Chaque premier dimanche du mois, cinq musées bordelais ouvrent gratuitement leurs portes. Une initiative qui démocratise l’accès à la culture et fait tripler la fréquentation, avec jusqu’à 2000 visiteurs au musée d’Aquitaine.
Dès l’ouverture des portes, la file d’attente est déjà impressionnante. Au musée d’Aquitaine, ils sont des dizaines, impatients de franchir le seuil. Familles, couples, groupes d’amis, touristes de passage… Tous partagent aujourd’hui le même privilège : découvrir gratuitement les trésors culturels de Bordeaux. Une aubaine qui transforme radicalement la physionomie de ces lieux habituellement plus calmes.
L’impact de cette gratuité mensuelle est spectaculaire. Au musée d’Aquitaine, la fréquentation peut tripler pour atteindre jusqu’à 2000 visiteurs en une seule journée. Un afflux qui témoigne d’une réelle soif de culture lorsque la barrière financière disparaît. « On a aussi en cette période de l’année encore des touristes qui viennent, qui sont en séjour court sur Bordeaux et qui viennent visiter le musée, avoir une bonne introduction ou complément à la visite de Bordeaux », explique Marion Blancher, responsable du service des publics au Musée d’Aquitaine.
Si les habitants de l’agglomération constituent le gros des troupes, les touristes ne boudent pas non plus cette opportunité. Pour eux, c’est l’occasion d’enrichir leur découverte de la ville sans grever leur budget vacances. Dans une métropole où l’entrée plein tarif coûte généralement 8 euros, l’économie n’est pas négligeable, surtout pour une famille.
Des habitués conquis
Pour certains Bordelais, ce rendez-vous mensuel est devenu un rituel. « C’est vrai que c’est l’occasion de découvrir des musées ou d’y retourner en fait. Il y en a certains où on y va assez régulièrement. Et comme les expositions changent, ça permet de se renouveler un peu », confie une visiteuse enthousiaste. Cette fidélité s’explique par la diversité de l’offre et le renouvellement régulier des expositions temporaires.
De nouveaux publics peuvent apprécier les collections permanentes de cinq musées bordelais sans dépenser un euro. © France Télévisions – France 3 Aquitaine
Au musée d’art contemporain, le CAPC, une famille installée à Bordeaux depuis deux ans profite de cette journée pour découvrir le lieu pour la première fois. « Pas de ticket aujourd’hui, premier dimanche du mois », lance l’agent d’accueil avec un sourire.
Pour ces parents et leurs enfants, quatre entrées gratuites représentent une économie de 32 euros. « C’est un temps que tu peux passer où tu découvres plein de nouvelles choses que tu ne vois pas spécialement tous les jours. Les enfants n’ont pas forcément envie de passer toute une après-midi dans un musée. Donc, ça nous permet d’y aller un peu moins longtemps, un peu plus souvent », explique l’un des parents.
Cette flexibilité transforme complètement l’expérience muséale. Libérés de la culpabilité d’avoir payé une entrée, les visiteurs s’autorisent des visites plus courtes, plus spontanées. « Et puis, ça leur plaît, ça ne leur plaît pas. On peut y venir, rester une demi-heure ou rester toute l’après-midi en fonction de ce qu’ils en pensent », poursuit une maman conquise, décrivant une approche plus décontractée de la culture.
Cinq musées gratuits de Bordeaux attirent habitants et touristes chaque premier dimanche du mois
Démocratiser l’accès à l’art contemporain
Au-delà de l’aspect économique, cette initiative vise un objectif plus profond : toucher un public qui ne franchirait jamais spontanément le seuil d’un musée. « La culture, c’est vrai que parfois on pense que c’est un peu élitiste, alors que pas du tout. Et au contraire, ça incite vraiment les gens à s’y intéresser, même si de prime abord, ils ne seraient pas allés venir visiter le musée », témoigne Sandrine Patron, directrice du CAPC.
Le CAPC ouvre ses portes gratuitement chaque premier dimanche du mois et accueille de nouveaux publics. © France Télévisions – France 3 Aquitaine
Pour les équipes du CAPC, musée d’art contemporain, cet enjeu est particulièrement crucial. « Un public qui ne serait pas venu sans ça, qui a peut-être encore un petit peu du mal. L’art contemporain, parfois, ça fait encore un peu peur. Et de se dire, voilà, je vais faire, je vais tester, je vais faire l’expérience », explique Sandrine Patron. La gratuité devient ainsi un outil de médiation culturelle, permettant d’apprivoiser des formes d’art réputées intimidantes ou hermétiques.
Cette stratégie semble porter ses fruits. En supprimant le frein financier, les musées bordelais brisent aussi les barrières psychologiques. Les visiteurs peuvent expérimenter, se tromper, ne pas aimer, sans avoir l’impression de gaspiller leur argent. Cette liberté est précieuse pour créer un lien durable avec les institutions culturelles.
Pour flâner, se cultiver et s’émerveiller sans dépenser un euro, le premier dimanche du mois est devenu le jour idéal.