Un ancien médicament contre l’hypertension face au cancer du
cerveau

En France, près de 17 millions d’adultes vivent avec une
hypertension artérielle, soit environ un sur
trois, et près de 6 millions l’ignorent encore. Parmi les
traitements historiques, l’hydralazine a longtemps
été prescrite pour faire baisser la tension grâce au relâchement
des vaisseaux sanguins, et reste un recours privilégié en cas
d’hypertension sévère durant la grossesse.

Une équipe de l’Université de Pennsylvanie
s’est penchée sur son fonctionnement intime et a mis en lumière un
lien biologique inattendu entre troubles hypertensifs et
cancer du cerveau. Publiés le 15 octobre 2025 dans
la revue Science Advances, leurs travaux suggèrent qu’un
vieux vasodilatateur pourrait aussi freiner des tumeurs cérébrales
très agressives. Intriguant.

Hydralazine et enzyme ADO : ce que révèle l’étude

Point de départ, un rappel d’histoire médicale. « L’hydralazine
est l’un des premiers vasodilatateurs jamais mis au point et reste
un traitement de première intention de la prééclampsie, une
affection hypertensive responsable de 5 à 15 % des décès maternels
dans le monde », a précisé Kyosuke Shishikura, médecin-chercheur à
l’Université de Pennsylvanie, selon Santé Magazine.

Les chercheurs décrivent une cible jusque-là insoupçonnée :
l’enzyme 2-aminoéthanethiol dioxygénase, dite ADO,
un capteur d’oxygène qui signale aux vaisseaux quand se resserrer.
« L’ADO agit comme une sonnette d’alarme qui se déclenche dès que le
taux d’oxygène commence à baisser », a expliqué la scientifique
Megan Matthews, selon Santé Magazine. Elle a ajouté : « La plupart
des systèmes de l’organisme ont besoin de temps : ils doivent
copier l’ADN, produire de l’ARN et synthétiser de nouvelles
protéines. L’ADO court-circuite tout cela. Elle actionne un
interrupteur biochimique en quelques secondes. » D’après l’équipe,
l’hydralazine se lie à ADO et la bloque, ce qui
maintient les vaisseaux dilatés.

Du capteur d’oxygène au glioblastome : un frein à la
croissance

Ce mécanisme a une résonance directe avec le
glioblastome, le cancer cérébral le plus fréquent
chez l’adulte, réputé pour sa progression rapide. Des travaux
antérieurs avaient associé des taux élevés d’ADO et de ses
métabolites à des formes plus agressives de la maladie, ouvrant
l’idée qu’inhiber l’enzyme pourrait aider à contenir la tumeur.

Dans des essais en laboratoire sur des cellules de
glioblastome, l’équipe rapporte que bloquer
ADO avec de l’hydralazine induit
la sénescence des cellules cancéreuses. En clair,
elles ne se divisent plus, ce qui ralentit la progression de la
tumeur en condition in vitro. Les chercheurs décrivent un levier
précis : empêcher le « signal d’alarme » d’ADO dans un environnement
pauvre en oxygène, où ces cellules parviennent d’ordinaire à
prospérer.

Qu’est-ce que cela change pour les
patients, et quand ?

Ces résultats restent précliniques et
concernent des cellules étudiées en laboratoire. Ils ouvrent une
voie de recherche pour concevoir des inhibiteurs
d’ADO
plus spécifiques aux tissus tumoraux et capables, à
terme, de renforcer l’arsenal face à une tumeur cérébrale
agressive. Les auteurs évoquent déjà le développement de nouvelles
molécules plus ciblées et plus spécfiques.

Dans le même temps, l’hydralazine n’est plus un
traitement de première ligne hors grossesse, car elle peut
entraîner des effets sur le rythme cardiaque, même si elle demeure
utilisée en cas d’hypertension sévère pendant la grossesse. L’étude
met surtout en avant un principe biologique clair, validé par des
données expérimentales, et une perspective de repositionnement
thérapeutique centrée sur l’enzyme ADO. La suite
passe par d’autres essais, plus larges, pour confirmer cette
piste.