DÉCRYPTAGE – Le circuit s’est arrêté, les joueurs sont en vacances, les chiffres sont tombés… mais pas ces records qui semblent imbattables.
La saison 2025 se termine, les jeunes pousses ont brillé et la relève frappe à la porte : Jannik Sinner et Carlos Alcaraz ont imposé leur loi et promettent d’alimenter une rivalité pour de longues années. Pourtant, à l’heure des bilans, plusieurs marqueurs historiques demeurent comme des sommets presque inaccessibles. Des exploits qui demandent non seulement du talent, mais une longévité, une santé et une domination qui relèvent de l’exception. Passage en revue de ces records qui continuent de résister au temps.
16.950 points au classement ATP
Le chiffre donne le vertige : 16.950 points. Jamais un joueur n’avait atteint une telle marque dans l’histoire du tennis moderne. Ce total, atteint par Novak Djokovic au sommet de sa domination, en 2015-2016, n’est pas seulement un reflet de ses victoires individuelles. C’est surtout la preuve d’une saison quasi parfaite, où chaque tournoi comptait et où chaque match remporté consolidait sa suprématie.
Pour atteindre ce chiffre le 6 juin 2016, le Serbe a remporté Wimbledon et l’US Open en 2015 puis l’Open d’Australie et Roland-Garros en 2016… quatre Grands Chelems consécutifs qui lui assuraient déjà 8.000 points. Il remportait également la finale des Masters de 2015 à Londres. Côté Masters 1000, il en remportait cinq : Shanghai et Paris en 2015, puis Indian Wells, Miami et Madrid en 2016. Il arrivait également en finale des Masters 1000 de Montréal et Cincinnati en 2015, et de Rome en 2016.
Après sa victoire à Roland-Garros 2016 face à Andy Murray, Djokovic a atteint les 16.950 points au classement ATP.
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Si on compare avec nos deux prodiges, l’écart est énorme. Sinner a eu maximum 12.030 points, c’était cette année après sa victoire à Wimbledon. Alcaraz, quant à lui, est actuellement à 12.050 points. Soit dans chaque cas, presque 5.000 points d’écart avec «Djoko». La leçon est claire, pour être au sommet statistique du Serbe, il ne suffit pas d’éclats ponctuels. Il faudrait une combinaison quasi parfaite de talent, de constance et de santé, sur tous les terrains et contre tous les adversaires.
428 semaines au sommet
Rester au sommet du classement ATP n’est jamais anodin. Pour Novak Djokovic, c’est devenu un art : au total, le Serbe cumule 428 semaines en tant que numéro 1 sur toute sa carrière. Un total historique qui dépasse de loin celui de tous ses contemporains et illustre à quel point sa carrière a été marquée par la constance et la régularité.
Ce chiffre ne se construit pas en une saison. Il résulte d’une domination répartie sur plus d’une décennie, où Djokovic a su alterner Grands Chelems, Masters 1000 et ATP Finals sans jamais trop s’éloigner de la première place. C’est en 2011 qu’il devient pour la première fois de sa carrière numéro 1 mondial. En juin 2024, il quitte la première place après sa 428e semaine au sommet.
Après s’être qualifié pour les quarts de finale de Roland-Garros, Djoko a dû déclarer forfait, lui faisant perdre sa place de numéro 1.
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Si l’on compare avec les deux autres membres du Big 3, l’avance est énorme. Roger Federer cumule 310 semaines au sommet, tandis que Rafael Nadal est à 209 semaines en tête du classement ATP. La nouvelle génération montre déjà des signes de domination prometteurs, mais la route reste encore très longue. Jannik Sinner cumule 66 semaines au sommet. Carlos Alcaraz, actuel numéro 1 mondial, en est à 52 semaines. Il faudrait encore plus de 7 ans au sommet à chacun pour espérer rattraper le Serbe.
La continuité absolue
237 semaines CONSÉCUTIVES au sommet du classement ATP. Roger Federer détient un record unique qui illustre parfaitement sa capacité à rester à rester maître de son destin sur une longue période. Contrairement au record de Djokovic qui reflète un cumul sur plusieurs années, celui de Federer souligne la continuité absolue.
Cette série de plus de 4 ans et demi commence le 2 février 2004 et se termine le 18 août 2008. Pendant cette période, le Suisse aligne Grands Chelems, Masters 1000 et autres tournois. Chaque rendez-vous devient crucial : perdre un match au mauvais moment ou se blesser pouvait mettre fin à sa série.
En août 2008, après 237 semaines consécutives au sommet, Federer n’est plus numéro 1 mondial.
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Pour la jeune génération, encore une fois le chemin est long. Alcaraz a fait au maximum 20 semaines d’affilée au sommet, entre 2022 et 2023. Sinner, quant à lui, fait mieux avec 65 semaines entre 2024 et 2025. Outre le fait qu’il faut une constance mentale et physique hors du commun, le tout sans se blesser, ce record est l’un des plus dur à battre pour les deux prodiges. En effet, les deux jeunes joueurs sont sans cesse en train de se tirer la bourre pour savoir qui prendra l’avantage sur l’autre. Une domination de 4 ans et demi par l’un sur l’autre semble vraiment impossible.
Federer roi du gazon
Sur gazon, Roger Federer a longtemps semblé intouchable. Entre 2003 et 2008, il a aligné 65 victoires consécutives, un record sur l’herbe vieux de 17 ans qui reste, encore aujourd’hui, inégalé. Durant 5 ans, chaque tournoi devient un théâtre où le Suisse impose son jeu, sa précision et son sens tactique, transformant une surface réputée pour sa rapidité et son exigence technique en un terrain presque personnel.
Cette série extraordinaire n’est pas seulement un chiffre, elle traduit une domination absolue sur Wimbledon et ses tournois préparatoires. Elle débute à Halle le 9 juin 2003. Federer bat Sargis Sargsian en deux sets au premier tour, puis il enchaîne les matchs jusqu’à remporter le tournoi. À Wimbledon… même chanson. Puis en 2004, pareil. Le Suisse ne s’arrête plus. Il faudra attendre le 6 juillet 2008 pour qu’enfin, quelqu’un parvienne à battre le Suisse. Nous sommes en finale de Wimbledon, et pour la première fois de sa carrière, Federer perd sur gazon, face à un certain Rafael Nadal, au bout d’un match que nombreux considèrent comme le plus grand de l’histoire (6/4 6/4 6/7 6/7 9/7).
Rafael Nadal a mis un terme à la série de Roger Federer en finale de Wimbledon 2008.
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Pour la relève, le défi est immense. Alcaraz et Sinner, aussi talentueux soient-ils, n’ont pas encore démontré la capacité à enchaîner les victoires sur gazon sur plusieurs saisons. Un record que la nouvelle génération regardera, sans doute longtemps, avec admiration et respect.
L’impensable série de Navrátilová
En 1984, Martina Navrátilová a livré une saison quasi mythique, marquée par 74 victoires consécutives, un record historique, aussi bien sur le circuit féminin que masculin. Pendant près d’un an, aucune adversaire n’a réussi à la faire chuter. Cette performance est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans une ère où la compétition féminine était particulièrement dense.
Navrátilová remporte Wimbledon en 1984 et réalise la même année une série de 74 victoires consécutives.
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Si l’on compare au Big Three, Novak Djokovic a un record de 43 victoires consécutives, Roger Federer est à 41 et Rafael Nadal en compte 32. Pour comparer avec une tenniswoman plus récente, Iga Swiatek n’en a fait que la moitié (37). Même les deux prodiges de la nouvelle génération ne semblent pas en mesure d’approcher un tel niveau de constance. Au maximum, Sinner a réussi à enchaîner 26 victoires de suite et Alcaraz a pour record 24.
Le match le plus long de l’histoire
Nous sommes à Wimbledon en 2010. John Isner et Nicolas Mahut ont offert au monde du tennis un match absolument unique. Étendue sur trois jours, cette rencontre a duré 11 heures et 5 minutes, pour un score final surréaliste de 70/68 dans le cinquième set. Au-delà du résultat, c’est la dimension humaine de l’exploit qui frappe : deux joueurs, un filet, des centaines de jeux et une endurance physique et mentale hors norme.
Ce marathon a repoussé toutes les limites connues du tennis moderne. Chaque point, chaque échange demandait une concentration et un effort titanesque. Les conditions n’étaient pas simples : la fatigue, la tension, la météo capricieuse, et le fait que le match se soit déroulé sur trois jours.
Après 11h05 de match réparties sur trois jours, Isner est venu à bout de son adversaire, Nicolas Mahut.
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Ce record-là, est tout simplement impossible à battre. Depuis 2022, notamment pour éviter ce genre de cas de figure, les règles ont changé. Les organisations des quatre tournois du Grand Chelem se sont mises d’accord. Désormais, à 6/6 dans le cinquième set, les deux joueurs doivent se départager par un super tie-break en 10 points. À l’époque du record, la règle était seulement d’avoir deux jeux d’écart dans le cinquième set. Lorsque chacun gagnait son service, les rencontres pouvaient donc durer une éternité.
Nadal et ses records sur terre battue
Si le tennis avait un roi de la terre battue, ce serait Rafael Nadal. Sur cette surface, l’Espagnol multiplie les records, mais trois d’entre eux semblent particulièrement imbattables.
Entre 2005 et 2007, Nadal a enchaîné 81 victoires consécutives sur terre battue. La plus longue série sur une seule surface dans l’ère Open. Chaque match était un défi contre la surface elle-même qui favorise les échanges longs et exige une adaptation permanente aux variations de jeu. La série s’est arrêtée seulement face à Federer à Hambourg en 2007. Aucun joueur de sa génération ni des suivantes n’a pu se rapprocher ne serait-ce qu’un peu de cette régularité.
L’un des quatre Grand Chelem est devenu, pour Nadal, un terrain de conquête quasi personnel. Avec 14 titres à Roland-Garros, il dépasse, de loin, tous les autres joueurs de l’histoire. Chacun de ces sacres témoigne de sa capacité à maintenir un niveau de performance exceptionnel pendant deux semaines. Même les plus grands talents de la nouvelle génération se contenteraient déjà bien de la moitié de ses titres sur un même Grand Chelem.
En 2022, Rafael Nadal a remporté son 14e Roland-Garros.
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Le bilan de 112 victoires pour seulement 4 défaites à Roland-Garros est peut-être la statistique la plus impressionnante. Elle traduit non seulement la constance de Rafael Nadal, mais aussi sa capacité à ne jamais laisser la surface ou la pression prendre le dessus. Chaque défaite est isolée, et chaque victoire renforce l’impression d’une domination quasi absolue, qui se lit aussi bien dans les chiffres que dans l’histoire du tournoi.
Pour battre ces trois records, il faudrait réunir trois conditions : une longévité exceptionnelle, une constance sur chaque match d’une surface spécifique et une capacité à rester invincible contre tous les challengers d’une génération. Même les prodiges du moment sont loin d’avoir démontré cette combinaison. La densité du circuit moderne et la concurrence intense rendent la répétition de tels exploits extrêmement improbable.
Certains records tiennent de la légende parce qu’ils sont l’addition d’excellence et de durée. Ce sont des sommets qui exigent plus que du talent, mais une forme et une longévité quasi surnaturelles. Sinner et Alcaraz qui incarnent la nouvelle vague, ont le temps d’écrire leur histoire. Mais battre ces jalons exigera, à la fois, des carrières longues et des saisons de domination presque parfaites… un cocktail rare dans le tennis moderne.