BERLIN (dpa-AFX) – Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, ils arpentent les rues, gravissent et descendent les escaliers. Être livreur de colis n’est pas un métier facile, et la période précédant Noël s’avère particulièrement éprouvante. L’ampleur de la charge de travail ressort clairement d’une enquête menée auprès des employés du secteur, de contrôles réalisés dans les entreprises de livraison et des données professionnelles d’une caisse d’assurance maladie.

Une enquête Verdi, dévoilée mardi à Berlin et réalisée auprès de plusieurs milliers de salariés, révèle que ces derniers travaillent souvent au-delà des limites légales, disposent de trop peu de pauses et doivent parfois sacrifier la qualité de leur travail pour respecter la cadence imposée. La veille, le ministère du Travail de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dirigé par la CDU, dressait un constat tout aussi sombre du secteur : après plusieurs mois de contrôles, de nombreuses infractions à la législation sur la protection du travail ont été relevées chez les entreprises de livraison de colis.

Les livreurs souvent malades

Un autre indicateur des difficultés majeures du secteur provient d’une analyse de données de l’AOK Rheinland/Hamburg. Selon cette caisse d’assurance maladie, chaque jour, environ huit (7,65) livreurs sur cent sont en arrêt maladie, soit 0,51 de plus que dans d’autres branches. Ce chiffre, datant de 2024, ne laisse guère supposer une amélioration notable de la situation. En 2022 et 2023, le taux d’absentéisme était plus faible. L’AOK qualifie de « remarquable » le fait que ce taux soit aussi élevé dans ce secteur, alors que les livreurs sont relativement jeunes, avec une moyenne d’âge de 38,2 ans.

« Les livreuses et livreurs sont soumis à d’importantes contraintes physiques – par exemple, le port de colis lourds, des postures forcées répétées ou la montée et descente constantes des escaliers », explique Michael Wenninghoff, expert de l’AOK. « S’y ajoutent la pression du temps, la circulation dense et des zones de livraison toujours plus vastes. Le risque de surcharge physique et psychique est élevé. » Trois quarts des arrêts maladie sont dus à des troubles musculo-squelettiques – contre moins de la moitié dans d’autres secteurs.

L’enquête met en lumière un fort potentiel de frustration

Les résultats de l’enquête Verdi sont tout aussi alarmants. À la question de savoir s’ils avaient dû accomplir davantage de travail en un temps identique au cours des 12 derniers mois, 89 % des sondés ont répondu « dans une très large mesure » ou « dans une large mesure ». Une proportion similaire se sent pressée par le temps et affirme devoir atteindre les limites de ses capacités. 79 % déclarent devoir rogner sur la qualité pour pouvoir accomplir la charge de travail.

Les spécialistes ont calculé, à partir des réponses, un indice qui montre que les conditions de travail dans la branche des colis sont nettement moins bonnes que dans d’autres secteurs économiques. Un indice de 40, sur une échelle de zéro à cent, est considéré comme négatif, c’est-à-dire comme du « mauvais travail ». Les employés jugent également leur rémunération insatisfaisante. Selon l’enquête, de nombreux livreurs travaillent au-delà de la durée légale et disposent de trop peu de possibilités de pause.

L’enquête suggère également que les conditions de travail sont particulièrement mauvaises chez les sous-traitants. Une limite méthodologique subsiste cependant, puisque seules 247 réponses proviennent de personnes travaillant dans ces entreprises.

Appel à de nouvelles règles

La vice-présidente de Verdi, Andrea Kocsis, considère cette enquête comme la preuve que quelque chose ne va pas dans le secteur. Elle réclame une amélioration des conditions de travail : « Il y a un besoin urgent d’agir dans la branche. » Elle estime notamment qu’une limite de 20 kg est indispensable, au-delà de laquelle un colis ne devrait plus être livré par une seule personne, mais par deux.

Le secteur des colis est en pleine croissance : le volume des commandes en ligne explose, entraînant une hausse significative du nombre de colis à livrer ces dernières années. La période précédant Noël, avec des opérations de rabais comme le Black Friday, est particulièrement intense. Les entreprises du secteur peinent à recruter. La plupart des sociétés de livraison font appel à des sous-traitants pour la distribution, ce que Verdi critique vivement – le syndicat réclame l’interdiction du recours à des sous-traitants dans le secteur. DHL, leader du marché, a choisi une autre voie : l’entreprise emploie presque exclusivement ses propres salariés pour livrer les colis et propose des salaires relativement attractifs.

Les réponses proviennent majoritairement de salariés de la Poste

Environ 2 900 personnes ont participé à l’enquête en ligne, dont 1 900 employés du leader du marché, Deutsche Post/DHL. Un porte-parole de la Poste souligne que son entreprise offre des emplois soumis à cotisations sociales, avec une convention collective et une « rémunération équitable ». Il ajoute que le secteur des colis évolue rapidement, avec des volumes de livraisons plus fluctuants qu’auparavant : « Lors des journées à fort volume – comme actuellement avant Noël – nous avons besoin de nombreuses mains, et moins lors des périodes creuses. »

Avec toujours plus de colis et de moins en moins de lettres, la profession reste physiquement exigeante. DHL investit dans la sécurité au travail et la santé, et met à disposition des équipements ergonomiques modernes, selon le porte-parole. Par ailleurs, l’entreprise se prononce en faveur de la limite de 20 kg pour la livraison par une seule personne. L’association BPEX, qui représente les concurrents de DHL (GLS, DPD et Hermes), n’a pas souhaité commenter les conclusions négatives concernant le secteur, malgré les sollicitations.

La limite des 20 kg se fait attendre

Quand la situation va-t-elle enfin s’améliorer, notamment avec la fameuse limite de 20 kg pour la livraison par une seule personne ? L’ancienne coalition « feu tricolore » avait lancé une telle mesure, mais elle s’est perdue dans les turbulences de la fin de la coalition. La limite de 20 kg figure certes dans la loi, mais n’est pour l’instant qu’une coquille vide : elle n’entrera en vigueur qu’avec l’adoption d’un décret complémentaire. Celui-ci doit préciser avec quels moyens techniques une livraison individuelle d’un colis plus lourd serait encore autorisée. Une porte-parole du ministère fédéral de l’Économie indique que la mise en oeuvre des dispositions de la nouvelle loi postale est en cours./wdw/DP/stw