Devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, les témoins d’un narchomicide survenu à Marseille en février 2016 ont avoué craindre de parler, quinze jours après la mort du frère d’Amine Kessaci.
«Même là, j’ai vraiment peur car ce sont des gens très dangereux» : devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône qui juge deux hommes soupçonnés d’un double assassinat en 2016, la sœur de l’une des deux victimes a illustré mardi la difficulté de témoigner dans les affaires de narcobanditisme.
En février 2016, sur le parking d’un centre commercial de Marseille, trois hommes armés avaient mitraillé le véhicule où se trouvait Nouri Lakas et Nasser Khellaf. Mardi à la barre, une sœur de Nouri s’est exprimée, avec «émotion et peur» comme elle l’a expliqué.
«Il était à sa recherche»
Quelques jours après le double assassinat, son témoignage avait orienté l’enquête, mettant en cause Mohamed Seghier, l’un des deux accusés présents dans le box des détenus, membre présumé de la bande de Marignane. Depuis l’ouverture du procès, Mohamed Seghier conteste toute responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés. «Nouri m’avait dit que s’il lui arrivait un truc, ça viendrait d’un dénommé Seghier, un gars originaire de Marignane qui boitait et qui était à sa recherche», a raconté mardi la sœur de Nouri, qui la considérait comme «sa deuxième maman».
Elle a expliqué aussi qu’il était très méfiant depuis sa sortie de prison en avril 2015, où il avait purgé une longue peine pour des cambriolages. «Sa vie c’était se cacher, chaque fois qu’on allait le voir, il fallait prendre des précautions, changer de voiture. Il voulait toujours être sous des caméras, au cas où il lui arrive quelque chose».
Réquisitoire jeudi
Selon l’accusation, le double assassinat s’inscrit dans le contexte d’une vendetta opposant deux clans, les Tir et les Remadnia, un temps associés dans le trafic de stupéfiants avant de se livrer une sanglante guerre de territoires. Les premiers agrégeaient rapidement le clan Berrebouh tandis que les Remadnia trouvaient des renforts dans le clan dit de Marignane. Mardi, la sœur de Nouri a expliqué que son frère était menacé car «il ne voulait pas donner Farid Tir», un ami qu’il connaissait depuis les bancs de l’école primaire.
Nouri vivait dans l’entourage de la famille Tir et de leur label de production musicale Liga One Industry, manager à l’époque du rappeur naissant Jul. La jeune femme avait aussi «entendu dire qu’il ne fallait pas trop qu'[elle] cherche à comprendre.» Elle ajoute qu’on a conseillé à ses frères de «faire attention.»
À l’un des frères de Nouri également appelé mardi à la barre des témoins, le président Roger Arata a demandé : «Votre sœur s’est exprimée avec beaucoup de courage. Est-ce que vous avez peur?» Entendu au lendemain du double assassinat, il a convenu que, «craignant des représailles», il n’avait pas parlé.
Le réquisitoire devrait intervenir jeudi. L’affaire intervient au moment où Marseille, régulièrement frappée par des narchomicides, est encore sous le choc de l’assassinat de Mehdi Kessaci, le frère d’Amine Kessaci, militant engagé contre le narcobanditisme. Samedi, dans la deuxième ville de France, des milliers de personnes ont participé à un rassemblement en hommage à Mehdi, en présence de plusieurs personnalités politiques.