Toulouse, un lieu hybride qui fait à la fois office de boutique et de lieu culturel.

Une expo gratuite visible à Toulouse

Boris Allin, de son vrai nom, a sorti il y a quelques semaines son livre, « Cafoucho » (paru chez Fisheye éditions), dans lequel il retrace 15 ans de photographies. Avec son talent et son œil à part, Boby nous plonge dans le quotidien des stars, au plus près des grands évènements sportifs et culturels de la planète, mais capte aussi comme personne des moments de vie furtifs, des scènes de rue, ou de puissants clichés issus de manifestations plus ou moins sages.  L’exposition – visible gratuitement depuis le 24 novembre et jusqu’au 28 février 2026 – fait donc écho à ce livre… mais pas seulement ! Pour en savoir plus, Boby nous a accueillis juste avant le vernissage de son expo… Il nous parle de sa passion, des liens fort qu’il a tissés avec les deux frangins toulousains, et des photos parfois inédites qui sont à découvrir d’urgence au Café Visionnaire. Rencontre. 

« Range ton cafoucho ! »

Actu : Ton livre et ton expo s’intitulent « Cafoucho ». Qu’est-ce que ça veut dire ?

Boby : C’est du provençal, et ça veut dire bordel ! Quand j’étais petit ma mère venait toujours dans la chambre de mon petit frère et moi elle me disait « range ton cafucho, range ton cafoucho ». Depuis j’ai grandi, donc ma chambre est plutôt rangée, mais ce qui est pas bien rangé ce sont mes disques durs. Ça fait plusieurs années que mon éditeur, FishEye, me dit de faire un livre. Je suis donc allé fouiller dans mes 33 disques durs, ce qui équivaut à 33 chambres d’ado, pour aller chercher les images. J’ai donc rangé mon cafoucho pour sortir le livre ! Depuis, le livre est sorti, et Oli m’a proposé de faire une expo à Toulouse, dans son café culturel !

« J’ai ressorti des photos d’Antoine Dupont et de Léon Marchand »

Comment as-tu choisi les photos que tu exposes ici, à Toulouse ?

: Il y a des photos qui sont issues du livre. Et comme on est à Toulouse, j’ai ressorti des photos d’Antoine Dupont, de Léon Marchand qui viennent d’ici, ou encore du Rose Festival. Et il y a aussi des photos que j’ai prises très récemment, comme celle du dernier Tour de France, par exemple. Il y a aussi des photos que je n’avais jamais publiées comme un portrait de Kendrick Lamar… histoire d’avoir des petites exclus ! Il y a aussi pas mal de souvenirs, comme ma première photo publiée en Une du Monde, mes accréditations, mes pass… Je présente aussi des voilages, avec des photos qui sont toutes issues du livre. Et on a aussi quelques tirages XXL, de Guy Roux, du Rose et d’autres, qu’on a disséminés un peu partout. Oli m’a laissé carte blanche et m’a poussé en me disant qu’il fallait le surprendre… J’essaie donc de le surprendre ! Toutes ces photos, ça retrace 15 ans de travail !

Vidéos : en ce moment sur Actu

On ne va pas tout spoiler mais voici quelques photos à découvrir lors de cette expo : 

« J’ai le même bonheur à être dans une manif qu’avec les plus riches du monde »

Pouvoir aller à Monza en F1, aux JO, photographier les stars du Rose ou aller prendre des clichés dans les manifs, est-ce ça que tu aimes dans la photo ? Cet éclectisme ?

: Complètement ! Moi, je viens d’un petit village du sud de la France qui s’appelle Lambesc. Mon père était sous-marinier, ma mère elle était technicienne aéronautique. Mes parents n’ont pas eu le bac et rien ne me prédestinait à avoir ce parcours ! Un peu comme Flo et Oli, finalement ! On est des petits gars du sud mais grâce à notre art, on a pu aller dans des endroits où on n’aurait jamais pensé imaginer être. À la base, je voulais être une rock star… mais comme je suis trop nul en musique, je suis devenu photographe (il sourit) ! Mais c’est vrai que c’est un peu hallucinant de se dire que le lundi, je vais faire le portrait d’une star, le mardi, un défilé de mode et le samedi, une manif. Je vois un peu tous les pans de la société et c’est ça que j’adore, en fait ! J’ai le même bonheur à être au milieu d’une manif avec des gars qui galèrent pour arriver à la fin du mois, et en même temps, passer du temps avec les plus riches du monde. Ce sont deux mondes qui ne se rencontrent jamais, et à travers mon livre et mon expo, j’arrive à les faire coïncider, même si je sais que ça ne se fait pas trop dans la vraie vie.

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Sur Bigflo et Oli : « Leur évolution est dingue ! »
Bigflo et Oli lors de leurs concerts au Stadium, en 2024.
Bigflo et Oli, juste avant leurs concerts au Stadium de Toulouse, en 2024. (©Boby)

Tu suis Bigflo et Oli depuis plusieurs années. Comment vous êtes vous rencontrés ?

: Je les ai connus sur la période « Gangsta » (leur premier single sorti sur La Cour des grands, leur premier album, N.D.L.R.). Ils faisaient un concert caritatif avec les Casseurs Flowteurs (le groupe d’Orelsan et Gringe, N.D.L.R.), au Transbordeur de Lyon. J’avais fait une photo de Oli au milieu de la foule. Il avait beaucoup aimé la photo et m’avait contacté sur facebook en me demandant de lui envoyer. Et il m’a proposé de les accompagner en tournée mais j’étais déjà engagé avec Deluxe, ça ne s’était donc pas fait. Et quand ils venaient de sortir « Dommage », on s’est recroisé et ils m’ont proposé de les suivre sur un Zénith. Puis deux, puis trois… Petit à petit, on a intensifié notre collaboration ! Mais ça fait très longtemps que je les connais et c’est trop bien de voir la façon dont ils ont évolué… C’est une évolution de dingue, quand on y pense ! Ils n’ont jamais rien lâché et je trouve ça trop cool qu’ils soient touche-à-tout ! Oli, par exemple, tu ne peux pas le mettre dans une case. C’est impossible ! Et je trouve ça génial. Son exposition aux Abattoirs était incroyable, le Rose Festival est génial aussi.. On sent que chez ces gars, ce n’est pas une question d’argent, mais d’envie !

« Il y a toujours la même honnêteté chez eux »

En près de 10 ans, comment perçois-tu leur évolution à l’image  ?

: Ils ont beaucoup évolué ! Il y a 10 ans, c’est Bigflo qui avait toujours la casquette… maintenant c’est Oli. La casquette a changé de partenaire ! Je me rappelle d’un shooting à New York, qu’on avait fait à l’arrache… mais c’était tellement bien ! Pour des artistes de ce niveau, c’est hallucinant quand tu y penses. Les mecs étaient allés dans un magasin à New York, ils avaient acheté deux sacs de fringues. Et après, on était allé à Coney Island, un lundi matin. Il n’y avait personne, on se trimballait les sacs, se changeait dans la rue. Ce sont des souvenirs géniaux ! À cette époque, c’était le tout début de Visionnaire donc ils étaient dans des couleurs très vives bleu, rouge et jaune. Aujourd’hui, ils sont davantage dans la mode avec cette envie de bien s’habiller. Ce qui est assez normal, quand tu grandis ! Le dernier shooting qu’on a fait ensemble était un peu plus classe. C’est une évolution normale. On n’est plus à l’époque de Gangsta mais il y a toujours la même honnêteté chez eux ».

« Quand tout le monde regarde à droite, j’essaie de regarder à gauche »
En manif, Boby a aussi un sacré regard.
En manif, Boby a aussi un sacré regard. (©Boby )

Et toi aussi, on imagine que ta façon de shooter – au-delà de Bigflo et Oli – a évolué en 15 ans de photographies ?

: Complètement ! J’aime bien cette expression qui consiste à dire que c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Dans la photo, il n’y a pas de secret ! Mes premières photos n’étaient pas terribles… Mais je suis un acharné de boulot et le manque de moyens n’a jamais été une excuse pour moi. Les photos que je faisais au début, je m’en rappelle bien : je me servais du mur blanc du Carrefour City pour faire un studio blanc et je faisais des portraits avec mon frère, mes potes. Je faisais un peu n’imp’ mais ça m’a beaucoup appris. Plus tard, le journal Libération m’a fait beaucoup évolué parce qu’ils ont une approche de l’image qui est particulière dans la presse. Cela m’a poussé à ne pas rester sur des photos qui soient uniquement informatives, mais à aller chercher un supplément d’âme ! Quand tout le monde regarde à droite, j’essaie de regarder à gauche… Et en manif, il y a des trucs que je m’oblige à faire. Je ne vais pas directement là où ça casse. C’est aussi rendre justice à celles et ceux qui manifestent de ne pas prendre seulement la poubelle qui a cramé. C’est un devoir déontologique, quelque part. Et ça donne aussi de super photos !

« J’ai toujours gardé ce dessin d’Oli »

[Alors que l’entretien s’achève, il ouvre un paquet qui vient d’arriver et veut nous le montrer : à l’intérieur, un dessin fait par Oli]. Pourquoi il est important pour toi, ce dessin ?

: Souvent, Bigflo et Oli finissent leur enregistrement d’album à New York, puisqu’ils ont des gars là-bas avec qui ils travaillent depuis le tout début. Il y a quelques années, on devait faire un petit livret photo et je passais toutes mes journées au studio à Brooklyn avec eux. Je n’ai pas du tout vu New York ! Mais c’était trop cool. Un jour, Oli – qui me surnomme El Curioso parce qu’il trouve que je pose plein de questions – m’a dessiné sur une serviette en papier. Et j’ai toujours gardé ce dessin d’Oli, que je trouve trop mignon ! C’est quand même l’un des plus grands rappeurs actuels, et il m’a fait mon portrait ! C’est trop classe ! Et du coup j’ai eu envie de l’exposer ici.

« Cafoucho » de Boby, à voir gratuitement jusqu’au 28 février 2026 au Café Visionnaire, au 23 rue des Puits-Clos, à Toulouse. 

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