Jordan Bardella photographié au salon Milipol à Paris le 19 novembre (Photo by Thibaud MORITZ / AFP)

THIBAUD MORITZ / AFP

Jordan Bardella photographié au salon Milipol à Paris le 19 novembre (Photo by Thibaud MORITZ / AFP)

EN BREF À 18 mois de la présidentielle, le Rassemblement national est en plein brouillard concernant son candidat.
Jordan Bardella s’affirme comme un favori dans les sondages et entame une précampagne avec la promotion de son nouveau livre.
Marine Le Pen reste officiellement la candidate, mais son avenir politique est incertain en raison de son procès en appel en janvier prochain.

Lundi 5 mai. Un sondage, déjà présenté comme « choc », provoque des remous au RN. Pas parce que le parti d’extrême droite est placé en très bonne position pour accéder à l’Élysée. Mais parce que l’Ifop, sur demande de son client (lié à Pierre-Édouard Stérin), n’a testé que la candidature de Jordan Bardella. Les marinistes fulminent, montent au créneau et imposent au commanditaire de l’étude d’inclure Marine Le Pen. Problème : l’ajout tardif de la députée du Pas-de-Calais n’a pas pu se faire sur le même échantillon.

Fidèle mariniste, Jean-Philippe Tanguy peste dans la presse, voyant dans cette histoire une volonté de « poignarder Marine Le Pen ». Moins de six mois plus tard, ce mardi 25 novembre, point de coup de sang. Jordan Bardella est testé tout seul dans un sondage Odoxa qui le propulse à l’Élysée dans tous les cas de figure, en dépit du caractère (très) hasardeux que de telles projections impliquent. Cette fois, les proches de la (vraie) patronne ne mouftent pas.

La réalité judiciaire

Certes, ils applaudissent sur les réseaux sociaux l’ascension du RN sans forcément citer Jordan Bardella, mais l’indignation du printemps s’est évaporée. La tentative, un brin gênante, de maintenir en vie l’option Marine Le Pen sur un visuel se félicitant des résultats en y accolant artificiellement son portrait, traduit plus une forme de malaise qu’un refus net de tourner la page. Quant à la principale intéressée, elle explique à LCI ne pas être « traumatisée » d’avoir été écartée de l’étude, allant jusqu’à échafauder des hypothèses concernant l’institut de sondages Odoxa. « Peut-être n’a-t-il pas assez d’argent pour pouvoir tester les deux candidatures », a-t-elle balayée.

Car il existe une réalité, judiciaire, sur laquelle les sondages ne peuvent rien. En janvier et février 2026, la Cour d’appel de Paris se penchera sur l’affaire des assistants parlementaires du FN. Avec, potentiellement lors du jugement rendu au printemps, une peine d’inéligibilité confirmée pour la fille de Jean-Marie Le Pen. Un possible coup d’arrêt anticipé par Marine Le Pen, qui persiste toutefois à rappeler qu’elle demeure malgré tout la candidate naturelle du parti qu’elle a hérité de son père. « Non, je ne renonce absolument pas, je suis extrêmement combative », a-t-elle prévenu dans une interview à Ouest-France. « Ce que je dis, c’est que si la Cour de cassation était amenée à rendre une décision trop proche de la date du scrutin, la campagne du Rassemblement national ne pourrait pas se dérouler dans de bonnes conditions », a-t-elle néanmoins précisé, admettant qu’une peine confirmée en appel signerait la mort de sa candidature en 2027.

Bardella en précampagne

Là réside tout le paradoxe pour le Rassemblement national, contraint de maintenir l’option Marine Le Pen en coma artificiel, alors que son dauphin ne cesse de prendre la lumière, en donnant à sa tournée de dédicaces des airs de précampagne rappelant celle d’Éric Zemmour à l’automne 2021. Files d’attente à rallonges, selfies enchaînés à un rythme industriel, émancipation sur le plan économique… Difficile d’affirmer que Jordan Bardella n’est pas en train de s’installer, doucement mais sûrement, sur la rampe de lancement. Au point que, selon franceinfo, Renaissance réfléchit déjà aux façons d’entraver sa candidature.

Ce qui, automatiquement, démonétise l’argument du « déni de démocratie » que constituerait une peine confirmée en appel. En effet, comment rejouer le refrain d’une « décision politique » qui viserait à « confisquer la démocratie » si le trentenaire est déjà bien lancé, et qui plus est en bonne place dans les sondages ? Malgré un alignement de planètes qui commence à se dessiner plus distinctement pour l’eurodéputé, les plus proches de Marine Le Pen n’en démordent pas.

« Si elle était résignée, elle ne serait pas aussi active, elle n’aurait pas un tel agenda. Et si elle était has been, les gens ne chercheraient pas autant à la rencontrer », se rassure auprès du Monde son bras droit Renaud Labaye. Cité par le Nouvel Obs, le député Philippe Ballard refuse d’envisager le scénario : « Ce sera elle à Élysée et lui à Matignon. Sa popularité sera un atout pour la campagne présidentielle de Marine Le Pen ». En psychologie, la phase du deuil est souvent découpée en plusieurs étapes : le choc, le déni, la colère, la dépression, l’acceptation et la reconstruction. S’agissant de la candidature de Marine Le Pen, beaucoup au RN semblent encore stagner au début du processus.