Peut-on se permettre de chauffer à l’électrique son appart sans trop s’inquiéter de la facture en Hongrie ou en Allemagne ? En Grèce plutôt qu’en France ? Alors que le gouvernement a annoncé mardi qu’il réfléchissait à baisser le prix de l’électricité pour les ménages et les entreprises, côté courbe des prix du KWH en Europe, c’est pour l’instant, selon les données de 2024, plutôt le grand huit. Celui-ci varie grandement en effet selon les pays d’Europe et même dans l’Union européenne, avec une fourchette allant de 0,10 euro à 0,39 euro le kWh. Et la France dans tout ça ?
Dans l’hexagone, le prix moyen de l’électricité pour les particuliers était de 0,29 euro/kWh en 2024, soit un peu au-dessus de la moyenne européenne. Même si cela a baissé en 2025. En ce mois novembre, un seul kWh d’électricité coûte, au tarif réglementé dont bénéficient plus de 20 millions de ménages, 0,1952 euros du kWh, selon la Commission de régulation de l’énergie.
Pour savoir comment le prix du kWh est défini, il faut regarder du côté de la manière dont chaque pays produit son électricité. Tout dépend de la dépendance, ou pas, aux énergies fossiles. Lorsque la production provient principalement du nucléaire (comme en France) ou de l’hydroélectricité comme en Norvège où cela représente plus de 90 % de l’électricité produite (pays qui ne fait pas partie de l’Union européenne), les coûts de production sont plus stables, et donc plus prévisibles et finalement plus bas. À l’inverse, lorsque la production provient largement du gaz, du charbon comme en Allemagne, en Pologne, en Irlande ou aux Pays-Bas, les ménages subissent plus directement la volatilité des marchés internationaux.
Selon les données de 2024 d’Eurosat, les pays où les particuliers payent en moyenne (en 2024) le kWh d’électricité le plus cher pour ne citer que le haut du tableau sont : l’Allemagne (0,39 euro du kWh), le Danemark et l’Irlande (0,37 du kWh), la Belgique (0,33 du kWh)…
L’Italie (environ 0,31 du kWh) se situe dans le milieu du tableau, mais juste au-dessus de la France (0,29), alors qu’au Portugal (0,26 du kWh), en Espagne (environ 0,25) ou aux Pays-Bas comme en Grèce (environ 0,23), pour ne citer qu’eux, on paye donc déjà moins cher le kWh en moyenne.
Et pour pouvoir se promener tranquillou en maillot de bain dans son logement en plein hiver, mieux vaut aller vivre en Slovaquie, en Croatie, à Malte, en Bulgarie ou en Hongrie, le pays où l’électricité est la moins chère, soit trois fois moins environ qu’en France avec 0,10 euro environ du kWh.
Le mix énergétique
Des différences de prix entre les pays qui s’expliquent donc, comme souvent, de différents facteurs. On parle là du mix énergétique. La France, dont la production nationale d’électricité provient du nucléaire avoisine les 70 %, a l’avantage d’avoir un coût de production plus stable et il est surtout moins dépendant du prix du gaz ou du pétrole, très volatils sur les marchés, notamment en ces temps de crises internationales. De plus, comme la part de plus en plus importante des énergies renouvelables dans le mix français, le prix marginal (c’est-à-dire le coût du dernier kWh produit) est également mieux maîtrisé, ce qui limite partiellement l’envolée des prix lorsque le marché se tend.
La fiscalité, ce levier sur lequel veut agir le gouvernement
Autre levier qui explique les différences entre les pays, la fiscalité. Et c’est sur ce volet que Roland Lescure, ministre de l’Economie, a indiqué que le gouvernement pourrait « regarder de manière sérieuse des amendements » visant à baisser « les accises sur l’électricité, qui sont des formes de taxes ». L’Allemagne est l’exemple le plus parlant, analyse Engie. « Le pays a choisi de taxer fortement l’électricité pour investir dans la transition énergétique, soutenir les énergies renouvelables et la transformation des infrastructures. C’est une des raisons qui expliquent pourquoi le prix au kWh est au-dessus de la moyenne de la zone euro. » A l’opposé de cette stratégie, certains pays européens maintiennent des tarifs au kWh pour les ménages largement en dessous de la moyenne européenne, en utilisant le levier de la fiscalité. C’est ce qui explique le cas de la Hongrie, qui applique une TVA réduite et dont l’État encadre les prix et où les charges fiscales sur l’électricité sont limitées.
La complexité de baisser les taxes
En France, baisser les taxes semble compliqué. « Si vous les baissez, c’est une baisse de la facture » mais « il faut qu’on trouve les manières de financer de potentielles baisses de taxes », a souligné Roland Lescure qui a par ailleurs mis en garde contre « les formules magiques », telles que la baisse de la TVA sur l’électricité. L’idée qui serait dans les tuyaux et qui est amendée par le Sénat, serait de baisser les accises sur l’électricité mais en augmentant celles sur le gaz, pour un rapprochement de la fiscalité appliquée à l’électricité à celle du gaz, et assurer ainsi la cohérence des politiques publiques en faveur de la transition énergétique.
Notre dossier sur la transition énergétique
Conséquence concrète, une baisse des factures pour les ménages qui se chauffent au tout électrique, mais en contrepartie une hausse des factures pour ceux qui se chauffent au gaz. Ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les ménages qui n’ont « pas d’autre choix que de se chauffer au gaz », explique à 20 Minutes Clarisse Berger, chargée de mission énergie et logement à l’UFC Que Choisir. « Comme de nombreux locataires n’ont aucun moyen de basculer vers de l’électrique, ils vont donc être pénalisés. Il y a quand même 60 % de ménages dans le parc social qui sont chauffés au gaz », souligne Clarisse Berger. Reste à présent au gouvernement de longues et délicates discussions pour le budget 2026.