Imaginez un monde où des volcans ne crachent pas de la lave brûlante, mais du métal en fusion. Cette vision digne d’un film de science-fiction pourrait bien avoir été la réalité de Psyché, un astéroïde extraordinaire qui intrigue la communauté scientifique depuis des décennies. Une étude récente vient bouleverser notre compréhension de cet objet céleste en révélant un passé volcanique pour le moins inhabituel.

Un trésor spatial qui défie les lois de la densité

Perdu dans la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter, Psyché ne ressemble à aucun autre corps céleste connu. Sa forme évoque celle d’une pomme de terre, mais c’est sa surface qui fascine vraiment les astronomes. Cet astéroïde réfléchit près d’un tiers de la lumière solaire qui l’atteint, un record qui le rend au moins deux fois plus brillant que ses voisins rocheux. Cette réflectivité exceptionnelle a longtemps convaincu les scientifiques qu’ils avaient affaire au cœur métallique exposé d’une ancienne protoplanète, une relique de l’aube du système solaire. Certains experts ont même estimé la valeur de ses ressources métalliques à une somme vertigineuse dépassant l’imagination : cent mille quadrillions de dollars.

Pourtant, derrière cette brillance se cache une énigme. Les calculs de 2020, basés sur des mesures actualisées, ont révélé que la densité de Psyché oscille entre 3 700 et 4 100 kilogrammes par mètre cube. Un chiffre certes supérieur à la moyenne des astéroïdes, mais qui ne représente que la moitié de ce qu’on attendrait d’un bloc de fer et de nickel pur. Cette découverte a remis en question toute la théorie du noyau exposé. Les données thermiques confirment désormais que si Psyché possède bel et bien une enveloppe riche en métaux, son intérieur raconte une tout autre histoire.

Des volcans de métal : l’hypothèse audacieuse du ferrovolcanisme

Comment expliquer cette cape métallique qui enrobe un corps principalement non métallique ? C’est là qu’intervient le concept fascinant de ferrovolcanisme. Contrairement aux volcans terrestres qui expulsent de la roche liquéfiée, ces hypothétiques volcans spatiaux auraient vomi du métal en fusion. Samuel Courville, planétologue à l’Université d’État de l’Arizona, décrit ce phénomène comme un volcanisme où la lave traditionnelle est remplacée par du fer liquide.

L’hypothèse, formulée initialement en 2019, repose sur un scénario de formation particulier. Durant sa jeunesse, le noyau métallique de Psyché se serait solidifié de l’extérieur vers l’intérieur, une inversion du processus habituel. Le cœur restant liquide se serait alors enrichi progressivement en éléments plus légers, créant une différence de densité critique avec la croûte externe. Cette pression accumulée aurait fini par percer violemment le manteau et la surface, donnant naissance à des évents crachant du métal incandescent.

PsychéCrédit : Jorritsma, JJ, et van Westrenen, W. (2025).Vue en coupe de la structure interne de l’un des modèles de l’étude. Des canaux (lignes jaunes) transportent le métal en fusion du noyau (en jaune) à travers le manteau poreux (en orange) jusqu’à la surface.Une chimie très spécifique nécessaire

Mais tous les astéroïdes ne peuvent pas produire ce spectacle métallique. Une étude publiée dans le Journal of Geophysical Research: Planets apporte des précisions cruciales sur les conditions nécessaires. Jaap Jorritsma et Win van Westrenen, chercheurs néerlandais, ont modélisé différents scénarios en s’appuyant sur trois types de météorites terrestres : les chondrites EH, les chondrites H et les mésosidérites.

Leurs simulations révèlent que seule une forte teneur en fer permet de générer des noyaux suffisamment massifs pour créer la pression nécessaire à l’éjection du magma métallique. Les mésosidérites, météorites rares et riches en fer, apparaissent comme les candidates idéales. Les chondrites H pourraient également convenir, mais uniquement si elles présentent une densité relativement élevée. Quant aux chondrites EH, pauvres en fer, elles produiraient des noyaux trop petits, incapables de générer le ferrovolcanisme.

Rendez-vous en 2029 pour percer le mystère

La NASA n’a pas attendu pour partir à la rencontre de ce monde énigmatique. Une sonde spatiale baptisée Psyche file actuellement vers l’astéroïde et devrait l’atteindre en juillet 2029. Durant deux années, elle photographiera sa surface et collectera des données spectroscopiques qui pourraient confirmer ou infirmer l’hypothèse du ferrovolcanisme. Si les images révèlent de grands affleurements métalliques ou des coulées solidifiées, elles apporteront la preuve tant attendue que Psyché a bel et bien connu des éruptions de métal en fusion.

En attendant ce rendez-vous spatial, Psyché continue de nous rappeler que l’univers recèle des phénomènes qui dépassent notre imagination terrestre.