On connaissait le distributeur de pizzas, le distributeur de baguettes, le distributeur de fruits et légumes. Récemment, on avait même vu germer des initiatives plus étonnantes comme un distributeur d’huîtres. Mais un distributeur de coquilles Saint-Jacques, ça, on n’en avait jamais entendu parler. « Je crois bien qu’on les premiers. J’ai cherché et je n’ai rien trouvé. » Cette première française, et peut-être même première mondiale, est à mettre à l’actif d’Elodie Guillemin. Mariée à un pêcheur installé sur le port d’Erquy (Côtes-d’Armor), la Bretonne a eu l’idée d’utiliser des casiers pour proposer de la coquille fraîche « en direct du pêcheur ». Des noix de Saint-Jacques lavées et préparées, disponibles 24 h/24 et sept jours sur sept sur le bord d’une route d’Hillion.

L’idée lui est venue après la lecture d’une petite annonce postée par le propriétaire d’un distributeur automatique de moules. Le mytiliculteur de cette commune toute proche de Saint-Brieuc avait cartonné cet été et espérait occuper ses casiers pendant l’hiver. « Guillaume Hurtaud cherchait à les remplir après la saison des moules. J’ai été au culot et je lui ai proposé qu’on y mette de la coquille. Il avait eu plusieurs autres demandes mais il a accepté », raconte Elodie Guillemin.

Le mytiliculteur aurait eu tort de s’en priver. « Quand il termine la saison de la moule en novembre, nous, on commence la coquille. Et quand on arrête en mai, lui redémarre. Tout le monde y gagne. » Depuis l’épidémie de Covid-19, le couple avait déjà fait le pari payant de la vente directe à son domicile, à Saint-Alban. Il était loin d’imaginer que ses coquilles finiraient dans des casiers réfrigérés. « Au départ, on n’utilisait que la moitié des 54 casiers. Mais on va être obligés de tout prendre tellement on a de demande. On n’arrête pas ! », témoigne Elodie Guillemin pendant une petite pause de décorticage.

Le week-end, « c’est la folie »

Depuis l’arrivée des premières noix dans les casiers, le nombre de clients n’a cessé de grimper, obligeant la jeune femme à dénoyauter pendant des heures chaque jour, après le retour de mer des deux bateaux de son mari. Un succès inattendu qu’elle n’explique pas. « On a des jeunes, des personnes plus âgées, de tout. Je ne pensais pas que les gens en mangeraient autant ! Le week-end, c’est la folie, on n’avait plus de stock le dimanche. Peut-être qu’on a trouvé des gens qui en avaient marre des pizzas. Je pense qu’on risque d’être copiés », glisse la Bretonne dans un sourire. L’aspect « prêt à cuisiner » est sans doute le meilleur atout de ce produit frais au goût très fin.

Un distributeur de noix de Saint-Jacques a été installé à Hillion, dans les Côtes-d'Armor. Et ça cartonne !Un distributeur de noix de Saint-Jacques a été installé à Hillion, dans les Côtes-d’Armor. Et ça cartonne ! - E. Guillemin

Mises sous vide par paquet de 250 ou 500 grammes, les coquilles fraîches sont proposées à 40 euros le kilo, soit 10 ou 20 euros le lot. Un moyen pour le couple de dégager une meilleure marge que lors des ventes à la criée. « C’est de moins en moins rentable parce qu’il y a beaucoup de coquilles. »

Grâce à un programme de pêche réfléchi et à l’ensemencement de jeunes coquilles, la ressource se porte très bien en Bretagne comme en Normandie. Le défi pour les pêcheurs, c’est de trouver les débouchés, notamment après les fêtes de fin d’année, où le produit a moins la cote. En janvier, les prix peuvent tomber en dessous de 2 euros le kilo. « C’est dérisoire », commente Elodie Guillemin. Le distributeur pourrait être un bon moyen de valoriser cette pêche lors des mois creux. Conservées au frais, les noix peuvent être consommées « dans les six jours », assure la femme du pêcheur. A toute heure du jour ou de la nuit.