Des chercheurs français ont travaillé sur les aminosides, des antibiotiques efficaces contre de très nombreuses bactéries. Surtout, ils ont réussi à augmenter l’efficacité des antibiotiques et ce, même face à des bactéries résistantes. Cette découverte pourrait aider à lutter contre la résistance aux antibiotiques et devrait déboucher sur des essais cliniques.
Des « portes d’entrées » habituellement empruntées par les sucres
Rappelons tout d’abord que pour se montrer efficaces, les antibiotiques doivent absolument pénétrer l’intérieur des bactéries pathogènes. Par exemple, les aminosides parviennent aisément à franchir la double membrane d’Escherichia coli, une bactérie responsable d’infections urinaires, d’endocardites et autres septicémies. En revanche, certaines de ces bactéries résistent fortement. En 2020, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a décrété que la résistance aux antibiotiques est un véritable problème de santé publique, qui pourrait causer la mort d’environ dix millions de personnes d’ici 2050 si rien n’est fait.
Une étude pilotée par l’Institut Pasteur et publiée dans la revue Science Advances en septembre 2025 concerne les aminosides. Il s’avère que leur transport fait débat, l’une des hypothèses étant que les antibiotiques s’accrochent à la paroi des bactéries et la traversent de manière passive. Néanmoins, cette hypothèse serait aujourd’hui obsolète. Les chercheurs ont étudié le comportement de la bactérie Vibrio cholerae (responsable du choléra) et ont remarqué une corrélation entre l’efficacité des aminosides et la présence de transporteurs de sucres. Ces transporteurs sont des portes d’entrée permettant au glucose, sucrose, fructose de pénétrer dans la bactérie.
Or, les meneurs de l’étude ont ensuite tenté de comprendre ce mode de transport chez Escherichia coli et les résultats ont été fructueux. En réalité, les aminosides pénètrent la bactérie de façon active en empruntant les portes d’entrées qu’utilisent les sucres. Il s’agit de la toute première fois que ce mode de transport a été mis en avant.
Crédit : PicrylBactéries Escherichia coli.Un candidat sérieux parmi 200 composés
Les auteurs des travaux ont tenté avec succès d’augmenter la quantité de transporteurs, dont le nombre fluctue habituellement en fonction du type de sucre présent dans leur environnement. L’objectif ? Améliorer la perméabilité des bactéries aux antibiotiques. Pas moins de 200 composés ont été testés sur des échantillons biologiques humains contaminés par Escherichia coli mais également, dans un modèle animal d’infection urinaire. Or, un candidat sérieux a été identifié : l’uridine, un nucléoside pyrimidique se composant d’uracile et de ribose, essentiel à la synthèse de l’ARN et jouant un rôle dans la production de glycogène et de membranes neuronales.
Les résultats ont montré une multiplication par deux de la quantité des transporteurs de sucre chez les bactéries Escherichia coli et une multiplication par dix leur sensibilité aux aminosides. Par ailleurs, ces tests ont permis de comprendre que des bactéries résistantes voire multi-résistantes pouvaient redevenir perméables aux aminosides, toujours en présence d’uridine.
Cette découverte est très intéressante puisqu’en cas de succès des essais cliniques à venir, l’administration d’uridine chez l’humain pourrait permettre de réduire les doses d’antibiotiques. Ceci réduirait également les risques d’induire des résistances, ainsi que l’apparition d’effets secondaires. Rappelons tout de même qu’à forte dose, les aminosides peuvent devenir toxiques pour les reins et l’oreille interne. Enfin, une autre possibilité existe, à savoir la « greffe » d’uridine à divers antibiotiques afin d’aider ces derniers à pénétrer dans des bactéries, notamment celles qui sont résistantes.