« Monsieur le maire, on n’a pas de chauffage, on meurt de froid le soir. Il a fonctionné trois jours et il s’est arrêté. »

Un résident senior des immeubles Roquebillière, à Nice Est, doudoune noire et cheveux grisonnants, interpelle Christian Estrosi. Le maire, candidat à sa propre succession, a accompagné hier soir une opération de sécurisation menée par la police municipale, aux côtés de la brigade Gaida, le groupement d’agents de sécurisation créé par les bailleurs sociaux.

Les armes et les regards des policiers municipaux balayent les façades tristounes des grands ensembles qui émergent de l’obscurité.

« Ne rasez pas trop les immeubles », lance un policier municipal, redoutant qu’un objet n’en soit lancé sur les élus. Aux fenêtres, des habitants observent cette agitation.

D’autres s’empressent de descendre pour interpeller le maire et son premier adjoint, Anthony Borré, président de Côte d’Azur Habitat.

« On n’a toujours pas de chauffage, j’ai envoyé des mails à la mairie. » Anthony Borré rappelle que deux chaudières ont été changées la veille au soir.

« Et ce serait bien d’aller faire un tour dans les garages, ce sont des squats de toxicomanes qui se piquent », continue un couple, excédé.

Le quartier vit dans la peur. Il a enregistré plusieurs morts déjà. En août 2024, un homme a été criblé de balles. Treize tirs de 7,62. Une exécution.

À quelques dizaines de mètres, en février 2025, un guetteur a été abattu pour un contrat à 2.000 euros.

De temps à autre, des bandes, kalachnikov en mains, viennent terroriser les habitants. Parfois en plein jour.

La mort, la saleté, l’incivisme, le trafic de stupéfiants rôdent entre chaque barre d’immeuble. Un contexte insoutenable généré par une minorité. La majorité des habitants d’ici aspire à vivre en paix.

« Une colère sourde »

Peu avant que le maire n’arrive, la police municipale a lancé le top départ de l’opération de contrôle.

Une légère odeur de gaz lacrymo flotte dans l’air, des policiers municipaux contrôlent des jeunes à tour de bras et interpellent certains d’entre eux.

Christian Estrosi s’engage dans un des immeubles qu’il gravit à pied. La cage d’escalier est crasseuse, les montants des portes rouillés, tordus.

Au dernier étage, sur un palier sale et hors d’âge, le maire improvise une conférence de presse. « BV 222 328 », indique un tag sur une porte. Deux numéros de la route de Turin qui constituent autant de points de deal.

Le maire est accompagné de la patronne de la police municipale, de son premier adjoint et d’Eric Zuber, directeur de Gaida.

« Une opération comme celle de ce soir permet de mener des actions sur le narcotrafic, mais aussi sur des véhicules volés et d’autres trafics », commente Christian Estrosi.

Le maire affirme que les moyens qu’il a mis en place « ont permis jusqu’à présent de barrer l’entrée de ce qui se passe à Marseille. Pour l’instant, la DZ mafia n’a pas franchi les portes de la ville. Nous sommes une des rares grandes villes de France à avoir réussi jusqu’à ce jour ».

Encore plus politique, évoquant une « colère sourde », il attaque l’État. « Avez-vous déjà vu la police nationale protéger, renforcer la brigade Gaida et notre police municipale ? Nous sommes seuls ! », lance-t-il.

« Qui agit aujourd’hui alors que c’est une compétence régalienne qui ne relève que de l’État ? »

Christian Estrosi appuie : « Je réclame que l’État prenne la mesure de ce qui se passe, à la lumière des règlements de compte récents aux Moulins. L’État devrait ramener la paix civile dans des territoires que je ne veux pas laisser comme des territoires perdus de la République ».

L’édile en profite alors pour faire une annonce coup-de-poing : « Ce soir, que je crée immédiatement une brigade municipale anti-stups. Plusieurs dizaines d’agents de notre police municipale seront mis à la disposition du procureur de la République pour aller harceler les dealers. Cette brigade sera mobilisée à sa demande ».

Il en profite pour rendre un hommage appuyé au procureur de la République « qui mène des enquêtes très minutieuses », et affirme : « Si l’État faisait son boulot, il mettrait des hommes de la force Sentinelle ici. »

Quid de l’aménagement urbain ? Interrogé, le maire rappelle les 600 millions d’euros investis dans la rénovation des quartiers, en s’appuyant sur l’arrivée du tramway.

Et cite les exemples des Moulins et des Liserons, où les destructions ont commencé.

« Refaire 40 % des résidences départementales sur dix ans »

Anthony Borré, premier adjoint et président de Côte d’Azur Habitat rappelle que 330 millions d’euros ont été investis par l’organisme HLM « pour refaire 40 % des résidences départementales sur dix ans, alors même que les gouvernements de ces dernières années ont supprimé six millions d’euros par an destinés aux bailleurs sociaux ».

Un commissariat de quartier aux immeubles Roquebillière ? Interrogé, Christian Estrosi rappelle que c’est la mission de l’État.

« Un poste ici, cela ne peut relever que d’un commissariat de police nationale. Si la police nationale me dit être prête à mettre les forces nécessaires dans un commissariat, la Ville serait prête à financer. »

D’emblée, il dit en douter : « Il manque 255 policiers nationaux rien que pour la ville de Nice. » Mais le maire tempère ce tableau.

« Quand je m’ausculte, je m’inquiète. Quand je compare l’état de la ville de Nice à l’état de la ville de Marseille, de Nantes, de Strasbourg cela veut dire que nos initiatives portent leurs fruits. »