Et de saisir à temps le bras de son interlocuteur pour lui éviter une crotte de chien qui tapisse le trottoir de la rue de Cheverus. « On va rendre la ville propre », prévient-il, avant de montrer du doigt des potelets sciés pour une raison inconnue. « Même la façon dont on coupe les potelets, ça ne va pas. J’ai vu des commerçants qui n’ont pas été consultés rue du Pas-Saint-Georges et s’inquiètent pour la sécurité des piétons. » Ainsi va Philippe Dessertine, pourfendeur des États surendettés mais aussi friand du « quotidien », dit-il : « J’ai toujours travaillé sur l’attractivité des territoires, de la sécurité aux déchets, à la poubelle. La lutte contre les rats, les moustiques, ce n’est pas du tout quelque chose d’accessoire. »

« Stratégie du nénuphar »

Veste huilée, allure de jeune homme, Philippe Dessertine, 62 ans, se prête au jeu du tractage avec une évidente facilité. Et à ceux qui lui adressent quelques mots d’encouragements en retour, il ne manque pas de leur demander une faveur : « Vous convainquez une personne dans votre entourage de voter pour moi. C’est la stratégie du nénuphar. » À la permanence de campagne, cours Alsace-Lorraine, Élise, une jeune femme, passe une tête, prête à apporter son soutien. « On est à 450 militants. Rien qu’à Bordeaux, c’est une organisation équivalente à celle d’un grand parti politique », loue Philippe Dessertine.

« Ce n’est pas être libéral de constater que le mode de fonctionnement actuel est en train de s’effondrer »

Un frémissement que semble corroborer le récent sondage commandé par un autre candidat, en l’occurrence Thomas Cazenave, pour aider à départager le député Renaissance et Nathalie Delattre, sénatrice Parti radical. Si le premier y distance la seconde et s’efforce d’installer la confrontation avec le maire écologiste Pierre Hurmic, d’aucuns ont relevé la percée notable de Philippe Dessertine, crédité de 11 à 14 % des voix au premier tour. « J’ai vu le dernier sondage. Très bonne dynamique », lance un passant averti.

« Les investisseurs »

Étonnamment, l’intéressé ne s’en satisfait pas, relevant « un biais » dans la conduite de ce type de sondage, qui fait la part belle aux « étiquettes politiques » et s’avérerait « redoutable pour la société civile ». Car Philippe Dessertine, dont l’épouse Laurence, ex-adjointe d’Alain Juppé, est conseillère départementale Horizons, se défend de tout arrimage voire simple accointance politique et entend mener sa propre barque jusqu’au second tour. Accessoirement, ses conférences données à Monaco ou en Suisse contre rémunération, exercice auquel il est rompu depuis des années, financent sa campagne. Même l’étiquette d’économiste « libéral » ne lui convient pas : « Ce n’est pas être libéral de constater que le mode de fonctionnement actuel est en train de s’effondrer, que la dette de l’État est intenable et que les financements publics seront de plus en plus faibles. »

Mais alors, quel programme pour Philippe Dessertine, au-delà de la facilité de certaines incantations « Bordeaux, marque incroyable » ou « le commerce, vaisseau sanguin d’une ville » ? Mercredi après-midi, d’une visite de commerce à l’autre, ici un salon de coiffure, là, une parfumerie, il distille quelques éléments sur la gratuité du stationnement – « en trouvant l’équilibre pour sanctionner les véhicules ventouses » , la nécessité de « faciliter » les interventions des artisans ou encore le recours « à la tech », comme il dit, à travers un « outil de démocratie participative qui remonte les attentes au maire de quartier » conçu par un ancien de Polytechnique. Et s’il renvoie à la présentation, mardi 2 décembre, des « premiers éléments » de son projet, Philippe Dessertine dit son intention de placer l’investissement privé au cœur de son modèle pour mieux suppléer la baisse des dotations.

Sa capacité à faire venir « les investisseurs » : un mot qui revient souvent dans son propos, y compris au détour d’une vidéo sur les Girondins de Bordeaux. Dans l’équation, le carnet d’adresses de l’économiste Dessertine jouerait donc à plein. « Il y a mon carnet d’adresses, mais aussi les gens qui me connaissent et que je ne connais pas. L’économie, c’est la confiance et mes interlocuteurs ont le sentiment que j’ai une stratégie claire pour Bordeaux. Les projets, on ira les chercher tout de suite après l’élection. » Et ce peut-être, illustre-t-il « une école de codage » dans un quartier populaire. « Mon réseau, je le sollicite dans un projet global, y compris pour les Girondins. »