Le passeur de l’équipe de France avait «besoin» de vivre «à fond un truc nouveau» dans le championnat japonais pour évacuer plus facilement la déception du Mondial en septembre dernier.
Comment se passe cette nouvelle aventure ?
Antoine Brizard : L’ambiance, les salles, le niveau de jeu, le club, tout est incroyable. J’avais des attentes importantes au niveau du professionnalisme, ce pour quoi j’étais venu, et c’est encore au-delà de ce qu’on attendait avec ma femme. On joue le samedi et le dimanche tous les week-ends, donc c’est un rythme un peu spécial à prendre, un peu dur, mais c’est plutôt cool. Les matches sont toujours un évènement : notre premier, contre le champion Suntory, a été délocalisé à Kobe dans l’une des plus belles salles dans lesquelles j’ai joué, et il y avait 9.500 personnes. Il y a un écosystème qu’on n’a pas l’habitude de voir en Europe (pour du volley, NDLR), avec un village autour de la salle, des food-trucks, du «merch» (produits dérivés, NDLR). Les gens viennent deux-trois heures avant le match, même en saison régulière. Notre club particulièrement est très suivi, on a beaucoup de fans même à l’extérieur.
Après quatre saisons à Piacenza en Italie, vous étiez à la recherche d’un cadre plus professionnel ?
Oui, en Europe en général je trouve que souvent les clubs ne se donnent pas forcément au quotidien les moyens de leurs ambitions. Et ça passe par des détails mais qui n’en sont pas. Je viens content à l’entraînement tous les jours parce que tout est nickel autour, je ne pense qu’au volley : tout est anticipé, dès qu’on a le moindre problème, on n’a qu’à demander une fois (pour le régler, NDLR). Pareil pour ma femme, qu’ils considèrent aussi importante que moi. Les infrastructures sont géniales : une salle de muscu très bien équipée, un plateau kiné comme je n’en ai jamais vu, une salle de balnéo avec bain froid, bain chaud, piscine à contre-courant… On part en déplacement avec deux bus, un pour les joueurs, un pour le staff, (l’encadrement) amène des barres de muscu même si seulement deux joueurs en ont besoin, on est tout seul en chambre…
De quoi mieux évacuer la déception du Mondial ?
Oui complètement. J’en avais besoin, ça a été très dur et c’est vrai que me concentrer à fond dans un truc nouveau, sortir de ma routine, voir des gens nouveaux, faire vraiment un «reset» (remise à zéro, NDLR) complet, ça m’a fait beaucoup de bien. Cela n’enlève pas la déception, mais ça a été plus facile de tourner la page. En 2022 (élimination en quarts, ndlr), ça m’a fait beaucoup plus mal sportivement : on aurait dû être champions du monde et on avait pris une porte dans la gueule par suffisance. J’avais vraiment l’impression qu’on était passé à côté de quelque chose. Là, on a sûrement fait des erreurs dans la préparation – il faudra qu’on en reparle – mais on n’a pas eu la chance qu’il faut pour aller au bout, avec des blessés au mauvais moment (Trévor Clévenot et Nicolas Le Goff étaient absents contre la Finlande, NDLR). Je me dis que ce n’était pas le bon moment. J’étais en larmes parce que c’était la fin de quelque chose avec certains (le capitaine Benjamin Toniutti, entre autres, a très probablement disputé sa dernière compétition, NDLR). C’est ça qui m’a dévasté. J’avais l’impression de trahir certains qui avaient fait l’effort de prolonger un an pour essayer d’être champion du monde.
Vous parlez de la préparation. La longue coupure accordée par le staff avant le Mondial a-t-elle été une erreur ?
Avec le recul, peut-être qu’on n’aurait pas dû avoir autant de vacances. Mais c’était une année post-olympique, des gens avec des enfants, (présents tous les étés) depuis sept ans, avaient besoin de souffler. Aucun regret : je ne pense pas qu’on serait arrivé au bout de l’été sans. Était-ce compatible avec le fait de faire une médaille ? Je ne sais pas…. Mais je ne suis pas sûr qu’on en parlerait si on avait perdu au tie-break contre l’Italie en quart. En tout cas moi, qui ne m’octroierai plus autant de vacances, j’en avais vraiment besoin.