Quels enseignements tirez-vous de vos recherches ?

A chaque fois que des individus communiquent, de l’agressivité finit par apparaître. C’est inhérent aux relations humaines. Les réseaux sociaux n’y échappent pas – et pas seulement pour les jeunes. Sur X (ex-Twitter), la violence verbale est omniprésente, souvent nourrie par l’anonymat.

Quel regard portez-vous sur cette violence en ligne ?

L’intervention extérieure est encore moins efficace sur Internet. Les plateformes réagissent très lentement. Pour faire retirer un contenu vraiment dangereux – raciste, pédopornographique – il faut souvent des dizaines de signalements. Alors imaginez le niveau de priorité accordé s’il y a quinze gamins qui vont insulter quelqu’un avec des mots qu’ils vont considérer comme « enfantins. »

Il faut évidemment signaler les contenus illégaux, mais compter uniquement sur les plateformes ou les adultes pour régler la situation est irréaliste.

Les enfants sont-ils préparés à cette agressivité en ligne ou à l’école ?

Non, souvent pas. On leur dit qu’un groupe WhatsApp sert à s’entraider, mais rarement qu’un groupe génère presque toujours des tensions. Quand elles deviennent répétitives, on parle de harcèlement.

« Le problème du cyberharcèlement, ce n’est pas internet, c’est le harcèlement »

WhatsApp est-il devenu un terrain privilégié pour les harceleurs ?

Oui, car c’est un des principaux outils de communication des adolescents. Mais il faut rappeler une chose essentielle : le cyberharcèlement n’a pas été créé par Internet. La plupart des jeunes cyberharcelés le sont aussi dans la vraie vie. Si l’on supprimait les réseaux demain, le harcèlement continuerait. Le problème du cyberharcèlement, ce n’est pas internet, c’est le harcèlement.

Pourquoi votre approche diffère-t-elle des méthodes classiques ?

Parce qu’elles fonctionnent mal. On part du principe qu’un adulte va intervenir et régler la situation. Mais dès qu’il n’est plus là, la victime se retrouve seule. Et l’agresseur puni peut vouloir se venger, aggravant encore les choses.

Pourtant, l’agressivité peut être apaisée par les mots. C’est ce que je fais au quotidien. J’ai donc mis au point des techniques simples, basées sur le jeu – notamment « le jeu de l’idiot » – pour aider les enfants à calmer un conflit et à faire cesser une attaque.

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En quoi consiste « le jeu de l’idiot » et où peut-on suivre cet enseignement ?

La méthode est disponible sur lejeudelidiot.com, un site ouvert aux professionnels comme au grand public. On y trouve des formations concrètes pour apprendre aux enfants à répondre à l’agressivité verbale et à désamorcer les situations. Mon livre Face au harcèlement scolaire détaille également ces approches.

Cette méthode ne s’oppose pas aux dispositifs existants, elle les complète. Plus tôt les enfants apprendront à y faire face, moins le harcèlement progressera.

Sur cette formation, le harcèlement peut être vu comme un « jeu relationnel » dans lequel l’enfant perd tant qu’il ne connaît pas les règles. Le « jeu de l’idiot » permet justement de les comprendre et de reprendre l’avantage en décourageant l’agresseur. 

Et que pensez-vous des autres méthodologies actuelles ?

Elles reposent sur une illusion : faire croire aux enfants qu’on créera une société où personne ne les embêtera. Aucun adulte ne peut affirmer qu’il n’a jamais été insulté. Plutôt que de promettre l’impossible, il faut leur apprendre à faire face.

« Calmer une interaction toxique, ou s’en éloigner. C’est le cœur de ma démarche »

Le mot « cyberharcèlement » prête-il à confusion ?

Oui, car il englobe des situations très différentes : une moquerie du type « tête de pizza » et des menaces de mort avec divulgation d’une adresse personnelle.

Tout le monde sera confronté un jour à ces moqueries ou insultes. Les enfants peuvent y faire face si on leur donne les moyens : calmer une interaction toxique, ou s’en éloigner. C’est le cœur de ma démarche.

Comment intervenez-vous concrètement auprès des enfants ?

Il y a deux contextes : premièrement, la thérapie.

Un enfant vient me voir – ou ma collègue Claire Beuve – parce qu’il est harcelé. Il demande : « On m’embête à l’école, que dois-je faire pour que ça s’arrête ? ». Une séance peut suffire, parfois plusieurs selon la durée et l’intensité du harcèlement. Un enfant insulté depuis deux semaines n’a pas le même parcours qu’un enfant ostracisé depuis trois ans.

Deuxièmement, la prévention. Former les adultes dans les écoles pour que les enfants sachent déjà comment réagir avant que la situation ne dégénère. Certaines écoles où je suis intervenu ont mis en place ces ateliers et les retours sont très positifs.

« Les directives nationales restent trop centrées sur la punition »

Les enseignants ont-ils le moyen d’appliquer cette approche ?

Ils font déjà énormément, mais les directives nationales restent trop centrées sur la punition – et ils savent que cela fonctionne mal. Je ne dis pas qu’il faut supprimer toute sanction, mais il faut aussi redonner de la place à la mission éducative : transmettre des compétences relationnelles, sociales et psychologiques. Nous pouvons tous apprendre à apaiser une agressivité. Et nous devrions tous l’apprendre.

Quel bilan tirez-vous de vos formations ?

J’ai formé plus de 700 professionnels : médecins, psychologues, éducateurs, et plusieurs centaines d’enfants ont été aidés grâce à cette approche. Les formations ont lieu partout en France. Le message est simple : la punition seule ne résoudra pas le problème. Internet fait partie de la vie des jeunes. L’enjeu est de leur apprendre à y évoluer sereinement. 

30 18 : un numéro unique et gratuit contre le harcèlement

Le 30 18 est le numéro national contre toutes les formes de harcèlement, y compris cyberharcèlement, concernant les jeunes, enfants et adolescents.

Gratuit, anonyme et confidentiel, il est ouvert aux élèves, parents et professionnels 7 jours sur 7, de 9 heures à 23 heures pour tout renseignement ou signalement. Une application est aussi disponible.