Pendant plus d’un siècle, recevoir un diagnostic de diabète de
type 1 signifiait apprendre à vivre, jour après jour, avec des
injections d’insuline et une glycémie à surveiller en permanence.
Les pompes et capteurs ont rendu ce quotidien un peu moins lourd,
mais le principe restait le même : remplacer une hormone que le
pancréas ne produit plus.
Aujourd’hui, un nouveau traitement vient bousculer ce schéma
classique et promet de s’attaquer, pour la première fois, aux
mécanismes mêmes de la maladie auto-immune. La recommandation
récente de l’Agence européenne des médicaments (EMA) en faveur du
teplizumab, commercialisé sous le nom de Teizeild,
ouvre la voie au premier traitement de fond du diabète de
type 1 en Europe ; pour les familles concernées, beaucoup
y voient le début d’une nouvelle ère, tandis que d’autres pistes
expérimentales esquissent déjà la suite de cette révolution
silencieuse.
Nouveau médicament contre le diabète de type 1 : ce qui change
concrètement
Le teplizumab est un anticorps monoclonal dit anti-CD3, une
forme d’immunothérapie qui cible les lymphocytes T
responsables de l’attaque des cellules bêta du pancréas. En
agissant sur ces cellules du système immunitaire, il vise à freiner
la destruction des îlots de Langerhans, là où est produite
l’insuline, et donc à conserver plus longtemps une sécrétion
naturelle d’insuline. Le Comité des médicaments à usage humain
(CHMP) de l’EMA a rendu un avis favorable pour son utilisation chez
les adultes et enfants à partir de 8 ans présentant un diabète de
type 1 au stade 2, une phase encore silencieuse où la maladie est
déjà lancée mais avant l’apparition des symptômes.
Pour mesurer ce changement, il faut comprendre que les
chercheurs distinguent aujourd’hui trois stades successifs du
diabète de type 1 : au stade 1, des auto-anticorps attaquent déjà
le pancréas mais la glycémie reste normale ; au stade 2, ces
auto-anticorps sont toujours présents et la glycémie commence à
déraper, sans signes visibles ; au stade 3, la maladie est
déclarée, avec une hyperglycémie qui impose un traitement à vie par
insuline. Sans traitement, une grande partie des personnes au stade
2 basculent vers le stade 3 dans les cinq ans ; dans l’essai
clinique TN-10 mené chez 76 patients, le teplizumab a permis de
doubler le délai médian avant ce basculement, passant d’environ 25
à 50 mois.
Teplizumab (Teizeild) : pour qui, comment, et avec quels
risques ?
Ce nouveau médicament contre le diabète de type
1 ne s’adresse donc pas à tous les patients, mais à un
sous-groupe bien précis : ceux qui sont déjà au stade 2, souvent
des enfants ou jeunes adultes avec un risque très élevé de
développer la maladie dans un délai court. Les données disponibles
indiquent qu’environ 75 % des personnes à ce stade déclarent un
diabète clinique dans les cinq années qui suivent. En retardant ce
moment de deux à trois ans en moyenne, Teizeild offre aux familles
un sursis précieux, sans supprimer totalement la probabilité de
devoir, un jour, recourir à l’insuline.
Le traitement se prend sous forme de perfusion intraveineuse
quotidienne pendant 14 jours consécutifs, avec une augmentation
progressive des doses pour limiter les réactions aiguës. Comme
toute immunothérapie, il n’est pas anodin : les données rassemblées
par les autorités sanitaires font état de baisses transitoires des
globules blancs (lymphocytes, leucocytes, neutrophiles),
d’éruptions cutanées et d’une diminution du bicarbonate sanguin,
pouvant favoriser une acidose. Dans environ 2 % des cas, un
syndrome de libération des cytokines a été observé, avec fièvre,
vomissements, essoufflement, maux de tête et chute de tension, d’où
la nécessité d’une surveillance hospitalière étroite pendant la
cure.
De Teizeild au VX-880 : vers une
nouvelle ère des traitements du diabète de type 1
Pendant que Teizeild arrive sur le marché, d’autres équipes
testent déjà des approches encore plus ambitieuses : recréer une
production d’insuline en greffant de nouvelles cellules bêta. C’est
le principe du VX-880, développé par Vertex
Pharmaceuticals, qui consiste à infuser dans le foie des cellules
d’îlots pancréatiques dérivées de cellules souches. Dans un
reportage de National Geographic, la Canadienne Amanda
Smith, atteinte d’un diabète de type 1 sévère, raconte comment sa
vie a basculé après avoir reçu ce traitement expérimental : « Ça a
été difficile dès le départ », confie-t-elle au magazine en se
souvenant des premières années de la maladie, avant de raconter
qu’elle ne prend plus d’insuline depuis deux ans et qu’elle a
l’impression d’être enfin libre.
Le VX-880 reste pourtant réservé à quelques patients très
fragiles, sujets à des hypoglycémies sévères, et impose une
immunosuppression à vie pour éviter le rejet des cellules greffées,
avec les risques d’infections ou de cancers que cela comporte. Les
chercheurs avancent donc avec prudence : « Je ne dis jamais remède »,
tempère le médecin et immunologue Kevan Harold, spécialiste du
diabète de type 1 à l’Université Yale. « Mais c’est bien dans cette
direction que nous allons. » Pour les quelque 9,5 millions de
personnes vivant avec un diabète de type 1 dans le monde, l’arrivée
de Teizeild, les progrès des greffes d’îlots et les premiers
résultats du VX-880 marquent déjà un tournant historique, qui
commence par quelques années gagnées avant le diagnostic mais
pourrait, un jour, se traduire par une restauration plus durable de
la production d’insuline.