Un ancien professeur d’EPS du collège de Bons-en-Chablais (Haute-Savoie) était jugé ce mardi devant le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains pour « homicide involontaire ». En 2020, Baptiste, 12 ans, est mort lors d’un cours d’EPS alors qu’il était dispensé de sport. Le ministère public a requis deux ans de prison avec sursis.

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Il a fallu cinq ans d’attente pour Mélanie Jacques et Xavier Ledoux. Quelques jours avant la date anniversaire de la mort de leur fils Baptiste, le procès du professeur d’EPS de l’adolescent de 12 ans décédé lors d’un cours de sport, s’est tenu ce mardi 25 novembre devant le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie). Le prévenu, âgé de 58 ans, était poursuivi pour « homicide involontaire ».

Le 1er décembre 2020, bien qu’il disposait d’un certificat d’inaptitude au sport, car il souffrait d’hypertrophie du myocarde, Baptiste, adolescent scolarisé au collège François-Mugnier de Bons-en-Chablais en classe de 5e, participe à un cours d’EPS, une séance de course à pied dans le stade du collège. Après quelques tours de terrain, il est victime d’un malaise cardiaque. Évacué vers l’hôpital de Genève, il décède deux jours plus tard.

À la barre, le professeur de sport de Baptiste s’est d’abord tourné, en larmes, vers les parents de l’adolescent : « Je veux exprimer ma compassion. Je comprends votre douleur, je suis très affecté, je ressens la peine que vous avez ».

Face aux juges, celui qui exerçait la profession de professeur d’EPS depuis 1991, a affirmé que Baptiste « avait envie de pratiquer » et que l’adolescent lui avait dit « entre deux portes » qu’il avait « un problème cardiaque », mais que « ce n’était pas grave et qu’il pouvait s’adapter ».

Cet ancien prof décrit comme « investi et rigoureux » l’assure : il n’a jamais eu connaissance d’une dispense avant l’accident. Cependant, un certificat médical et une dispense avaient bien été transmis par les parents de Baptiste à l’établissement scolaire et téléchargée sur Pronote, l’outil numérique permettant de faciliter les échanges entre les personnels administratifs, les enseignants et les familles des élèves.

Ce logiciel est directement mis en cause par le prévenu, qui n’exerce plus aujourd’hui. Il affirme qu’au moment des faits, il ne savait pas que Pronote informait sur les dispenses des élèves. D’après lui, l’interface de l’application mobile n’est pas suffisamment « intuitive » et il n’a jamais été formé à son utilisation : « Pour nous, c’est uniquement un outil d’appel ».

Pour sa défense, il mentionne une liste établie par l’établissement en début d’année recensant « les élèves aux besoins particuliers », une liste dans laquelle ne figurait pas Baptiste selon le professeur.

« Baptiste vous dit qu’il a une maladie cardiaque. Vous ne vous dites pas que vous allez voir de quoi il en retourne ? Pourquoi ne pas avoir fait des vérifications ? », questionne le président. « Les élèves donnent généralement, spontanément leur certificat médical », répond le prévenu, disant « sincèrement regretter » de ne pas avoir consulté au dossier de Baptiste.

D’après le règlement, le certificat doit être d’abord transmis au professeur.

Me Mathilde Reboux, avocat de la défense

« C’est une personne absolument anéantie par la culpabilité, assure l’avocate de la défense Me Mathilde Reboux. Et ce sentiment de culpabilité n’est pas la culpabilité pénale ».

« Pour mon client, c’est clair : cet élève est, pour lui, apte au sport parce qu’on ne lui a pas transmis de certificat médical. D’après le règlement, le certificat doit être d’abord transmis au professeur, il n’a pas été remis en version papier à mon client », poursuit Me Reboux.

Le prévenu a régulièrement évoqué son regret d’être le seul à comparaître dans cette affaire. « On me reproche de ne pas voir vu le certificat médical, mais d’un autre côté, on a une administration qui archive les certificats médicaux en pensant que parce que c’est sur Pronote, les profs d’EPS vont le voir. Mais dans nos textes, il est clair et net que les profs sont à même de prendre des décisions seulement s’ils reçoivent le certificat en main propre », justifie-t-il.

« Au sein de l’Éducation nationale, on parle beaucoup de communauté éducative. Aujourd’hui, la communauté éducative n’est pas là, je suis tout seul et je dois assumer tout seul ce drame », lâche-t-il avant de se rasseoir.

« La responsabilité des autres a été tranchée », répond le président. En effet, le principal du collège, la CPE et l’infirmière scolaire ont bénéficié d’un non-lieu, confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Chambéry du 25 novembre 2024 et par une décision de la Cour de cassation du mardi 29 avril 2025.

Les parents de Baptiste se sont avancés ensemble à la barre. Baptiste « était un garçon tellement gentil et avenant… Tous les jours, on pense à lui », décrit Xavier Ledoux. « Au niveau de la hiérarchie, ils étaient bien au courant que Baptiste avait une pathologie cardiaque. Pour moi, ils étaient tous au courant », affirme le père de Baptiste. « On les a alertés à plusieurs reprises, on l’avait dit, on l’avait écrit et envoyé ».

« Quand j’entends que Baptiste voulait courir… Bah Baptiste était un enfant… Et face à un adulte, c’est l’adulte qui doit dire non », souligne Mélanie Jacques. Sa pathologie diagnostiquée à l’âge de 3 ans, « ce n’était pas un tabou pour Baptiste. On en parlait tous les jours, il savait. On vivait avec, on lui disait régulièrement de faire attention ».

Votre responsabilité à vous, c’est de dire non à Baptiste, même s’il veut participer.

Me Hervé Gerbi, avocat des parties civiles

Pour Me Hervé Gerbi, avocat des parties civiles, l’ancien professeur de sport se « décharge de sa responsabilité » : « Des absents, il y en a, c’est sûr. Le rapport administratif a pointé du doigt un certain nombre de défaillances. L’Éducation nationale porte de façon générale la responsabilité », affirme Me Gerbi. « Pour Monsieur, il y aurait presque un autre responsable, un petit garçon de 12 ans dont on attend plus de responsabilité qu’un professeur expérimenté de 53 ans. […] Votre responsabilité à vous, c’est de dire non à Baptiste, même s’il veut participer ».

L’avocat des parties civiles l’assure : l’ex-professeur de sport savait pour la dispense. « Ma conviction est que Monsieur connaissait, savait, que Baptiste avait un problème cardiaque. Ma conviction est qu’il savait qu’il était dispensé de sport et je dirais même, que ce fameux certificat, il l’a vu et qu’il est passé entre ses mains », affirme Me Gerbi, citant des procès-verbaux des employés de la vie scolaire du collège François-Mugnier qui détaillent un protocole précis lorsqu’un certificat médical est établi pour un élève : « La dispense est photocopiée et mise dans le casier du professeur. Il y a un protocole et tout le monde l’applique comme un rituel ».

Xavier Ledoux et Mélanie Jacques, les parents de Baptiste, accompagnés de leur avocat Me Hervé Gerbi.

Xavier Ledoux et Mélanie Jacques, les parents de Baptiste, accompagnés de leur avocat Me Hervé Gerbi.

© FTV

Le procureur a requis deux ans de prison, intégralement assortis de sursis simple. « Une peine d’avertissement qui vient sanctionner une faute caractérisée qui se situe dans une prospective particulièrement dramatique, a justifié le ministère public. Pour autant, nous ne sommes pas sur des faits de nature volontaire ». Aucune peine complémentaire n’a été requise. Le tribunal rendra son jugement le mardi 27 janvier à 8h30.