Par

Jessie Leclerc

Publié le

28 nov. 2025 à 20h14

Au tribunal judiciaire de Rouen (Seine-Maritime), ce jeudi 27 novembre 2025, une silhouette fine et un peu crispée se balance à la barre. À 71 ans, Nicole* n’a ni le profil classique du multirécidiviste, ni celui d’une habituée des salles d’audience. Et pourtant, la retraitée est venue répondre d’une longue série de vols dans une dizaine de commerces entre Rouen, Barentin et Dieppe. Sephora, Okaïdi, Kiabi, Tape à l’Œil… Une liste qui ressemble plus à l’itinéraire de courses en famille qu’au parcours d’un bandit.

Des vols à la chaîne

Tout commence le 13 avril 2022, à Rouen, lorsque les forces de l’ordre sont appelées pour un vol chez Decohinout, encore situé dans la rue du Gros-Horloge. Arrivés sur place, les agents tombent sur Nicole, alors âgée de 67 ans, qui reconnaît rapidement avoir dérobé des articles

L’enseigne l’accuse également d’un vol commis deux jours plus tôt. En tout, un butin qui dépasse les 416 euros.

Dans son sac à main, les policiers trouvent plusieurs articles provenant d’autres magasins : vêtements Du Pareil au Même pour un peu plus de 55 euros et une plaquette de boucles d’oreilles de l’enseigne Quelque Part pour un total de 444 euros.

Placée en garde à vue, elle reconnaît la plupart des faits, sauf celui du 11 avril qu’elle nie obstinément. Face aux policiers, elle explique avoir volé « pour les petits enfants », « par pulsions », parfois « sans comprendre pourquoi ». Elle précise être suivie par un psychologue et recevoir un traitement pour lutter contre le problème.

Une perquisition qui change tout

Nicole assure à la police ne rient détenir d’autre chez elle, mais une perquisition sème le doute. De nombreux objets, vêtements et accessoires neufs y sont retrouvés ainsi que des aimants pour retirer les antivols.

La retraitée avoue certains vols, mais en nie d’autres. Elle affirme avoir acheté plusieurs objets soupçonnés d’être volés et que d’autres sont des cadeaux.

Son compagnon, non présent au tribunal, expliquait lors de l’enquête être dépassé par le comportement de sa femme : « Elle est malade, cleptomane… » Selon lui, elle avait pourtant « tout pour être heureuse ».

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Rouen, Barentin, Dieppe… La liste s’allonge

Mais la série noire ne s’est pas arrêtée là. Plus tard, d’autres enseignes portent plainte pour des vols commis entre 2022 et 2023 : 

  • Kiabi, Bebe 9, CCV, Okaïdi, Mondial Tissus et Tape à l’Oeil à Barentin,
  • Maroquinerie Evasion à Dieppe
  • Et même Séphora, en 2023, où six parfums d’une valeur totale de 877 euros disparaissent en deux jours.

La fille, désespérée, finit par retrouver trois des parfums chez sa mère et les rapporte elle-même à la gendarmerie.

Une plainte plus trouble : le vol d’un sac à main

Autre dossier, plus sensible, une commerçante du centre-ville de Rouen accuse Nicole d’avoir volé son sac à main contenant notamment des cartes bancaires et plus de 1600 euros en espèce. Des achats frauduleux pour 260 euros sont réalisés dans la foulée. 

La commerçante possède une vidéosurveillance, les policiers semblent reconnaître Nicole, mais elle dément fermement : « Je ne ferais jamais ça ». Tout comme sa fille qui n’identifie pas sa mère sur la vidéo.

Sur ce point précis, le tribunal jugera les éléments insuffisants.

« Je suis malade, je veux que ça s’arrête »

À la barre, Nicole fond en larmes. « Je suis malade, je veux que ça s’arrête. » Elle déplore de façon presque inaudible : « Avec du recul, il faut que je me soigne, je ne peux pas rester comme ça ».

Elle évoque aussi un passé douloureux. Viol conjugal et coups du père de ses enfants, un passage dans la rue, mais surtout, la perte de trois de ces enfants entre 2019 et 2022. « J’ai assez souffert », souffle-t-elle.

Son avocat insiste : « C’est l’un de ces dossiers où la culpabilité ne se pose pas. […] Mais c’est quelqu’un qui va mal. Elle a essentiellement besoin de se soigner ».

Un casier déjà chargé

Le casier judicaire de Nicole mentionne déjà trois condamnations, notamment en 2022 pour des faits commis en 2020 et 2021, mais aussi en 2008. « Toujours les mêmes faits répétés », martèle le procureur.

La défense tempère : « Sa cleptomanie est ancrée. Mais lors de la perquisition, ils ont tout pris et estimé que tout était volé. Il faut condamner ce qui est condamnable. Ce qu’elle avoue, pas ce qu’elle nie ».

Le tribunal relaxe Nicole pour le vol du sac à main, faut d’éléments à charge. Pour le reste, elle est reconnue coupable et condamnée** à six mois de prison avec sursis probatoire pendant deux ans, avec obligation de soins et interdiction de paraître dans la plupart des magasins victimes. 

* Le prénom a été modifié.

**Cette peine est susceptible d’appel. Tout justiciable demeure présumé innocent tant que toutes les voies de recours n’ont pas été épuisées.

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