Le Premier ministre a fait de la question de l’énergie une de ses cinq priorités « absolues », avec la baisse du prix de l’électricité comme objectif pour les Français. Pour cela, le gouvernement cible prioritairement la fiscalité, à travers le tarif d’accise.
Le sujet est aussi technique que politique, juste avant l’hiver. A côté de la tâche complexe de doter la France d’un budget, Sébastien Lecornu a, lundi 24 novembre, fait de l’énergie l’une de ses cinq priorités « absolues », avec le déficit, la réforme de l’Etat, l’agriculture et la sécurité. « Le Premier ministre a demandé au ministre en charge de l’Economie et l’Energie de travailler à des scénarios de baisse du prix de l’électricité pour les Français », a expliqué son entourage à la presse, dans la foulée d’une déclaration de Sébastien Lecornu sur le perron de Matignon.
La facture d’électricité va-t-elle diminuer pour les ménages et les entreprises dans les mois à venir, maintenant que le dossier de l’énergie est tout en haut de la pile ? Immédiatement, le ministre en question, Roland Lescure, s’est attelé à ce chantier. Mercredi, il a assuré sur France Inter que le gouvernement y travaillait de deux manières.
Il y a d’un côté les pistes de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), à moyen terme, avec l’ambition d’un « grand plan d’investissement » mené « dans les mois, trimestres, années qui viennent, pour financer des nouveaux réacteurs nucléaires, pour financer les énergies renouvelables, parce que c’est la seule garantie de prix d’électricité faibles dans les décennies qui viennent ». Pourtant, ce document, qui détermine la feuille de route énergétique de la France pour les dix prochaines années, se fait attendre depuis l’année 2023 pour sa troisième version.
De l’autre côté, le ministre a fait référence aux pistes qui peuvent être explorées dans le cadre du budget de l’Etat pour 2026, actuellement examiné au Sénat. A l’heure actuelle, dans ce projet de loi de finances (PLF), le gouvernement a clairement une préférence. Roland Lescure a confirmé se pencher sur « ce qu’on appelle les accises sur l’électricité, qui sont des formes de taxes », a-t-il expliqué sur France Inter.
Assez peu connues du grand public, ces taxes sont collectées par les fournisseurs d’énergie et reversées « au budget général de l’Etat qui assure les versements de compensation aux opérateurs supportant des charges », décrit le site d’EDF. Cet impôt indirect est divisé en cinq fractions : les taxes sur l’électricité, le charbon, le gaz naturel, les « autres produits » en métropole et les « autres produits » en outre-mer. « L’accise représente environ 15% d’une facture d’électricité et elle entre aussi dans le calcul de la TVA », précise à franceinfo Nicolas Goldberg, expert chez Colombus Consulting et responsable énergie chez Terra Nova.
« L’accise est une part non négligeable de la facture des consommateurs, surtout les plus petits qui n’ont pas de taux réduits. »
Nicolas Goldberg, expert énergie chez Columbus Consulting
à franceinfo
Selon Roland Lescure, le gouvernement « analyse » les amendements « qui tournent » au Parlement dans le cadre des débats et pourrait décider d’en soutenir certains, pour tenter d’inscrire cette baisse dans le budget finalement adopté. Et ce, quel que soit le moyen : par un vote, l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution ou des ordonnances.
L’un de ces amendements est défendu par Jean-François Husson, rapporteur général du budget au Sénat. L’élu Les Républicains propose une baisse du tarif d’accise sur l’électricité et une hausse du tarif d’accise sur le gaz naturel, pour compenser le manque à gagner. « Ces évolutions sont neutres pour le budget de l’Etat », défend-il dans son amendement. « Elles permettront de réduire les factures d’électricité de ménages ‘tout électrique’ à hauteur de 11 à 45 euros par an selon les consommations (soit de un à quatre euros par mois). » En revanche, « la facture annuelle des ménages utilisant le gaz pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire et la cuisine pourrait augmenter de 12 à 80 euros par an selon les consommations (soit de un à sept euros par mois) », est-il encore écrit.
« Comme de nombreux locataires n’ont aucun moyen de basculer vers de l’électrique, ils vont donc être pénalisés. Il y a quand même 60% de ménages dans le parc social qui sont chauffés au gaz », avertit Clarisse Berger, de l’UFC Que Choisir, auprès de 20 Minutes. « Il est toutefois peu probable », selon Nicolas Goldberg, que le gouvernement accepte d’augmenter significativement le prix du gaz « compte tenu de la sensibilité du sujet, en particulier pour les ménages captifs de leur chauffage au gaz, dans les logements collectifs par exemple ».
S’il n’a pas répondu aux questions de franceinfo sur le mécanisme précis qu’il souhaite soutenir lors des débats budgétaires, le gouvernement est clairement hostile à la baisse de la TVA sur l’électricité. Il s’est opposé au rétablissement de la TVA à 5,5% sur les abonnements, votée par les députés en première lecture du PLF le 20 novembre. Elle avait été portée à 20% le 1er août, pour se conformer au droit européen, avait avancé l’exécutif.
Cette piste de la baisse de la TVA à 5,5% est régulièrement mise en avant par le Rassemblement national pour les produits énergétiques. « Ça coûte une fortune et ça ne sert à rien », a balayé Roland Lescure, mercredi. « La piste de la TVA est à écarter pour plusieurs raisons, abonde Nicolas Goldberg. D’une part, parce qu’elle ne concerne pas les entreprises, et donc la baisser n’agit pas sur la compétitivité. D’autre part, parce qu’elle est moins modulable, au sens où la France ne peut pas mettre n’importe quel taux de taxation, contrairement à l’accise, qui est totalement à sa main. »
Quoi qu’il en soit, le gouvernement n’entend pas grever les comptes publics avec la mesure qu’il soutiendrait en faveur du pouvoir d’achat et de la compétitivité. « Comment on finance ? Devant chaque plus, je veux un moins », a martelé Roland Lescure sur France Inter. Selon les informations de franceinfo, Matignon a testé auprès des entreprises l’idée de renoncer à baisser les impôts de production sur les PME, comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), tel qu’envisagé dans le projet de budget qu’il a présenté mi-octobre. L’objectif serait de financer la baisse du tarif d’accise sur l’électricité en conservant les 1,3 milliard d’euros de la CVAE.
L’annonce du gouvernement intervient par ailleurs dans un contexte particulier pour les prix de l’électricité. A partir du 1er janvier 2026, l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) ne sera plus en vigueur. Jusqu’à présent, l’Etat imposait à EDF de vendre à ses concurrents une partie de l’électricité que le groupe produisait, au prix bas de 42 euros le MWh.
La fin de l’Arenh « aurait pu se traduire par une hausse des factures d’électricité pour les ménages, mais par chance, les prix de marché ont tellement chuté que finalement, le tarif réglementé pourrait rester stable, voire baisser l’an prochain », développe Nicolas Goldberg. « Une baisse de taxe viendrait accentuer cette baisse et envoyer un signal positif vis-à-vis de l’électrification. »