La rénovation énergétique du parc résidentiel en Île-de-France constitue un enjeu de taille pour atteindre les objectifs climatiques nationaux. Avec près de 70 % des logements franciliens construits avant 1991, représentant 77 % des consommations énergétiques du secteur résidentiel, les petites copropriétés et les zones patrimoniales constituent un véritable angle mort des politiques de rénovation francilienne selon une étude publiée ce 26 novembre par l’Institut Paris Région (IPR).
Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui
Le diagnostic est sans appel : pour réussir la transition énergétique en Île-de-France, une accélération significative de la rénovation énergétique s’impose. L’étude de l’Institut Paris Région ( IPR) présente des leviers d’action pour surmonter les obstacles, mais insiste sur l’urgence « d’une coordination renforcée entre les acteurs publics et privés. » Au global, ce sont surtout les bâtiments avec des étiquettes énergétiques « intermédiaires (C, D ou E) » qui sont rénovés, tandis que les passoires thermiques (étiquettes F et G) « restent majoritairement dans les catégories énergivores E, F et G« .
Une dynamique de rénovation encore trop limitée
Entre 2021 et 2023, environ 70 000 logements privés ont été rénovés chaque année en Île-de-France, avec 15 300 logements rénovés dans le parc social. « Si ces chiffres témoignent d’une volonté d’agir, ils sont néanmoins insuffisants au regard des enjeux » indique l’IPR. En dépit des efforts consentis, les bâtiments les plus énergivores, classés dans les catégories E, F et G, restent largement majoritaires. Si une rénovation permet généralement de faire évoluer les logements d’une à deux classes DPE, les économies d’énergie réalisées demeurent bien en-deçà des attentes. Le coût des matériaux, la raréfaction des entreprises qualifiées, ainsi que la complexité administrative freinent considérablement l’accélération des travaux. Les professionnels du bâtiment et les acteurs publics plaident pour davantage de stabilité dans les dispositifs d’aides publiques, indispensables pour structurer un marché encore trop incertain.
Des coûts sous pression : l’impasse des petites copropriétés
Les coûts des travaux de rénovation énergétique varient considérablement en fonction de la typologie du logement et de la complexité des interventions. Pour les copropriétés, le coût moyen des travaux a augmenté de 11 700 euros entre 2010 et 2014 à 20 600 euros par logement après 2019. Dans les maisons individuelles, les projets de rénovation globale peuvent atteindre jusqu’à 86 000 euros, en fonction de l’âge du bâtiment et des installations choisies (par exemple, l’installation d’une pompe à chaleur). Les subventions publiques, telles que Ma prime rénov’, jouent un rôle structurant dans la dynamique, mais elles peinent à surmonter les obstacles techniques et financiers. En particulier, les petites copropriétés de moins de 15 logements, qui constituent un angle mort de la rénovation énergétique, rencontrent des difficultés majeures. Ces bâtiments, souvent plus anciens (68 % d’entre eux ont été construits avant 1945), sont plus coûteux à rénover en raison de leur taille et de la complexité de leurs interventions. De plus, les professionnels privilégient des projets plus rentables, notamment les grands ensembles, souvent construits après 1945. Ainsi, ces petites copropriétés sont peu représentées dans les projets financés par des aides publiques et, lorsqu’elles sont rénovées, elles atteignent rarement un bon niveau de performance énergétique. Selon l’étude de l’IPR, moins de 10 % des rénovations annuelles concernent ces petites copropriétés, alors que 84 % des rénovations effectuées entre 2021 et 2023 se sont concentrées sur des « gestes simples », comme le changement de chaudière ou l’isolation des combles. Ces actions permettent des gains d’énergie modestes, mais ne répondent pas aux exigences de performance énergétique nécessaires pour réduire les consommations à un niveau significatif.
Les angles morts du marché : le bâti ancien et les petits collectifs
Le défi majeur de la rénovation énergétique reste l’atteinte des segments les plus complexes : les bâtiments anciens, souvent situés dans des zones protégées, ainsi que les petits collectifs. Ces derniers, souvent classés parmi les plus énergivores, sont particulièrement difficiles à rénover en raison de la combinaison de contraintes patrimoniales, de mitoyenneté et de valeurs foncières disparates. Bien que les grands collectifs montrent des résultats encourageants, la situation est bien plus compliquée pour les petites copropriétés et les immeubles anciens, qu’il est pourtant crucial de cibler pour atteindre les objectifs de réduction des consommations d’énergie. Le manque de main-d’œuvre qualifiée et l’inflation des coûts des matériaux augmentent encore la pression sur les budgets des ménages et des promoteurs. Ce contexte rend difficile l’atteinte des objectifs de rénovation énergétique, d’autant plus que la rentabilité des investissements varie fortement en fonction du type de bien et de sa localisation.
Le solutions existent
Pour améliorer la performance énergétique des logements, plusieurs leviers techniques se dégagent. L’isolation des parois (murs, toitures, planchers) demeure un point central. Bien que les matériaux biosourcés (plus écologiques mais coûteux) commencent à se faire une place, la laine de roche reste le matériau privilégié, en particulier pour les bâtiments collectifs. Le choix du système de chauffage – qu’il soit par réseau de chaleur, pompe à chaleur ou biomasse – doit être adapté à chaque type de bâti, en tenant compte des caractéristiques spécifiques de chaque immeuble. Un suivi de la maintenance et des réglages après installation des équipements est également crucial pour garantir leur efficacité à long terme. Les collectivités territoriales « jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre des politiques de rénovation énergétique ». Leur action « ne doit pas se limiter à l’application des dispositifs nationaux, mais également à un travail de médiation et d’accompagnement des propriétaires et des professionnels » indique l’Institut. Ces acteurs locaux sont en mesure de proposer des solutions adaptées aux spécificités de chaque territoire, qu’il s’agisse de formations pour les artisans spécialisés dans le bâti ancien ou de soutien à l’auto-réhabilitation dans les zones rurales. Pour une transition réussie, les collectivités doivent aussi adapter les outils d’urbanisme, simplifier les démarches administratives et renforcer les compétences des structures publiques, telles que les espaces conseils France Rénov’. Une meilleure coordination entre tous les acteurs – publics, privés et professionnels – est indispensable pour maximiser l’impact des politiques publiques.
Les perspectives de rénovation énergétique pour les logements franciliens varient en fonction des scénarios envisagés. Dans un scénario tendanciel, la poursuite des efforts actuels permettrait de réduire la consommation énergétique de 11,2 %. En revanche, un scénario ambitieux, visant une rénovation globale des logements avec un gain énergétique moyen de 35 %, pourrait aboutir à une réduction de 18,4 % de la consommation résidentielle. Pour ce faire, il est indispensable de mobiliser les segments encore laissés pour compte : petites copropriétés, logements anciens et maisons individuelles. Ces segments, bien qu’ils présentent des défis techniques et financiers considérables, sont incontournables pour atteindre les objectifs climatiques.