Dans les années 1660, Marseille est la dernière ville française à défendre encore une part d’indépendance face au pouvoir royal de Louis XIV. Pour affirmer son autorité, le Roi Soleil dépêche 7 000 hommes, menés par le duc de Mercœur, pour encercler la cité rebelle. Un peu plus d’un mois après l’assaut, le roi fait une entrée spectaculaire dans la ville, franchissant la brèche qu’il a lui-même ordonné d’ouvrir dans les remparts.

C’est à cette époque que débute la construction de la Citadelle, actuel Fort Saint-Nicolas, commandée par le monarque pour surveiller Marseille et asseoir durablement sa domination. Son édification est confiée au chevalier de Clerville, puis Vauban en rectifie les plans quelques années plus tard. La place forte voit le jour en un temps record, étant achevée en 1664 malgré les contraintes techniques du terrain.

Un ouvrage pour le contrôle du peuple

Érigé à l’entrée du Vieux-Port, taillé dans la pierre rosée de la Couronne de Martigues, le fort devient rapidement un symbole de la cité phocéenne. Sur sa première pierre, posée le 11 février 1660, le roi grave son ambition : « De peur que la fidèle Marseille, trop souvent en proie aux criminelles agitations de quelques-uns, ne perdît enfin la ville et le royaume, par la fougue des plus hardis ou par une trop grande passion de la liberté, Louis XIV a pourvu, en construisant cette citadelle, à la sûreté des grands et du peuple… ». Ses meurtrières et canonnières, tournées vers la ville plutôt que la mer, rappellent encore sa vocation dissuasive et stratégique d’origine.

Le fort assure, une bonne partie du XVIIIe siècle, une activité militaire. Conçu pour être autonome, il sert de base stratégique pour les soldats et abrite une prison, jusqu’à la Révolution française, qui marque à jamais l’histoire de ce lieu. La Citadelle, symboliquement comparée à la Bastille, à Paris, devient le théâtre de l’assaut des révolutionnaires dans la nuit du 29 au 30 avril 1790.

Après cet épisode, elle est livrée à la population, qui entreprend sa démolition, ensuite confiée à des ouvriers carriers et maçons. Bien qu’interrompue au bout d’une dizaine de jours, ses dégâts, ainsi que ceux des pillages et de la détérioration qui suivent, marquent la Citadelle durablement.

De fort militaire à espace culturel

Un véritable plan de rénovation n’est lancé qu’en 1818, année où le fort prend le nom qu’on lui connaît aujourd’hui : Fort Saint-Nicolas. Les travaux débutent six ans plus tard, et, en 1862, une importante transformation touche le fort. Il est désormais traversé par l’actuel boulevard Charles-Livon, reliant le Vieux-Port au quartier des Catalans. Scindé en deux, le fort supérieur devient fort d’Entrecasteaux, la partie basse fort Ganteaume, en hommage à deux figures de la marine française.

Le destin militaire du fort d’Entrecasteaux se poursuit jusqu’en 2010. Il est essentiellement utilisé comme prison, avant de jouer un rôle notable durant la Seconde Guerre mondiale comme lieu d’internement ou champ d’affrontement au moment de la Libération. Par la suite, il devient tour à tour centre d’écoute, dépôt d’archives ou site de recherche, avant d’être confié à la Ville de Marseille lorsque l’armée française n’en a plus l’usage.

Le fort d’Entrecasteaux renaît aujourd’hui grâce au travail du Groupe SOS, s’étant saisi du projet d’ouverture au public, et des vingt années de restauration menées par Acta Vista et Bao Formations. La Citadelle – son nouveau nom – a ouvert le 4 mai 2024 au public, après 360 ans de fermeture, devenant un espace culturel vivant.