Présent ce mercredi au siège d’un partenaire de Belgian Cycling pour un colloque sur la sécurité, Serge Pauwels en a profité pour faire le bilan de la saison de l’équipe nationale belge. Avec DirectVelo, il revient sur les catégories dont il est en charge : les Elites et les Espoirs. 

DirectVelo : Avec quelques mois de recul, quelle est ton bilan en tant que bondscoach ?
Serge Pauwels : Je pense que le bilan est très positif. Si je regarde mes catégories – Hommes élite et Hommes espoirs –, on arrive à huit médailles au total : trois aux Mondiaux et cinq aux Europes. Remco a été sublime, mais il y en avait encore un meilleur. Sans cet autre-là, Remco aurait probablement deux médailles différentes… mais on ne peut pas raisonner ainsi. Ilan Van Wilder a aussi été fantastique avec sa médaille. Aux Europes, Vervenne et Van Kerkhove en U23 sont en or et en argent, on ne pouvait pas faire mieux. On doit chérir cette période. Il y a dix ans, on aurait signé immédiatement pour de tels résultats. Et ça ne durera pas éternellement. La seule déception, c’est le Mondial Espoirs avec Widar, mais il compense directement avec le titre européen

« LES COURSES EXPLOSENT BEAUCOUP PLUS VITE »

Aux Mondiaux et aux Europes, Remco Evenepoel se retrouve souvent seul dans les derniers kilomètres. Comment l’expliques-tu ?
Il y a deux raisons. Premièrement, au Mondial, Ilan Van Wilder est tombé et Tiesj Benoot n’était pas là. Ce sont deux pertes importantes. Deuxièmement, les finales commencent très tôt : c’est presque du mano a mano dès les 70 derniers kilomètres. Il y a dix ans, on arrivait encore à être sept ou huit en groupe dans les deux derniers tours. Aujourd’hui, les courses explosent beaucoup plus vite.

Vous assumez souvent le poids de la course. Est-ce encore pertinent face à Pogacar ?
Au Mondial, on ne doit pas oublier qu’une semaine avant, lors du contre-la-montre, Remco nous avait donné de l’espoir. Aux Europes, on avait un plan clair : isoler Pogacar et provoquer un mano a mano avec Remco. Pogacar était encore plus fort, mais le plan existait. On pourrait aussi ne rien faire et attendre, mais la stratégie dépend toujours du moment, du leader, et des rapports de force.

Le parcours du Championnat du Monde à Montréal est punchy. Quel est le meilleur plan sur ce terrain ?
Si la course ressemble au dernier Grand Prix de Montréal, alors ce sera une longue course d’élimination. Une sorte de contre-la-montre collectif. Dans ce cas, il faut subir, économiser, économiser, économiser. Parfois, un coureur comme Tiesj Benoot pourrait tenter un mouvement opportun. Peut-être que la meilleure façon de battre Pogacar est de jouer une autre carte que Remco, qui pourra toujours faire sa course à un moment donné.

« LES COUREURS DOIVENT TRAVAILLER SUR LEUR FRAICHEUR »

Vas-tu changer ton approche la saison prochaine ?
Pour les espoirs, c’est surtout la Coupe des Nations qui disparaît. On ne sait pas encore si on pourra continuer en équipe nationale dans ses anciennes épreuves. Si ce n’est pas possible, j’aimerais rassembler les coureurs qui feront l’Euro pour un camp en été. On pourrait disputer des courses avec eux, mais cela dépend des équipes de développement et du calendrier très chargé.

Penses-tu qu’avec un transfert chez RedBull-Bora-Hansgrohe Remco Evenepoel pourra combler l’écart avec Tadej Pogacar ?
C’est notre espoir. J’entends qu’ils vont encore à la soufflerie, qu’ils travaillent avec des experts comme Dan Bigham. Ce sont des “marginal gains”. Pas de révolution : ils sont déjà très bons. Pour arriver au niveau du Pogacar du Tour ou des Mondiaux, il faudra certainement plus d’un an. Mais c’est son défi. Et cela dépend aussi de Pogacar : peut-être qu’il sera moins bon… ou encore meilleur. Aujourd’hui, l’écart est encore grand.

Est-ce que la différence entre les deux se joue dans la zone 2 de Pogacar ?
Je crois que oui. Beaucoup se focalisent sur les chiffres des attaques, mais la clé réside dans quel état tu arrives à la bosse. En Lombardie, tout le monde était déjà “mort” quand il a attaqué. Ce n’est pas la minute d’effort qui compte, c’est d’arriver frais avant l’effort. Donc oui, la base, c’est là. Les coureurs doivent essayer de travailler sur leur fraicheur au moment d’aborder des moments-clés de la course.

« AVEC WOUT, C’EST TOUJOURS UNE QUESTION DE DIALOGUE »

Jarno Widar passe pro, et son programme est ambitieux. Peut-il déjà devenir co-leader dans les sélections ?
Co-leader avec Remco, pas encore. Mais un plan B ? Oui, j’y pense. Si sa progression continue, il peut viser des Top 10 d’étape sur des Grands Tours. Il a déjà battu Seixas deux fois, et on voit ce que Seixas réalise. S’il avait roulé avec les Elites en Ardèche, il aurait pu faire Top 10. Pour Montréal, il m’a déjà dit qu’il était intéressé.

Quelle place veux-tu donner à Wout van Aert ?
Il m’a dit avoir de l’ambition pour Montréal. Cette année à Kigali, le parcours était trop dur pour lui, mais je m’attends à un grand printemps de sa part. Avec Wout, c’est toujours une question de dialogue et de transparence.

Chez les Espoirs, qui va porter la catégorie ?
Je m’attends à beaucoup de Matisse Van Kerckhove (Team Visma-Lease a Bike Development), surtout en contre-la-montre. Il est très complet. De Jasper Schoofs (Soudal Quick-Step Devo Team)  aussi. Je suis curieux de voir leur progression.