« Ce qui a changé depuis la première édition, c’est d’abord que nous avons aujourd’hui un pool de photographes guyanais bien plus important », constate Karl Joseph. Certains ont grandi avec la Biennale, d’autres s’exportent désormais hors du territoire. L’apparition de la MAZ  (Maison de la Photographie Guyane-Amazonie) devenue un espace repère, a renforcé cette dynamique.

Une scène photographique qui s’est étoffée et structurée

 La structuration est également passée par l’intégration de l’association d’abord « La tête dans les images » puis « La MAZ » dans plusieurs réseaux nationaux : Diagonal (lieux de photographie), le Réseau National des Festivals Photographiques ou encore le réseau Blanc dédié à la médiation culturelle. « Ces réseaux nous ont offert une visibilité nouvelle et ont permis d’expliquer notre contexte culturel aux acteurs extérieurs. Les gens comprennent mieux la Guyane, ses problématiques, et donc le travail de nos photographes. »

Résultat : la Guyane apparaît désormais comme une scène photographique à part entière, évoquée dans les discussions autour des thématiques de colonisation, de territoires ou de biodiversité. Karl Joseph cite l’exemple de Natifah Michel, jeune photographe multi-primée, dont la trajectoire illustre ce rayonnement régional et international. Les collaborations croissantes avec le Brésil renforcent également l’ancrage amazonien de la Biennale.

Un impact fort auprès du public et des jeunes

Au-delà de la création, l’un des tournants majeurs réside dans l’éducation à l’image. Depuis cinq ans, une médiatrice culturelle travaille à plein temps auprès des scolaires et du tout public. Ateliers en établissements, projets en prison, interventions en EHPAD, séances auprès des mineurs sous justice : « On rayonne davantage sur la Guyane, et les professeurs nous identifient bien, notamment grâce au Pass Culture. »

L’objectif dépasse la pratique photographique : il s’agit aussi de sensibiliser aux enjeux contemporains de l’image, notamment à travers un escape game sur les fakes news, particulièrement prisé.

Que faire de l’intelligence artificielle ?

Face à l’essor fulgurant de l’IA générative, la Biennale avance avec prudence. « Nous défendons une photographie d’auteur, c’est-à-dire une photographie avec un point de vue. Or l’IA, pour l’instant, n’a pas d’opinion », souligne Karl Joseph.

Il reconnaît néanmoins l’impact majeur que ces outils auront sur la photographie de commande : campagnes publicitaires réalisées à moindre coût, images indistinguables du réel, multiplication des contenus trompeurs :« Certains photographes risquent de perdre du travail, c’est indéniable. »

Pour la Biennale, l’IA ne sera intégrée qu’à travers les démarches d’artistes qui l’utilisent de manière justifiée. « C’est un outil de plus dans la palette des photographes. On ne l’exclut pas, mais on ne la placera pas au centre de nos restitutions. ». Karl Joseph rappelle qu’un usage éthique et contextualisé est indispensable, citant des projets de photojournalisme où l’IA sert à représenter des zones inaccessibles, à condition d’en informer clairement le public.

Une mémoire patrimoniale en construction

Avec neuf éditions derrière elle, la Biennale constitue aujourd’hui une véritable ressource patrimoniale. Archives, œuvres issues des expositions, collections numériques : « On a désormais la capacité de construire une vraie collection », se félicite le directeur.

En moins de deux décennies, les Rencontres Photographiques ont donc contribué à insérer la Guyane sur la carte photographique française mais aussi sud-américaine. Et surtout, elles ont accompagné l’émergence d’une génération de photographes engagés, soucieux de raconter leur territoire depuis l’intérieur.

A LIRE ICI : 9e éditions des Rencontres photographiques de Guyane