Un journaliste d’investigation croate, Domagoj Margetić, a porté plainte mercredi 19 novembre contre le président serbe auprès de la cour de Milan, l’accusant d’avoir participé aux massacres de civils commis lors du siège de Sarajevo, entre 1992 et 1996. Cet événement constitue le dernier rebond d’une affaire revenue en pleine lumière la semaine précédente, après des décennies de rumeurs quant à la participation de riches citoyens occidentaux aux massacres de civils bosniaques. En effet, des procureurs italiens ont officiellement lancé une enquête pour identifier des citoyens de plusieurs pays, notamment européens, qui auraient payé des sommes considérables à l’armée de Radovan Karadžić, en échange d’un voyage jusqu’aux postes avancées de l’armée serbe, d’où ils auraient pu tuer les cibles de leurs choix, dont des enfants.

C’est justement la présence d’Alexandre Vučić sur de tels zones militaires sur laquelle se fonde Domagoj Margetić pour l’accuser de participation à ces massacres. Le journaliste affirme qu’il n’y a aucun doute qu’il s’est rendu en 1992 et 1993 au cimetière Juif de Sarajevo, utilisé comme un poste d’artillerie par les forces serbes de Bosnie, qu’il dépeint comme « le point de tir le plus prisé et le plus onéreux pour les chasseurs étrangers ». La porte-parole de Vučić a fermement démenti, en prétextant que Vučić était présent autour de Sarajevo, à Pale, mais uniquement dans le cadre d’un travail journalistique. Cependant, le journaliste croate affirme être en possession de preuves indiquant que Vucic était volontaire dans une milice menée par Slavko Aleksić. Il affirme notamment que Vučić reconnaissait dans une interview en 1994 s’être battu dans le cimetière Juif. Par ailleurs, Aleksić aurait affirmé en 2017 que Vucic faisait partie de son unité, et qu’il assurait la traduction avec les étrangers. Margetic prétend qu’une vidéo filmée à l’époque montre Vucic en train de tenir un fusil « PAP » serbe, alors que la porte-parole prétend qu’il s’agissait d’une canne tripode.

Plus de 11 000 personnes ont été tuées sous les bombardements et les tirs au cours du plus long siège de l’histoire moderne. Alors que le président serbe fait face à une intense contestation populaire depuis plus d’un an, cette affaire abjecte vient s’additioner au caractère corrompue, autoritaire et mafieux de son régime, reconnu comme tel par une bonne partie de la population. Habitué à intimider la presse serbe, Vučić s’est cette fois montré menaçant contre la presse internationale ayant révélé l’affaire,, promettant de les attaquer en justice, et niant toute implication.

Alors que la diplomatie franco-serbe se renforce, entre une invitation officielle à l’Elysée de Vučić en aout 2025 et un nouvel entretien entre les présidents pas plus tard que le 13 novembre, il est nécessaire de rappeler le passé du dirigeant Serbe qui renforce d’autant la crédibilité des accusations proférées à son encontre. Actuellement membre du Parti Progressiste Serbe, Aleksandar Vučić est entré en politique au sein de l’ultranationaliste Parti Radical Serbe dont il est devenu secrétaire général en 1995. Par la suite, il deviendra en 1998 ministre de l’information du gouvernement de Slobodan Milošević, et le restera jusqu’à la chute de ce dernier en 2000. Milošević sera dans les années qui suivent accusé de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide par le Tribunal Pénal International de La Haye, sa mort de maladie venant arrêter le jugement.

Ce passé jette une lumière d’autant plus crue sur l’hypocrisie des dirigeants Européens, qui prétendent à longueur de médias défendre la démocratie face au régime dictatorial et guerrier de Vladimir Poutine, mais s’accommodent des dictateurs de la terre entière quand ceux-ci servent leurs intérêts. Ursula Von der Leyen a quant à elle réaffirmée son soutien au président serbe, un allié précieux de Bruxelles en ce qui concerne les projets stratégiques hors de l’UE, à l’image de la mine de lithium dans la vallée de Jadar. En dépit d’une très faible critique de la part de la présidente de la Commission Européenne au sujet de « l’État de droit » en Serbie, l’UE montre son hypocrisie en soutenant un régime de plus en plus répressif, antisocial et écocide, et qui trouve ses racines dans les atrocités commises lors des guerres de Bosnie-Herzégovine.

Tous ces éléments doivent concourir à faire prendre conscience à la jeunesse et à la classe ouvrière l’importance primordiale de construire des organisations politiques défendant ses intérêts en indépendance totale des pouvoirs politiques démocratiques bourgeois. A l’heure où les classe dirigeantes européennes tentent d’entraîner les classe populaires dans une guerre qui n’est pas la leur, et où l’ex tête de liste du PS Raphaël Glucksmann met tout son poids politique au service de cet objectif, il ne faut jamais perdre de vue la réalité politique pour laquelle nos dirigeants cherchent à nous sacrifier.