Deux cousins kidnappent la patronne d’une puissante firme pharmaceutique qu’ils soupçonnent d’être une extraterrestre envoyée pour détruire l’humanité. Dans « Bugonia », fable à gros sabots teintée d’humour noir sortie le 26 novembre, Emma Stone retrouve pour la quatrième fois le cinéaste Yórgos Lánthimos.

« Bugonia ». Mais que signifie le titre de ce remake de « Save the Green Planet! », film sud-coréen sorti en 2003? Comme Yórgos Lánthimos adore jouer les plus malins, il nous contraint à une recherche Google qui nous apprend que le terme « bugonia » revoie à une croyance de la Grèce antique selon laquelle les abeilles pouvaient naître de carcasses bovines. Merci Yórgos Lánthimos, on est bien avancé.

Des abeilles et des fleurs

Des abeilles et des fleurs. C’est sur ce motif simple, symbole de l’essence même de la vie, que s’ouvre et s’achève le quatrième film que le cinéaste grec enchaîne avec Emma Stone, après « La favorite », « Pauvres créatures » et « Kinds of Kindness ».

L’actrice incarne ici Michelle Fuller, patronne antipathique d’un grand groupe pharmaceutique. Persuadé qu’elle est une émissaire andromédienne, race d’extraterrestre venue sur Terre pour éradiquer l’espère humaine, Teddy (Jesse Plemons), apiculteur complotiste, décide de la kidnapper avec l’aide de son cousin doucement crétin.

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Les exclus du système

Opposant les exclus du système aux nantis capitalistico-pharmaceutico-écodestructeurs, « Bugonia » pose deux mondes irrémédiablement étrangers l’un à l’autre, tout en éludant très vite la piste des « incels » enragés contre la gent féminine. D’un côté, la firme et la demeure ultra-technologiques, froides et aseptisées de Michelle Fuller, jouée avec une rigidité robotique par une Emma Stone que l’on découvre par la suite, le crâne rasé. De l’autre, la maison organique, poisseuse, perdue dans la nature, des deux cousins débraillés.

Nature contre culture. Humanité contre technologie. Raison contre émotion. Jonglant avec sa thématique binaire, Yórgos Lánthimos s’amuse à égratigner les deux pôles, la kidnappée et son principal ravisseur s’époumonant dans des joutes verbales qui ne parviennent jamais à un consensus ou une vision commune. Portés par les excellents Jesse Plemons et Emma Stone, ces moments de confrontation s’imposent comme les parties les plus réussies d’un film qui s’évertue, pour le reste, à prendre son public pour un idiot. A l’égal du cousin crétin qui devient l’image fantasmée du spectateur aux yeux d’un cinéaste définitivement englué dans sa posture démiurgique, à cheval entre un Kubrick ou un Lars von Trier du pauvre.

Une charge sentencieuse

Ce qui frappe dans cette fable teintée d’humour noir, au-delà de la misanthropie et du nihilisme habituels au cinéma de Lánthimos, c’est l’esprit de sérieux pachydermique avec lequel le réalisateur traite ses personnages, comme son discours en phase avec nos folies contemporaines. On se remémore alors à quel point son modèle coréen, « Save the Green Planet! », nous avait enchantés par son esprit déglingué, assez punk, franchement burlesque, qui aboutissait à une œuvre bien plus radicale que cette charge au ton sentencieux et au propos démonstratif.

Et si Yórgos Lánthimos tempère cette fois-ci ses afféteries formalistes, il n’oublie par de verrouiller son film, replié sur lui-même, pétri d’une autosatisfaction de plus en plus vaine.

Note: 2/5

Rafael Wolf/ld

« Bugonia » de Yórgos Lánthimos, avec Emma Stone, Jesse Plemons, Aidan Delbis. A voir dans les salles romandes depuis le 26 novembre 2025.